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PROTECTION DU PATRIMOINE ARCHEOLOGIQUE
Quand Madaure rayonnait sur la Méditerranée
Publié dans Liberté le 10 - 04 - 2013

On ne peut parler de Madaure sans penser à Apulée. Il est, par ailleurs, inconcevable de parler d'Apulée sans évoquer Madaure. Lors de notre virée dans cette ville archéologique, mythique et lumineuse, qui rappelle l'histoire millénaire de l'Algérie, Apulée n'était pas loin. Nous marchions sur ses pas. En voici le récit.
Au centre-ville, plutôt grand village de M'daourouche, commune de la wilaya de Souk Ahras, agglomération de plus de 64 750 habitants, hormis une vétuste plaque, rien n'indique qu'à dix minutes de route d'un chemin de wilaya se trouve une ville en état de vestige, qui a défié le temps et les différents occupants et agresseurs, comme pour témoigner de l'histoire millénaire de l'Algérie. Cette ville n'est autre que Madaure, qui a donné ou pris son nom de celui qui est désigné par les historiens et les spécialistes comme étant l'auteur du premier (ou de l'un des premiers) roman de l'histoire de l'humanité : "l'Âne d'Or" d'Apulée de Madaure. Apulée de Madaure, un fils de l'Algérie, célèbre dans le monde entier, présent dans une centaines d'ouvrages historiques et encyclopédiques, reste encore bien peu connu dans son propre pays qui l'a vu naître. Il serait peut-être plus juste de dire qu'il est méconnu, voire refusé... Hélas, la négation de soi et la déculturation sont passées par-là. Apulée est un écrivain d'origine berbère, né à Madaure vers 123-125 ap. J.C., aujourd'hui M'daourouche, dans la wilaya de Souk Ahras (ancienne Thagaste), ville natale d'un autre célèbre Algérien, Saint Augustin. Apulée est né dans une famille aisée de Madaure. A sa mort, son père lui laisse un important legs et richesse. Bien que totalement Romain par sa culture et son œuvre, Apulée resta toujours attaché à ses origines, n'hésitant pas à se revendiquer plus tard «mi-Numide mi-Gétule». Saint Augustin a dit à son propos : “Chez nous Africains, Apulée, en sa qualité d'Africain, est le plus populaire". Son degré d'adhésion à la “romanitas" fait l'objet d'un débat houleux. Apulée a étudié la rhétorique et la littérature à l'université de Madaure, qui existait bien avant celle de Carthage où il est allé, mais aussi à Athènes où il s'est intéressé à la philosophie néo-platonicienne et au sophisme. Doué d'un talent d'orateur, il devient avocat à Rome, avant de mener une carrière de conférencier itinérant dans son pays natal. Parlant aussi bien le latin que le grec, il pouvait passer d'une langue à une autre sans difficulté aucune. Apulée a écrit de nombreux ouvrages en latin, dans une langue jugée précieuse. On peut distinguer les ouvrages “rhétoriques" (“Métamorphoses", “Apologie", “Florides"). Parmi les ouvrages conservés, le plus connu est “Métamorphoses", également connu sous le titre de “l'Âne d'Or", d'ailleurs traduit fidèlement vers l'arabe par Abou El-Aïd Doudou, sous le titre “El-Himar Edhahabi" (en berbère “Aghioul nouragh").
Et Madaure ?
