Cette pièce, qui sera présentée ce soir à 19h30 et demain à 16h au Palais de la culture Moufdi-Zakaria, est une invitation à l'évasion à travers les aventures des habitants de Aïn El-Khobza. C'est aussi une réflexion sur l'espace et autour de l'acte de création. Quel bonheur de se rendre au théâtre et de rire de bon cœur ! Non pas parce que le travail présenté est nourri d'humour contagieux, mais parce que les situations et le texte bourré de moqueries nous concernent. Quel plaisir également de se sentir impliquée, en tant que spectateur, dans la préparation d'un spectacle ! Quel joie de sortir d'une salle de spectacle et de continuer à réfléchir sur ce qui a été proposé ! Ces sentiments-là disparaissent peu à peu de notre cœur de spectateur, mais on les a retrouvés, mardi soir au Palais de la culture Moufdi-Zakaria, lors de la générale de la pièce, “Sidi Feltane», produite par Gosto Théâtre (qui entre dans le cadre de l'intitulé générique “Aïn El-Khobza", à son tour inscrit dans, “l'Autre Théâtre", le grand projet de Gosto Théâtre, selon lequel il propose une écriture scénique à partir de textes “non dramatiques"). Mise en scène et adaptée d'après trois chroniques du recueil, “le Mythe en héritage" (éditions Dar El-Hikma) de Mohamed Abbou, par Ziani-Chérif Ayad, la pièce “Sidi Feltane" commence dès l'arrivée du public au Palais de la culture, puisque celui-ci est accosté par les comédiens à l'entrée. Une deuxième partie du spectacle se déroule en plein air, au niveau du hall d'entrée ; et enfin, une troisième partie dans l'enceinte de la salle de spectacles. La pièce nous installe dans la république de Aïn El-Khobza (le clin d'œil est on ne peut plus clair), protégé par le saint Sidi Feltane, célèbre même au-delà des frontières pour ses bienfaits et sa “baraka". Les deux protagonistes de “Sidi Feltane" nous font découvrir cette république, à nous autres “touristes algériens", qui avons supporté un voyage de 4 heures, avant de faire une escale de deux jours à Aïn El-Gazouz, pour reprendre une nouvelle fois un vol de 6 heures jusqu'à Aïn El-Khobza. Une république construite sur le mensonge, l'amnésie et l'aliénation, où l'absurde fait partie intégrante du train-train quotidien. Et bien sûr, c'est Sidi Feltane qui porte la croix du genre humain, et que les gens vont implorer pour un changement, un salut, une absolution, etc. Aïn El-Khobza a aussi une équipe nationale de football qui multiplie les échecs, un sélectionneur décrié pour sa nonchalance et ses méthodes surannées. La situation géographique de la république et son climat favorable qui contrastent avec les tracas quotidiens de ses habitants, amène une équipe de cinéma pour le tournage d'un film historique. Des aventures extraordinaires et fabuleuses se déroulent à Aïn El-Khobza, et les deux personnages de la pièce les racontent avec beaucoup d'entrain et d'humour, même si quelques moments difficiles dans le rythme traversent certaines parties de la pièce, mais peut-être est-ce uniquement parce que le spectacle n'est pas bien huilé pour l'instant (c'était une générale). Peut-être aussi que le texte, par moments, manquait de luminosité, car certaines phrases étaient trop directes et trop premier degré, mais ceci n'atténue en rien le travail remarquable d'écriture, qui tend à s'éloigner du «Théâtre Traditionnel», mais qui utilise pourtant ses éléments, ses procédés et ses catégories esthétiques (grotesque, burlesque, comique, etc.). “Sidi Feltane" rend hommage, en outre, aux chansonniers algériens du siècle dernier, une forme dans laquelle les Algériens excellaient, transmettant ainsi des messages politiques et sociaux, à travers le rire, qui est bien souvent une thérapie, un moyen de sensibilisation également. Pour leur part, les comédiens ont été impeccables pour une générale, notamment l'excellent Sofiane Attia qui a proposé une palette de caractères assez large, et Mohamed Seghir Bendaoud qui a accompagné le jeu de son acolyte, en détonnant par moments. Mais la prestation des deux comédiens relevait de la performance, puisqu'ils ont réussi à captiver l'assistance. Le troisième comédien de “Sidi Feltane", le musicien Nour-Eddine Saoudi, a également eu un rôle un important dans la représentation, puisque ses interventions servaient à marquer le passage d'un acte ou d'un tableau à un autre. En outre, la grande particularité de ce spectacle est le travail sur l'espace, qui a créé une interaction avec le public. Les déplacements des personnages avaient d'autres buts que d'occuper l'espace ; cela permettait en fait d'impliquer le spectateur, souvent passif lors d'un spectacle, à être une partie intégrante de la représentation. “Sidi Feltane" est, somme toute, une pièce qui réfléchit sérieusement sur l'acte de création (fait rare sur nos tréteaux), tout en instillant de la joie de vivre, et en installant dans les cœurs des spectateurs des sentiments contradictoires, comme la nostalgie ou l'allégresse. S K Nom Adresse email