L'université algérienne est en crise. Pour analyser le mal qui ronge depuis des années, voire des décennies l'université, l'enseignant chercheur et le syndicaliste Farid Cherbal a répondu favorablement hier à l'invitation de l'école de formation du FFS. « L'université a été victime de l'absence de politique nationale de la recherche et de l'enseignement supérieur. Nous n'avons pas su lier l'université à la cité. Résultat : nos diplômes n'ont plus l'équivalence qu'ils avaient il y a quelques années avec ceux d'autres pays plus développés », souligne Farid Cherbal en précisant qu'en 1971 la réforme de l'enseignement supérieur a été l'unique révision mais a été stoppée en 1981. Une date durant laquelle « la crise est devenue endémique ». « C'est bien de faire des réformes, mais il faut aussi faire une évaluation de cette réforme. Durant les années soixante-dix, l'université a accueilli le premier flux d'étudiants représentant la génération post-indépendance, il aurait fallu prévoir un budget de formation digne de ce nom », a soutenu l'invité du FFS. « Ce budget est la base de la formation de l'étudiant, il s'agit d'un budget devant prendre en charge l'envoi de l'étudiant en stage de travaux pratiques dans des entreprises ou des institutions, et lui fournir des bourses d'études. Ce budget n'existe pratiquement plus chez nous, alors qu'il est de l'ordre de 10 000 euros en Europe par étudiant », indique le conférencier. Ce dernier évoque également, comme élément de la crise, l'absence de stratégie. « Pourquoi forme-t-on dans ce pays ? L'université doit être au cœur de l'économie nationale et non produire des chômeurs », dit-il en relevant qu'à partir des années 1980 la remise en cause du système économique a été faite dans l'opacité, « ce qui a eu des conséquences sur l'université qui a perdu ses liens avec la vie économique ». Autre facteur fragilisant l'enseignement supérieur, celui de la mauvaise prise en charge de la question des langues. « Il ne faut avoir aucun complexe à utiliser les langues nationales, arabe et tamazight, en sus de l'anglais et du français, notamment dans les filières technologiques », a-t-il dit. M. Cherbal a également pointé d'un doigt accusateur la dissolution de l'Organisme national de la recherche scientifique (ONRS). « On a dissous dans l'opacité totale le seul organisme qui encourageait la recherche scientifique et qui était un lieu de formation et de débat », a indiqué M. Cherbal avant de critiquer la désignation de l'encadrement des universités au lieu de son élection. « Il faut une démocratisation de la gestion de l'université, il est inadmissible de ne pas élire le recteur, les chefs de département et autres membres de l'encadrement universitaire. Selon les normes de l'Unesco, il faut des élections sur la base de programmes », a noté Cherbal Farid. Evoquant, par ailleurs, la fuite des cerveaux, le conférencier estime qu'il ne faut pas perdre de vue aussi, en sus de la fuite vers l'étranger, l'exil économique interne « des milliers d'étudiants ont choisi de travailler dans des entreprises étrangères établies en Algérie. Il faut garantir aux étudiants en post-graduation une bonne bourse, un logement et des conditions adéquates de travail », dit-il. Farid Cherbal ajoute que l'université privée n'est pas la solution à cette crise « la privatisation va échouer comme en Tunisie et en Egypte. Les Etats-Unis sont le seul pays à avoir réussi cela, car c'est en totale conformité avec sa formation sociale historique. Ce n'est pas le cas de l'Algérie ».