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Département de psychologie de l'UMC
Le règne de la terreur ou la pédagogie de troisième type
Publié dans Liberté le 29 - 06 - 2013

Des pratiques pédagogiques que la déontologie ne peut que réprouver sont en train de broyer, de briser les rêves et les efforts de nos enfants dans l'université de la République livrée à l'incurie et à l'incompétence.
Pourquoi rien ne va plus dans nos universités, pourquoi les niveaux de formation ont régressé au point que nos universités sont classées parmi les dernières du monde à tel point que dans certaines spécialités les choses sont telles que bientôt en en arrivera par tout enseigner sauf la spécialité en question ? J'ai écris à ce propos une contribution "Neverland. Les rêves insensés d'un universitaire" (El Watan du 21 août 2007 ), contribution dans laquelle j'ai essayé d'attirer vainement l'attention de nos décideurs sur les problèmes de notre université et plus largement sur les problèmes du système éducatif algérien demanière générale.
Dans cette contribution, j'ai souligné l'impératif qu'il y a pour une nation à former des élites performantes, des élites qui pourraient servir de locomotive et tirer ce pays vers l'avant. J'ai écris à ce propos : "Aucun pays au monde ne peut fonctionner sans élites. Les élites sont, en fait, comme une locomotive, et si aucun train ne peut avancer sans locomotive, de même aucun pays ne peut progresser sans ses élites. Il faut donc former des élites performantes, il faut assurer la relève, parce qu'à l'allure où cela va, il n'y aura bientôt plus de relève du tout.» Aujourd'hui, cinq années plus tard, les choses en sont toujours au même point pour ne pas dire qu'elles se sont aggravées, comme par exemple ces pratiques pédagogiques insensées qui viennent encore une fois émailler le fonctionnement du département de psychologie de l'UMC. Ces pratiques pédagogiques concernent la manière dont les étudiants sont examinés au département de psychologie lors des contrôles, mais aussi la manière dont-ils sont traités ou plutôt maltraités par certains enseignants dans les amphithéâtres.
On a l'impression que certains enseignants trouvent un malin plaisir à tout faire pour que l'étudiant échoue. En effet, comment expliquer le fait que l'on puisse poser à des étudiants, qui sont à peine en deuxième année, des questions dont-ils ne trouvent nulles réponses dans les cours qui leurs sont dispensés ? Un étudiant a besoin d'un support pédagogique pour travailler, si ce n'est pas un cours magistral en amphithéâtre, c'est un polycopié et même les deux à la fois, surtout en l'absence quasi totale de documentation spécialisée. Il y a, certes, une bibliothèque centrale à l'université de Constantine, il y en a une aussi au département de psychologie, mais les ouvrages disponibles datent de Mathusalem quand ils ne sont pas en mauvais état et quand les étudiants arrivent à les trouver. Selon toute apparence, il n'y a pas de politique cohérente en matière d'approvisionnement de ces bibliothèques ou, s'il y a une quelconque politique en la matière, elle est très mal appliquée, la preuve : le vide sidéral qui caractérise les rayons de nos bibliothèques. J'ai écrit à ce propos un article ("Si l'université m'était contée ?"), paru également dans le quotidien El Watan du 15 février 2006, il y a donc huit années de cela déjà. Dans cet article, j'ai pointé du doigt le fait qu'aucune université digne de ce nom ne peut fonctionner sans ce smic qui est l'accès à une documentation spécialisée et actualisée en permanence, qu'aucune université au monde ne peut fonctionner sans l'ouverture sur les travaux et recherches qui se font partout dans le monde et qu'on ne peut trouver que dans des revues spécialisées.
En l'absence de documentation, de ce smic, l'étudiant a besoin d'un support pédagogique qui est le cours ou encore le polycopié. Les contrôles et tous les examens de manière générale doivent donc porter sur un contenu qui existe effectivement et même si l'enseignant ajoute des explications lors de son cours, explications qui ne sont pas toutes forcément écrites dans le polycopié ou dans le cours, ces explications doivent elles-mêmes partir du contenu que les étudiants ont sous les yeux.
