Lors du coup d'envoi des épreuves du baccalauréat à Biskra, le ministre de l'Education Boubekeur Benbouzid a profité de l'occasion pour féliciter les bacheliers algériens qui, selon lui, excellent chaque année dans ces épreuves. Pour avoir l'avis des professeurs d'université sur le niveau réel des bacheliers algériens, il était judicieux de contacter les premiers concernés par la situation, à savoir les professeurs d'université. M. Amara, professeur de sciences humaines à l'université d'Alger 3 (Bouzareah), reste perplexe sur le niveau des étudiants. «C'est normal que le ministre de l'Education soit satisfait du niveau des élèves, il est le premier responsable de ce secteur et ne peut pas remettre en cause sa gestion. Cela reviendrait à dire qu'il est incompétent», déclare M. Amara. Pour lui, le système éducatif algérien laisse vraiment à désirer. «Les étudiants en première année universitaire ont beaucoup de difficultés pour s'adapter par rapport aux générations précédentes», dira-t-il. Les raisons de ce déclin sont, selon les spécialistes, dues au changement de régime entre le lycée et l'université et surtout au passage de la langue arabe à la langue française dans la dispension des cours pour certains modules. Selon M. Amara, les cours sont dispensés en français en raison du manque de supports pédagogiques appropriés en arabe. La plupart des matières principales, telles que les sciences, l'économie et le commerce n'ont pas été traduites en français et lorsqu'il existe des ouvrages en arabe, ils sont très mal traduits. Les étudiants peinent ainsi à trouver leurs repères et mettent beaucoup de temps pour trouver leurs marques. Notre interlocuteur qualifiera ainsi le niveau des étudiants qu'il reçoit dans ses cours de «faible», voire très «bas». Il ne serait pas le seul à penser ainsi car, d'après lui, ses collègues établissent le même constat du niveau des étudiants. La majorité des bacheliers sont très moyens en arabe et ne comprennent pas les langues étrangères, à savoir le français et l'anglais, alors que la plupart des cours se font en français étant donné que les professeurs appartiennent aux générations coloniales. «Sur une classe de 30 élèves, un à deux élèves seulement s'expriment correctement en français et pour ce qui est de l'anglais, c'est à peine s'ils ont entendu parler de cette langue», analyse M. Amara. Devant ces conditions, les professeurs n'arrivent plus à faire leurs cours correctement car, plus de la moitié de l'amphithéâtre ne suit pas. Pour palier plus ou moins à ce type de problèmes, les professeurs tentent tant bien que mal de distribuer des polycopiés aux étudiants pour qu'il n'aient pas à rédiger eux-mêmes ou à prendre des notes. Nécessité de revoir le système d'éducation algérien D'autres professeurs essayent de dicter les cours aux étudiants afin qu'ils aient l'essentiel entre leurs mains. «Les étudiants ne comprenant pas très bien le français et apprennent les cours par cœur en reprenant sans réfléchir le contenu des cours, d'autres, par ailleurs, traduisent les cours en arabe pour essayer de comprendre», dira-t-il. Les professeurs ne font plus dans l'enseignement mais dans le bricolage et c'est d'ailleurs ce qui ressort de l'analyse de M. Amara. La manière dont l'Etat aurait réfléchi le système éducatif algérien serait erronée en commençant par la langue de l'enseignement et les programmes enseignés. «Il faudrait repenser l'école algérienne, remettre à plat le système éducatif et adopter une bonne politique d'enseignement», préconise ce professeur. Pour M. Amara, il serait judicieux de revoir la manière de transmettre l'information sans aucune idéologie quelle que soit la langue de l'enseignement. C'est toute la chaîne de l'enseignement qu'il faut changer et réviser. «Si les professeurs sont mal formés, ils formeront à leur tour de mauvais élèves et ainsi de suite.» Toute l'architecture scolaire est affectée par une mauvaise gestion des politiciens qui établissent des programmes non adaptés et dont les élèves sont les premiers concernés. Pour trouver une solution à la faille au niveau du système éducatif, M. Amara lance un appel en direction des politiciens pour faire correctement leur travail afin de sauver l'Ecole algérienne et lui faire revivre ses beaux jours lorsque le diplôme de médecine était valable à l'étranger sans équivalence.