La généralisation du crédit documentaire imposée voici plus de 3 ans n'a pas pu empêcher les importations de continuer à augmenter de près de 30% depuis cette date, ni la structure des importations d'évoluer en faveur des biens de consommation, et ce, au détriment des biens d'équipement. Les chiffres et le commentaire consacrés la semaine dernière par la Banque d'Algérie aux résultats du commerce extérieur en 2012, résonnent comme une appréciation à peine voilée de la faible efficacité de la généralisation du crédit documentaire. Les rédacteurs de la dernière note de conjoncture publiée par les locataires de la villa Joly relèvent très significativement : “Les importations de marchandises ont progressé de 7,5% en 2012, atteignant le niveau de 48,3 milliards de dollars contre 38 milliards de dollars en 2008, année marquée par une envolée en la matière (+44 %). L'année 2011 avait déjà enregistré un rebond significatif (+15,5 %) des importations". De quoi confirmer le peu d'enthousiasme avec lequel la Banque centrale a dû mettre en œuvre cette mesure très controversée. Selon différentes sources, c'est à la demande expresse du Chef de l'Etat et au cours d'une réunion convoquée en juillet 2009 dans le but d'endiguer la croissance exponentielle des importations que la décision d'imposer le crédit documentaire comme moyen unique de règlement des importations aurait été prise. Régulièrement critiquée depuis cette date, notamment dans les milieux patronaux ainsi que par beaucoup d'experts indépendants, son application n'a fait l'objet à ce jour d'aucun bilan de la part des autorités algériennes. C'est , volontairement ou non, un peu ce bilan que dresse la dernière publication de la BA. Le caractère négatif de son appréciation générale est encore renforcé par le fait quelle souligne en outre que “la progression enregistrée en 2012 est due principalement à l'expansion significative des importations des biens de consommation non alimentaires (+25 %), tirée pour une grande partie par la hausse des importations de véhicules, les importations de biens alimentaires et de biens d'équipement industriels, quant à elles, reculant respectivement de 8,4 % et 15,7 %". Conclusion, non seulement la progression des importations n'a pas été freinée puisqu'elles ont encore augmenté de près de 30% en 3 ans mais de surcroît ,et spécialement au cours de la même période, la structure de nos achats à l'extérieur s'est modifiée sensiblement en faveur des biens de consommation durables et au détriment des biens d'équipement. Difficile d' imaginer une meilleure démonstration de l'inefficacité du crédit documentaire en tant que moyen de contrôle des importations ! Un instrument inadapté Ce résultat n'est pas vraiment une surprise. Beaucoup de spécialistes avaient déjà attiré l'attention sur son inadaptation par rapport à l'objectif recherché. “Le crédit documentaire intervient après que l'importateur et l'exportateur se soient mutuellement engagés : l'un à payer, l'autre à expédier la marchandise. Dès lors que le processus d'importation est engagé on ne voit pas en quoi un mode de règlement plutôt qu'un autre pourrait contribuer à réduire les importations", soulignait l'un d'entre eux dès l'adoption de cette mesure . En fait l'objectif de réduction des importations aurait impliqué d'intervenir en amont, par exemple en désignant une autorité chargée de délivrer des accords – ou des refus – d'importation aux entreprises en fonction d'objectifs économiques nationaux. Cette solution, pas nécessairement la plus pertinente en raison de son caractère forcément bureaucratique, aurait au moins eu le mérite de prendre le problème à sa source et non pas à ses conséquences. A défaut d'une autorité administrative unique, cette fonction de “sélection" des importations n'a pas pu en tout cas être assurée par les banques dont ce n'est pas le rôle et qui ont dû d'abord faire face en urgence au gonflement extraordinaire du nombre de Credoc provoqué par la LFC 2009 qui serait passé de 5 000 par an à plus de 60 000 aujourd'hui. H. H.