Vingt-quatre ans après la promulgation de la Constitution de 1989 qui consacre la liberté d'expression, vingt-trois ans après la loi du 3 avril 1990 qui a instauré la totale liberté de presse et “l''exercice du droit à l'information par... tout support médiatique écrit, radiophonique, sonore ou télévisuel", le gouvernement se penche enfin, aujourd'hui, sur un avant-projet de loi sur l'audiovisuel. Cela fait donc quatorze mois (depuis la promulgation de la loi sur l'information, en janvier 2012) que le pouvoir se torture l'esprit à concevoir une loi qui puisse lui assurer le contrôle le plus efficace sur une communication audiovisuelle qu'elle est supposée libérer. Il aura ainsi pris le temps d'ôter toute sa substance à un droit de communication audiovisuelle qu'il doit concéder parce qu'il s'y sent contraint. D'emblée, le gouvernement pose le principe que le droit à la communication audiovisuelle n'est pas le droit à l'information audiovisuelle en ne cédant au privé que la seule possibilité d'initier des chaînes de télévision thématiques, monopolisant l'initiative de chaînes généralistes. Recourant à l'argument scolaire du spectre limité de fréquences, l'avant-projet de loi justifie, dans le texte, la limitation autoritaire des autorisations de fréquences. Le rédacteur sait d'avance que le potentiel de fréquences “ne permet pas objectivement de satisfaire, en ce qui concerne le secteur audiovisuel, toutes les demandes qui peuvent s'exprimer en vue de la création de services de communications audiovisuelles" et que “c'est donc l'Etat qui, inéluctablement, juge de l'opportunité de la création de ces services par voie terrestre, en déterminant, à travers un appel à candidature, le nombre de fréquences radioélectriques disponibles et la nature de service à créer". La programmation nationale a rarement joui d'un tel niveau de prévoyance dans les autres secteurs d'activité. Que le pouvoir n'exerce-t-il cette vigilance prospective en matière de santé, de production d'énergie, de conception d'autoroutes, de préservations des terres, des oueds, des forêts de l'environnement ou de... protection des sites pétroliers et gaziers ! Mais, s'agissant de liberté de communication, le rédacteur de l'avant-projet anticipe déjà les risques “d'une liberté non contrôlée" et proclame “la nécessité d'encadrer l'initiative privée dans le secteur de l'audiovisuel par les règles prudentielles...", comme celle de réserver les agréments aux seuls transfuges du paysage audiovisuel actuel. Le citoyen libre est suspect. Et le pouvoir doit le neutraliser en le désarmant ! L'audiovisuel sera le seul secteur qui dispose enfin d'une vraie structure de veille et d'un véritable plan Orsec : une autorité de régulation dont les membres sont désignés par le pouvoir qui exercera une sélection préventive des initiateurs d'entreprise et une surveillance en temps réel des contenus des émissions radiotélévisée. Et de l'information en ligne. Tant qu'on y est ! L'on a eu à le constater avec les lois sur les élections, les partis, les associations et l'information : la drôle de réforme vogue à contre-courant du mouvement universel de progrès démocratique. Ce n'est pas un hasard : l'Algérie vient de reculer encore dans le classement RSF de la liberté de presse, passant de la cent vingt-deuxième place à la cent vingt-cinquième. M. H. [email protected]