L'écrivain journaliste et poète refusait de s'appeler en demi-nom. Il refusait de s'appeler Jean Amrouche ni Louhoub Amrouche mais totalement Jean Lmouhoub Amrouche. Cette insistance à dire et à faire savoir qu'il appartient à deux mondes, certes antagoniques à un moment de l'histoire, le place sur le chemin de la fidélité à l'une et à l'autre de ses cultures. Assumer ses racines, sa patrie et sa culture d'origine dans un espace fascinant, envoûtant et magnétique, et qui plus est amplifié par une réussite sociale, est l'expression d'un engagement profond et d'une vérité absolue. Jean Louhoub ne s'est pas contenté de recevoir un héritage culturel aux horizons séculaires. Il l'a assumé jusqu'au tréfonds de sa conscience et l'a si bien intellectualisé. Dans son ouvrage L'Eternel Jugurtha, publié en 1946 dans “L'Arche" et plus qu'un simple prétexte ou rappel historique, ou même une élémentaire évocation de prestigieux nom du roi, il précisait : “Il y a 18 millions de Jugurtha sur cette terre d'Afrique du Nord." Sa quête de demeurer soi-même tout en avançant avec les autres il l'expliquera dans un de ses textes où il note : “La lutte que je mène porte sur les simples droits d'être soit et non l'image gauchie d'un maître, le droit d'appartenir à une communauté naturelle, d'y être un homme à part entière par droit d'humanité et de porter son propre nom, de jargonner sa propre langue dans la patrie des aïeux." Jean Lmouhoub considérait l'entrée dans la culture française comme la première porte qui s'ouvrait soudain devant lui sur l'utile universalité. Sa vie durant, il tâchera d'entrouvrir encore un peu plus l'entrebâillement de cette porte qui donne sur le monde. Il a su imposer à la différence la connaissance et la découverte de l'autre. L'attachement à sa patrie et à sa culture est magistralement annoncé dans un de ses poèmes avec des mots que seul lui savait dominer : “Je n'ai rien dit qui fût à moi, je n'ai rien dit qui fût de moi. Ah ! dites-moi l'origine Des paroles qui chantent en moi." Mais la France coloniale Jean la combattra à sa manière et au cœur même de la RTF (la Radio Télévision française) où il animait le journal parlé. Il en sera limogé par Michel Debré pour ses positions en faveur de son peuple algérien combattant. Il écrira dans Témoignage Chrétien : “Les jeunes Algériens meurent depuis trois ans, et il est résolu à mourir aussi longtemps qu'il sera nécessaire de reconquérir une partie qui soit la leur, à laquelle ils puissent appartenir corps et âme et qui ait son nom et sa place, humble ou glorieuse, il importe parmi toutes les patries humaines." Il ne cessera de faire le va et vient entre le GPRA à Tunis et le Quai d'Orsay à Paris pour rapprocher les uns et les autres autour d'un accord qui mettra fin à la terrible guerre. Il s'éteindra d'une longue maladie le 17 avril 1962 à l'aube de l'indépendance de son pays pour lequel il avait tant milité. A. A. [email protected]