Pour faire la part des choses, les gardiens de cette ville archéologique (ou du moins ce qu'il en reste) font avec les moyens du bord pour protéger les vestiges des voleurs et pilleurs de patrimoine. Une nouvelle note et instruction du ministère de la Culture indique qu'il est strictement interdit de prendre en photo ou de filmer les lieux sans autorisation préalable de la tutelle, ce qui peut paraître légitime. D'ailleurs, nous n'avons pu accéder sur les lieux qu'après intervention du premier responsable de la circonscription. Cependant, les photographies les plus récentes, en haute définition, c'est-à-dire aptes à êtres imprimées en tant que cartes postales ou autres, sont sur Internet. D'où viennent-elles ? Quelques rares visiteurs, même pas une dizaine, prennent leur ticket à l'entrée, d'un carnet entamé depuis longtemps mais qui semble ne jamais finir. Les visites et les visiteurs sont rares, en dépit de l'importance historique, archéologique des lieux, à titre d'exemple, la première université d'Afrique du Nord. Mais qui le sait ? La question demeure en suspens. En outre, les habitants de la petite ville de M'daourouche ne semblent pas être conscients de l'importance et de la valeur historique du site voisin, Madaure. Et c'est bien dommage, car ceux qui en sont conscients, en font un terrain de chasse et de gain facile. Peut-être qu'il serait plus juste de qualifier cela d'inconscience ! Des jeunes repèrent les étrangers et, discrètement, proposent la vente de pièces archéologiques, pièces de monnaies anciennes, etc. Certains se targuent de posséder des détecteurs de métaux, offert par des pilleurs, avec qui ils partagent le butin. Que peut faire un gardien ou une association avec les meilleures intentions du monde ? On raconte autour d'une table, à bâtons rompus, que les quelques rares touristes (pèlerins) qui s'aventurent à Madaure viennent de Tunisie (il y a un poste frontalier voisin), et ramènent avec eux, leur nourriture, c'est-à-dire qu'ils ne dépensent pas un sou au nom du tourisme !
Ma ville, ma passion...
Madaure (en latin Madauros ou Maduara), M'daourouche, est une ville antique située à 50 kilomètres de Thagaste (Souk Ahras), au nord-est du pays. Elle fait partie des Aurès. Successivement berbère, romaine, vandale et byzantine. Mais ce ne sont que des renseignements recueillis çà et là car, sur place, il n'y a ni carte ni prospectus, encore moins un guide en dépit des efforts fournis par les vigiles sur place, qui font de leur mieux pour donner des informations aux visiteurs. Un jeune étudiant, que les gardiens nous ont conseillé pour ses connaissances des lieux, nous fournit enfin des éléments justes et vérifiables sur le site. En effet, Tayeb fait partie d'une association qui essaye, tant bien que mal, de redonner à Madaure la place qu'elle mérite. Il nous dit à ce sujet : “C'est sur le site d'une ancienne ville numide que la cité berbéro-romaine de Madaure fut fondée sous les Flaviens, mentionnée dès le IIIe siècle. La légende dit qu'elle fut détruite par ses propres habitants à l'instigation de la Kahina, mais de nouvelles recherches et découvertes réduisent ces allégations à de la stigmatisation. On connaît l'amour que porte le Chaoui pour son pays, alors pour le mettre à feu, c'est impossible". Signalons également que la ville était célèbre pour son université, l'une des premières avec Carthage ; cependant, comme vestige, il ne reste pas grand-chose de ce lieu de savoir fréquenté jadis par des hommes de lettres, des philosophes, des mathématiciens et des rhétoriciens, dont le plus célèbre reste un fils du peuple berbère, Apulée de Madaure. On raconte que lors de ses plaidoiries, les gens venaient de partout pour l'écouter parler. Aujourd'hui, le visiteur découvre les restes des thermes, des temples, trois basiliques, mais aussi ceux d'un théâtre considéré comme le petit théâtre de l'époque, ainsi que les vestiges d'huileries reconnaissables car elles n'ont presque pas changé de forme par rapport à celle qui fonctionne encore aujourd'hui à l'autre bout du massif auressien. Sur une partie du Forum, les Bizantins ont édifié une forteresse qui enceint le vieux théâtre. La ville de Madaure, ainsi que les vestiges séculaires des anciennes cités Khimissa, Tifeche, Taoura, font de la wilaya de Souk Ahras, un musée à ciel ouvert qui ne demande qu'à être pris en charge et protégé. En attendant des jours meilleurs pour Madaure, et pour les autres sites archéologiques de notre pays, une réappropriation de son histoire pourrait se faire à travers le programme scolaire, les pièces de monnaie ou billets, les timbres, les noms des lieux, les noms des universités et instituts, etc.
R.H
Voir galerie photo sur : http://www.liberte-algerie.com/galerie-photos/madaure-un-musee-a-ciel-ouvert-316
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