"Je m'interdis de briguer une présidence, c'est une question de dignité." Qui parlait ainsi ? C'est Dalil Boubakeur dans une interview au Figaro le 21 juin. Soit deux jours avant la réunion du Conseil d'administration du CFCM pour l'élection de son président. Pourtant, le recteur de la Grande-Mosquée de Paris avait ferraillé dur pendant des mois pour reprendre cette fonction qu'il avait occupée de 2003 à 2008, coopté par les autorités françaises, avant de la perdre lorsqu'il a fallu passer aux élections. Il avait même annoncé son retrait avec fracas dans un communiqué en pleine discussion sur la réforme. Mais il ne l'avait pas entériné officiellement et était revenu en catimini. Quelques jours avant la réunion du 23 juin, il informait les autorités diplomatiques algériennes de son désir de ne pas briguer la présidence au motif qu'il ne souhaitait pas être l'otage des autres fédérations puisque la Grande-Mosquée n'avait remporté que 8 sièges aux élections du 8 juin contre 25 pour les Marocains du RMF (Rassemblement des musulmans de France). M. Boubakeur proposait deux candidats à sa place. Il s'agissait de Abdelkader Aoussedj, de la Fédération du Nord et de l'avocat Chems Eddine Hafiz, défenseur du Front Polisario. Deux personnalités partant avec de lourds handicaps. En tant que président d'un conseil régional, M. Aoussedj ne pouvait pas statutairement aspirer à un mandat national. Cela ne pouvait pas échapper à M. Boubakeur. Quant à M. Hafiz, son statut d'avocat du Polisario le mettait en difficulté vis-à-vis des Marocains. De fait, ils ont exigé qu'ils se déconstituaient par le biais d'une annonce publique. Une personnalité recueillait le consensus : c'est Abdallah Zekri, le très médiatique président de l'Observatoire de l'islamophobie qui a toujours milité contre la politique de la chaise vide. Il avait d'ailleurs ignoré l'appel au boycott aux élections de 2011 lancé en présence de l'ancien secrétaire d'Etat, Halim Benatallah, lors d'une démonstration de force à Lille. M. Boubakeur est soupçonné d'avoir proposé les deux personnalités en sachant qu'elles ne seraient pas adoubées. Après avoir fait cette proposition, il réunissait ses ouailles. Il leur ordonnait de soutenir M. Hafiz, agréé par les autorités diplomatiques, quitte ensuite à rompre avec le CFCM et à faire avorter sa réforme. Ensuite, il a pris ses quartiers pour des vacances au Touquet, dans le Nord. Surprise : il interrompait le surlendemain sa villégiature et annonçait avoir accepté la présidence qu'il avait pourtant couverte du sceau de l'indignité quelques jours auparavant. Nouveau rebondissement le lendemain : la Grande-Mosquée quittait la réunion du CA, offusquée par des demandes des Marocains et des Turcs. L'impasse est en vue malgré l'intervention du ministre de l'Intérieur, Manuel Valls. La fédération de la Grande-Mosquée apparaît divisée entre les partisans de la rupture, à leur tête Hafiz, et une base qui ne veut pas de cette "prise en otage". "Nous avons signé pour lui mais dès lors que sa candidature était rejetée, on ne pouvait pas accepter qu'il tienne en otage notre fédération", explique Abdallah Zekri, qui a finalement hérité du poste de trésorier tout en gardant la présidence de l'Observatoire. Samedi, quelques heures avant la réunion du nouveau CA, M. Boubakeur invitait les membres de sa fédération à revenir à la table. Son élection n'était désormais plus qu'une formalité dans le cadre de la réforme qui met en place une direction collégiale pour un mandat de 6 ans et une présidence qui changera tous les 2 ans. Jusqu'à la création du CFCM en 2003, Dalil Boubakeur était le seul interlocuteur des pouvoirs publics en France lorsque les communautés d'autres origines, le Maroc notamment, ont commencé à rechigner. À cela, se sont ajoutés les attentats du 11 Septembre qui ont nourri une vision sécuritaire de l'islam. Le CFCM est donc de cette double exigence : représentativité et sécurité. Aux élections, les Algériens n'ont pas eu la main heureuse même s'ils forment numériquement la communauté la plus importante. Mais pour être de sensibilités diverses, ils votent plus librement que les Marocains qui semblent obéïr aux injonctions consulaires. Faut-il se féliciter de cette liberté des Algériens ? Une chose semble acquise : toutes les kermesses organisées par les officiels ne réussissent pas à les rassembler. Quant à M. Boubakeur, s'il ne draine pas les foules, il rassure les Français. A. O Nom Adresse email