Le président du tribunal n'a pas mâché ses mots. “J'auditionnerai Ali Djerri même à son chevet”, dira-t-il. Pluie de procès contre la presse, hier, au palais de justice Abane-Ramdane. Douze affaires et pas des moindres, relevant de délits de presse, ont été programmées par le président qui a pourtant reporté plus de la moitié des procès. D'emblée, il prononcera la première peine à l'encontre de l'ex-directeur de Liberté, Abrous Outoudert. Ce dernier a été cité suite à un article paru en page Radar de Liberté incriminant un responsable du nom de Bentiba qui aurait refilé des quantités de viandes avariées aux consommateurs. Verdict : 1 500 dinars d'amende. Ensuite viendront les trois procès du quotidien Le Soir d'Algérie où aucune charge n'a été retenue contre son directeur de publication Fouad Boughanem. En revanche, trois autres journalistes, à savoir Djillali Hadjadj, Nacer Belhadjoudja et Malika Boussouf, ont été condamnés respectivement à des peines de 40 000 dinars d'amende et à des indemnités de 100 000 dinars. Toujours dans le même procès, le président du tribunal a requis aux deux premiers journalistes 6 mois de prison avec sursis et un million de dinars d'amende. Suivra l'affaire de Ali Dilem, caricaturiste de Liberté, contre le ministère de la Défense nationale (MDN). Le président prononcera vite le report pour le 17 février prochain alors que la défense s'attendait à un examen de fond, d'autant plus que la partie plaignante était présente. Selon les termes de la défense “le président pourrait demander une injonction de cette affaire avec un autre procès similaire”. Dilem était cité pour avoir publié une caricature, le 29 novembre 2001, suite au téléthon organisé au profit des sinistrés des inondations du 11 novembre de la même année à Bab El-Oued. Une autre affaire suivra alors et concerne le directeur de l'hebdomadaire sportif Compétition, Guessoum. Verdict : un mois de prison avec sursis et 1 500 dinars d'amende. La tension monte d'un cran à la salle réservée aux délits de presse. Encore une fois, c'est Fouad Boughanem, directeur du journal Le Soir d'Algérie, de défiler devant la barre d'accusation pour répondre sur une affaire de diffamation contre le CNPA. Le procès sera immédiatement reporté au 3 février prochain pour examen du dossier. Arrive l'affaire des journaux El Khabar et El Watan. Le procès concerne le ministère de l'Intérieur et la DGSN contre les directeurs des deux journaux et une journaliste d'El Watan. Pressé d'auditionner les prévenus, à savoir Omar Belhouchet, Ali Djerri et Salima Tlemçani, le président voulait à tout prix évacuer cette affaire, alors que la défense allait demander le report pur et simple du procès sachant que le directeur d'El Khabar était dans un état maladif et avait un sérieux malaise. “Je vous laisse le temps jusqu'à la fin de l'audience et je déciderai du report ou du traitement du dossier”, répondra le président. À peine sorti de la salle d'audience, Ali Djerri succombe à son malaise et fait un pic d'hypertension. Une équipe médicale du Samu d'Alger-Centre se déplacera alors sur les lieux pour constater le malaise avant d'évacuer Ali Djerri vers l'hôpital. “Il risque sérieusement un AVC. Son état de santé s'est dégradé”, expliquera le médecin du Samu au président du tribunal qui donnera enfin son accord pour faire évacuer le malade du tribunal. L'affaire ne sera pas traitée certes, mais le président du tribunal n'a pas mâché ses mots en déclarant : “J'auditionnerai Ali Djerri même à son chevet.” Une déclaration qui a soulevé l'indignation de la défense, des éditeurs et des journalistes présents. Concernant l'affaire du journal Le Matin représenté par son directeur Mohamed Benchicou et le ministère de l'Intérieur autour du dossier “Saâdaoui”, le procès est reporté au 2 mars prochain à la demande de la défense. Autre affaire reportée au17 avril, celle du correspondant d'El Watan à Tindouf contre le MDN. Signalons enfin que les éditeurs de la presse indépendante animeront aujourd'hui à la Maison de la presse Tahar-Djaout une conférence de presse suite aux déclarations du président du tribunal d'Alger et la volonté d'instrumentalisation de la justice. F. B.