Après seize longs mois d'attente, les députés de l'Assemblée nationale constituante (ANC) viennent d'achever l'élaboration du projet de Constitution. Le président de l'ANC, président de la commission mixte de coordination et d'élaboration de la Constitution, Mustapha Ben Jaâfar, a déclaré, avant-hier, à l'issue des travaux de la commission, que le projet de Constitution sera, bientôt, remis aux présidents de la République et du gouvernement et soumis dans quinze jours à la plénière. Plusieurs députés, dont Fadhel Moussa, président de la commission de la magistrature judiciaire, administrative, financière et constitutionnelle, et Amor Chétoui, président de la commission des pouvoirs exécutif et législatif, ont critiqué, dans une déclaration à l'agence TAP, le contenu du texte et sa révision hâtive par la commission mixte de coordination et d'élaboration. De son côté, la première vice-présidente de l'ANC, Meherzia Laâbidi, a annoncé, avant-hier, à la clôture de la séance plénière de l'ANC consacrée aux questions au gouvernement, que le président de l'ANC a paraphé, dans la même journée, le projet de Constitution dans sa dernière mouture. Celui-ci sera imprimé, distribué à chacun des députés, diffusé sur le site internet de l'ANC et soumis aux commissions constituantes pour élaborer leurs rapports, a-t-elle ajouté. Seulement, certaines dispositions contenues dans la nouvelle constitution suscitent l'inquiétude. D'abord, le préambule, qui fait reposer les fondements de la Constitution sur “les principes des droits humains universels en concordance avec les spécificités culturelles du peuple tunisien". Ce passage donne une marge de manœuvre aux législateurs et aux juges pour s'éloigner des normes internationales relatives aux droits fondamentaux. Ensuite, l'article 5, qui déclare que “l'Etat garantit la liberté de croyance et de culte religieux", mais ne mentionne pas la liberté de pensée et de conscience, y compris le droit de changer de religion ou de devenir athée. Les droits humains seraient mieux protégés par une garantie explicite de la liberté de pensée et de conscience. Aussi, une définition insuffisante des limites acceptables à imposer à la liberté d'expression, d'assemblée et d'association : plusieurs articles [...] définissent la portée de la liberté d'expression, d'assemblée et d'association en permettant au corps législatif d'adopter des lois qui restreignent ces droits, mais sans présenter clairement les limites des restrictions ; une disposition discriminatoire qui prévoit que seul(e) un(e) musulman(e) peut devenir président(e) de la République. Cette disposition contredit l'article 6, selon lequel “tous les citoyens sont égaux en droits et en devoirs devant la loi, sans aucune discrimination". En outre, le projet de Constitution continue à restreindre l'égale protection de la loi aux seuls citoyens de Tunisie. L'Assemblée constituante devrait [...] inclure une clause générale introduisant directement dans la loi tunisienne les droits humains tels que définis par les traités internationaux ratifiés par la Tunisie. [...] L'Assemblée devrait aussi inclure une clause énonçant que les droits et libertés exposés dans la Constitution engagent le corps législatif, l'exécutif, la justice et tous les organes d'Etat. Il devrait y avoir une proclamation de la liberté de religion, de pensée et de conscience, et affirmer que celle-ci englobe la liberté de changer de religion ou de croyance, de pratiquer en public et en privé n'importe quelle religion à travers le culte, l'accomplissement de rites ou les coutumes, ou encore le droit de ne pratiquer aucune religion. Elle devrait affirmer clairement que la mention de l'islam comme religion d'Etat ou bien les références à l'islam dans le préambule ne doivent pas être interprétées de façon à aller à l'encontre des droits et des libertés exposés dans la Constitution ou des conventions internationales sur les droits humains ratifiées par la Tunisie, ni ne devraient déboucher sur une discrimination visant les adeptes d'autres religions ou les non-croyants. I. O. Nom Adresse email