Ainsi, quelle que soit la manière dont le cours est fait, l'étudiant peut trouver tout ce que l'enseignant transmet dans un support pédagogique qui lui servira à préparer ses examens. Il se trouve, malheureusement, que ce n'est pas toujours le cas. En effet, tout récemment, lors des derniers contrôles, dans certains modules, les étudiants ont été examinés sur un contenu fantôme et énigmatique, un contenu qui ne se trouve que dans la tête de l'enseignant et dont on ne trouve nulle trace dans leur support pédagogique. Dans ce cas de figure, ou l'enseignant ne sait pas ce qu'il fait, ou il est incompétent ou encore il fait cela pour des motifs qui obligent à faire des lectures autres et dans tous les cas de figure, c'est la pédagogie et la déontologie qui en font les frais. Pour le cas de figure qui nous intéresse ici, le pas est vite franchi pour arriver à la seule conclusion qui s'impose : l'enseignant utilise des moyens pédagogiques qu'il détourne de leur noble mission pour assouvir une vengeance. C'est comme s'il avait voulu se venger des étudiants pour un crime de lèse-majesté.
En effet, compte tenu de ce qui est déjà arrivé il n'y a pas longtemps de cela au département, compte tenu de certains propos qui ont été tenus par l'enseignant incriminé en amphithéâtre devant tous les étudiants, les conclusions s'imposent d'elles-mêmes : l'enseignant agit par vengeance, pour venger une collègue qui a eu un problème avec les étudiants concernés et qui a été obligée de se désister de ses enseignements devant la pression des étudiants. En effet, dans les jours qui ont immédiatement suivi cet incident, l'enseignant a publiquement et ouvertement menacé les étudiants qu'ils allaient le payer chèrement. D'autres propos confirment cet esprit de vengeance, comme cette menace à peine voilée dans laquelle cet enseignant a utilisé une expression suivante qui dit à peu près ceci : "Je suis une chaouie et vous allez voir comment je vais tresser mes sourcils pour vous montrer." Sans compter toutes les autres vexations auxquelles sont soumis les étudiants comme le fait d'être traités, de débiles et j'en passe. Est-ce là la mission d'un enseignant ? Venir proférer des menaces, intimidé et rabaissé l'étudiant ? Est-ce pour cela que la nation, dont il est le serviteur et le représentant, le paye ?
Par ailleurs, et à l'encontre de toute orthodoxie pédagogique, cet enseignant est en charge de trois modules dans le même semestre, ce qui lui donne carrément droit de vie et de mort sur toute une promotion. En effet, rater trois modules essentiels dans un semestre équivaut à rater ce semestre et par conséquent l'année, et compte tenu de la manière dont cet enseignant examine les étudiants, rares seront ceux qui réussiront. Bref, on a l'impression de ne plus être dans une université où la pédagogie est souveraine et où règnent la sérénité et la sagesse du savoir. Pis encore, le département de psychologie qui est censé former de futurs spécialistes dans la relation d'aide est en train de former de futurs malades mentaux à cause de la pression exercée sur les étudiants et du terrorisme moral qui y règne par la faute d'une poignée d'enseignants qui se reconnaîtront, et cela au vu et au su d'une administration pour qui l'efficacité pédagogique et loin d'être la priorité, mais la soumission de l'étudiant quel qu'en soit le prix à payer. Il faut que les apparences restent sauves, il faut faire croire que tout va bien au moment où les étudiants vivent dans une terreur permanente, maltraités, déconsidérés et qu'ils n'osent plus rien entreprendre, ni manifester leur désarroi par peur que l'on se venge sur eux. La preuve que seul compte pour l'administration le statu quo, c'est les conditions dans lesquelles s'est déroulé le troisième contrôle avec cette enseignante. Les choses se sont passées mardi 5. Très tôt ce matin-là, c'était le branle-bas de combat au département, le vice-doyen chargé de la pédagogie s'est