Selon des informations qui restent encore confidentielles, les autorités algériennes devraient annoncer au cours des prochaines semaines une série de mesures destinées à encadrer plus efficacement l'évolution du commerce extérieur algérien. Les premières cibles pourraient être des banques privées auxquelles on reproche de s'être spécialisées, pour nombre d'entre elles, dans le financement des importations. Après avoir été le credo du gouvernement pendant près de 3 ans, la politique d'endiguement des importations a cédé la place brutalement à une nouvelle flambée des achats de l'Algérie à l'extérieur depuis 2011. L'emballement des importations et singulièrement celui des biens de consommation durables, véhicules en tête, semble cependant commencer à inquiéter sérieusement les pouvoirs publics. Au mois de mars dernier, la Banque d'Algérie avait déjà souligné le record historique de 48,3 milliards de dollars établi par les importations algériennes en 2012. La généralisation du crédit documentaire imposé voici plus de 3 ans n'a pas pu empêcher les importations de continuer à augmenter sensiblement. Ni la structure des importations d'évoluer en faveur des biens de consommation et au détriment des biens d'équipement. La Banque d'Algérie soulignait ainsi que non seulement la progression des importations n'a pas été freinée puisqu'elles ont encore augmenté de près de 30% en 3 ans, mais de surcroît, et spécialement au cours de la même période, la structure de nos achats à l'extérieur, tirée notamment par les importations de véhicules de tourisme, s'est modifiée sensiblement en faveur des biens de consommation durables et au détriment des biens d'équipement. Difficile d'imaginer une meilleure démonstration de l'inefficacité du crédit documentaire en tant que moyen de contrôle des importations ! Plus de la moitié du commerce extérieur Si l'imposition du Credoc comme moyen de paiement unique des importations n'a pas permis d'atteindre l'objectif recherché qui était le contrôle de la croissance des importations, il a en revanche eu une conséquence inattendue. La généralisation du crédit documentaire a constitué une forte incitation au renforcement de la spécialisation des banques privées dans un financement du commerce extérieur devenu extraordinairement rentable. Des performances qui restent évoquées avec discrétion par les banques à capitaux occidentaux mais qui sont affichées beaucoup plus franchement par les banques arabes. C'est ainsi que le rapport annuel d'AGB pour 2011 mentionne : “Une hausse des commissions très marquée due, dans une forte proportion, au développement de l'activité commerce extérieur qui a vu la valeur des transferts vers l'étranger augmenter de 27% pour atteindre 2,4 milliards de dollars en 2011". Des résultats qui ont permis à la banque de “maintenir son avance en matière de trade finance qui constitue le pôle d'attraction principal de la clientèle". Même franchise du côté de Housing Bank pour qui “les crédits par signature atteignent 20 milliards de DA en 2011 et sont en hausse de près de 40%, en raison essentiellement de l'ouverture des crédits documentaires d'importation". En réalité, bien qu' elles ne l'affichent pas toute de façon aussi clairement, toutes les banques privées sont concernées par ce gonflement de l'activité et de la rentabilité du financement du commerce extérieur. On estime que les banques privées algériennes réalisent désormais, en moyenne dans ce domaine, plus de 50% de parts de marché. Une performance qui est attribuée à la célérité qui caractérise l'exécution des opérations ; un argument qui semble avoir séduit beaucoup de clients. Les coûts de financement sont également très compétitifs, notamment dans le cas des grandes banques comme BNP Paribas, City Bank ou HSBC, qui peuvent s'appuyer sur un réseau international permettant de réduire les coûts de confirmation. Ces derniers restent cependant très élevés — on parle d'un montant de 500 euros pour un crédit documentaire de 50 000 euros — comparativement à un mode de règlement classique comme le transfert libre désormais banni par la réglementation algérienne et qui représente pourtant selon des estimations d'experts plus de deux tiers du commerce mondial. Des commissions excessives Même si aucune information n'est donnée officiellement sur ce sujet très sensible par la Banque d'Algérie, un banquier de la place nous assurait récemment que le commerce extérieur procure aujourd'hui suivant les établissements “entre 50 et 80% du PNB bancaire". Notre interlocuteur souligne également le caractère particulièrement élevé, voire “choquant", des commissions de change prélevées par les banques privées qui atteignent “entre 1 et 2% alors que la commission de la Banque d'Algérie ne dépasse pas 0,1%". Des “performances" qui ne sont manifestement pas du goût du régulateur du secteur. A l'occasion de la présentation de son dernier rapport de conjoncture, le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, rappelait en substance, et sans doute en guise d'avertissement, voici quelques semaines, aux banquiers privés que “les agréments leur ont été délivrés pour faire de l'intermédiation bancaire, c'est-à-dire principalement pour collecter l'épargne et financer l'investissement". Des mesures “correctrices" ne devraient pas tarder à suivre. H. H. Nom Adresse email