Le chef de gouvernement va consulter le Président. Les délégués s'en remettent à l'Interwilayas prévue demain à Tizi Rached. Le dialogue engagé entre les représentants du mouvement citoyen des archs et le chef du gouvernement autour de la mise en œuvre de la plate-forme d'El-Kseur a connu, hier, un premier blocage en raison d'un désaccord à propos de la question de l'officialisation de la langue amazighe. C'est en raison de sa charge symbolique que les délégués ont préféré commencer le débat par le troisième chapitre du document de mise en œuvre élaboré à Larbaâ Nath Irathen et qui fait référence à cette revendication. Le deuxième round du dialogue entamé, samedi dernier, après la signature du protocole d'accord portant la satisfaction des six “incidences” a donc été consacré à la concrétisation des revendications contenues dans la plate-forme, explicitées à Larbaâ Nath Irathen le 31 octobre 2001. Le dialogue est donc suspendu entre les deux parties jusqu'à nouvel ordre. Il s'agira, maintenant, pour les délégués du mouvement citoyen de rendre compte du mandat dont ils ont été investis par l'Interwilayas. À cet effet, les travaux du conclave resté ouvert depuis la semaine dernière à la salle Ibn-Khaldoun se poursuivront demain, à Tizi-Rached, dans la wilaya de Tizi Ouzou. “C'est ainsi qu'on avait convenu. À chaque fois qu'il y a blocage dans les discussions, on se retire pour nous référer à l'Interwilayas habilitée à trancher la position qu'il faut adopter”, a affirmé, hier, Belaïd Abrika, porte-parole de la délégation des “24”, à la sortie du Palais du gouvernement. Le délégué de la CADC de Tizi Ouzou a indiqué que le chef du gouvernement, pourtant mandaté par le président de la république, n'a pas voulu prendre d'engagement quant à la prise en charge de la revendication telle que formulée dans le document de mise en œuvre tendant à faire de tamazight une langue nationale et officielle et intégrée dans la Constitution sans passer par la voie référendaire. Ahmed Ouyahia, de son côté, devra donc consulter le président de la république, Abdelaziz Bouteflika, sur la réponse définitive à donner aux délégués. “Nous cherchons un engagement de l'Etat sur cette question dans le cadre de la satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur”, a encore précisé Abrika. Ainsi, même si des avancées notables ont été réalisées dans le débat autour de la question identitaire et des moyens à mettre en œuvre pour la promotion de la langue amazigh, la discussion a achoppé sur le dossier de l'officialisation de cette langue, selon des indiscrétions fournies par certains délégués ayant pris part au dialogue. Ahmed Ouyahia aurait admis le principe de l'officialisation, mais il aurait affirmé aux délégués que cela ne saurait se faire dans le court terme, privilégiant, dans son intervention, la mise sur place de mécanismes permettant de promouvoir cette partie de l'identité nationale avant de passer à l'étape de l'officialisation. Ce désaccord de fond n'a pas empêché les deux parties d'échanger les points de vue quant à la méthode à adopter pour intégrer tamazight, avec son caractère national et officiel, dans la Constitution du pays aux côtés des autres éléments de l'identité nationale. À ce propos, les délégués ont rejeté toute idée d'organiser un référendum dont l'objet ne porte que sur cette question, comme le propose Ouyahia. Pour eux, s'il devait y avoir référendum, c'est la Constitution qui devrait être soumise entièrement au vote. Le délégué de la wilaya de Béjaïa, Bezza Benmansour, nous a affirmé que le chef du gouvernement a même accepté le principe de faire de Yennayer, le jour de l'an amazigh, une journée nationale chômée et payée, tel que revendiqué par le Mouvement culturel berbère (MCB). Les délégués ont également arraché à Ouyahia le principe du lancement d'une chaîne de télévision en langue amazigh et d'élargir les programmes de l'ENTV à cette langue. Il est à noter que dans le débat général qui a précédé la discussion du chapitre concernant la revendication identitaire, le chef du gouvernement a, selon les propos de Belaïd Abrika, reconnu “la responsabilité unilatérale, pleine et entière dans les évènements du Printemps noir”, telle que réclamée dans le premier chapitre du document de mise en œuvre de la plate-forme d'El-Kseur. Hamid Saïdani Ouyahia à propos de l'officialisation de tamazight “Seul le peuple est habilité à se prononcer” “La constitutionnalisation de la langue amazigh est une question qui concerne l'ensemble du peuple algérien, seul habilité à se prononcer sur cette question par la voie exclusive du référendum”, a déclaré, hier, Ahmed Ouyahia, Chef du gouvernement lors d'une conférence de presse animée au Palais du gouvernement. En évoquant les pourparlers engagés avec les délégués du mouvement citoyen, il a indiqué qu'“il a été décidé conjointement de suspendre les discussions à ce stade en attendant la tenue de l'Interwilayas”. Il a ajouté dans la foulée : “Nous avons entamé les négociations avec le mouvement citoyen sur le chapitre 3 du document concernant la mise en œuvre de la plate-forme d'El-Kseur, intitulé revendications démocratiques et historiques, où nous avons abordé la question de la constitutionnalisation de la langue amazigh.” Le Chef du gouvernement demeure optimiste et serein quant à l'issue de ces négociations en soulignant : “Il faut être optimiste car si on était porté vers le pessimisme, il y a longtemps que nous aurions plié bagages.” De même, il a estimé qu'“il est nécessaire de régler cette crise et de ne pas avancer d'une façon à avoir des surprises”. Il s'est félicité, toutefois, de la réaction de la population de la Kabylie qui “a soufflé et repris espoir après la satisfaction des six incidences exigées par le mouvement citoyen”. R. N.