déplacé personnellement pour superviser le bon déroulement des choses, alors même qu'il savait depuis la veille déjà que les étudiants allaient refuser de rentrer à ce contrôle. Malgré cela, le contrôle a été maintenu et l'administration du département, soutenue par le vice-doyen, a tout fait pour qu'il ait lieu, mais il n'a pas eu lieu. Les étudiants, malgré la pression exercée sur eux, ont maintenu leur position et ont été au bout de leur conviction : pas de contrôle avec cette dame. J'étais présent et j'ai essayé de raisonner monsieur le vice-doyen qu'il était antipédagogique de laisser faire ce contrôle dans ces conditions, dans cette atmosphère, et qu'il est plus sage, non pas de l'annuler, mais de le reporter pour laisser le temps aux esprits de se calmer, pour laisser le temps aux étudiants de se reposer et de se reprendre. Entre-temps, on aurait pu sereinement discuter des meilleurs moyens d'organiser ce maudit contrôle dans le cadre de l'équipe de formation élargie à quelques enseignants reconnus pour leur probité et leur sagesse. Je suis sûr que c'est là la voie de la raison et de la sagesse, que c'est là le seul comportement responsable à adopter en pareille situation pour calmer les esprits.
Malheureusement, l'aveuglement et la surdité des responsables ont mené au clash et à l'affrontement avec les étudiants. Et au lieu que l'initiative reste à l'administration, ce sont les étudiants qui l'ont prise à sa place en annulant de fait ce contrôle, qui ne peut être validé avec seulement sept étudiants sur 55. Est-ce là un comportement responsable : pousser les étudiants dans leurs derniers retranchements en leur faisant entendre par cette attitude qu'on ne les écoute pas ? Est-ce là un comportement responsable que d'organiser un contrôle coûte que coûte et quoi qu'il arrive ? Je laisse le lecteur seul juge. Pour conclure, et au vu de tout ce qui vient de se passer dans ce département, au vu de ce manque flagrant de discernement, au vu de toutes ces dérives auxquelles sont confrontés nos enfants dans l'université de la République, je ne peux que me poser la question suivante : est-ce pour cela que nous envoyons nos enfants à l'université ?
Pour les livrer à cette incurie érigée en mode de gestion pédagogique ? Pour apprendre à avoir peur et à vivre dans la terreur tout en ayant conscience que leur avenir est définitivement hypothéqué. Les étudiants vivent dans un stress permanent qui ne laisse nullement place à l'épanouissement de leurs compétences. Avec certains enseignants, chaque fois que vient un examen ils sont morts de trouille, et ce ne sont sûrement pas leurs compétences qui sont en cause. La majorité des étudiants se tue au travail et passe des nuits blanches à préparer ses examens. La faute de l'échec incombe en grande partie à des pratiques pédagogiques qui terrorisent l'étudiant. Comment voulez-vous que la réussite soit au rendez-vous dans de telles conditions ? Je comprends mieux aujourd'hui pourquoi certains jeunes puissent être amenés à s'immoler par le feu ou encore tenter coûte que coûte à fuir ce pays en tentant la harga au péril de leur vie.
Devant l'obturation de toutes leurs perspectives, impuissants et désarmés, ils ne peuvent que réagir par ces conduites de tous les risques. Je comprends mieux aussi pourquoi des cadres bien placés, biens rémunérés, préfèrent émigrer au Canada comme bon nombre de collègues universitaires ou encore tout récemment ce directeur de banque qui vient de partir pour ce pays avec armes et bagages. Quand je lui ai demandé pourquoi à son âge (la quarantaine passée) il se remettait ainsi en question, il m'a répondu : C'est pour mes enfants. Pour qu'ils grandissent dans un pays normal, parmi des gens normaux. Pour qu'ils puissent aller dans une école normale, un collège normal et une université normale, quitte à ce que je me transforme là-bas en vendeur de légumes.
M. N. N.
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