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Les Patriotes chez Zeroual
ILS VONT LUI DEMANDER DE SE PRESENTER AUX ELECTIONS PRESIDENTIELLES 2004
Publié dans Liberté le 21 - 11 - 2002

Désemparés face aux forfaitures successives du pouvoir politique qui refuse toujours de leur reconnaître un statut, ils s'en remettent à celui qu'ils tiennent pour leur “père spirituel”, en souhaitant le convaincre de se présenter aux présidentielles de 2004.
Une délégation de Patriotes de La Mitidja s'apprête à se déplacer dans les tout prochains jours à Batna en vue de rencontrer l'ex-président de la République, Liamine Zeroual. C'est ce que nous avons appris, avant-hier, par la voix de cadres des Patriotes activant dans la wilaya de Blida.
“Nous avons pris attache avec le frère de Liamine Zeroual et il nous a assurés que cela ne posait aucun problème. Il a même entrepris des démarches en vue de préparer le terrain à cette rencontre”, nous a déclaré l'un des membres de l'encadrement des Patriotes de La Mitidja. Pour l'heure, aucune réponse officielle n'a filtré de l'ancien Président.
L'objet de cette audience, précisent ces mêmes sources, est d'“essayer de convaincre le général Liamine Zeroual de se présenter aux présidentielles de 2004”. Par ailleurs, il convient de noter que les Patriotes ont toujours vu dans l'ancien chef de l'Etat leur “père spirituel”, comme ils disent. “Nous souhaitons le voir, lui rendre un fervent hommage pour ce qu'il a fait pour nous et pour tout le peuple algérien, et aussi pour lui dire que nous sommes à sa disposition, que ce soit pour créer un parti politique ou dans le cas où il accepterait de se présenter. Nous sommes déterminés à faire à fond campagne pour lui.”
Liamine Zeroual, faut-il le rappeler, s'est toujours distingué par sa discrétion et ses opinions tranchées, comme en témoignent ses démissions en série des plus hautes fonctions de l'Etat, et qui en disent long sur le tempérament de l'homme. Ainsi, suite à un désaccord avec Chadli à propos de la réforme de l'armée, il avait “jeté le képi” en 1989. Il a été nommé ambassadeur en Roumanie avant de démissionner, à nouveau, de son poste peu de temps après, ayant compris que ce n'était qu'une “voie de garage”. Il fera un retour fulgurant aux affaires quand il se vit nommé ministre de la Défense nationale en 1993, poste qu'il occupera jusqu'en février 1994. Il sera désigné président de l'Etat à la suite de la Commission de dialogue nationale avant de rafler les suffrages aux présidentielles du 16 novembre 1995. Enfin, l'opinion nationale se souvient de son annonce-surprise de claquer la porte de la Présidence, deux ans avant l'expiration de son mandat, suite à de profondes divergences avec une partie de l'establishment militaire. C'était le 11 septembre 1998.
Si le corps des Patriotes a souvent été attaché à l'image de Liamine Zeroual, c'est parce que l'ancien chef de l'Etat avait basé toute sa campagne de 1995 sur la notion de “mouqawama”, la “résistance”, lui dont on gardera le fameux couplet à propos des terroristes : “khaouana, mourtaziqa” : “Ce sont des traîtres et des mercenaires”. Lui qui avait tenté de parlementer avec les chouyoukh à la prison de Blida, et qui sera l'artisan de la loi sur la Rahma, n'en était pas moins un homme de poigne qui acceptera de prendre les destinées de l'Algérie dans un moment nihiliste où l'Etat était en pleine déliquescence. La création des premiers noyaux de résistance citoyenne ne pouvait qu'être en phase avec cette dynamique. Et l'union sacrée sera scellée à travers la création du RND, parti fantoche qu'on disait fédérateur de l'électorat présidentiel, Patriotes en tête.
Aussi, ne doit-on guère s'étonner si, depuis le retrait de Zeroual de la vie politique, les Patriotes se sont, d'emblée, sentis sans protecteur. Situation qui sera aggravée par les volte-face successives de leur parti d'élection, le RND. “Nous avons vu ce qu'ont fait les députés RND pour nous remercier. Bien qu'ils avaient les pleins pouvoirs, que ce soit au niveau de l'Exécutif ou du Parlement, avec ses deux chambres, ils n'ont pas bougé le petit doigt pour nous concocter un statut”, disent-ils.
Avant-hier soir, nous les avons rencontrés en pleine rase-campagne, quelque part dans un bois, sur la route de Larbaâ. Ils avaient le moral à plat, le cœur aussi vaillant que lourd. Ils continuent stoïquement à monter les embuscades, à veiller sur les chemins de fer, sur les barrages et autres points d'eau, sur les écoles, sur les usines. “Nous avons même des éléments en civil dans les cafés. Regardez par vous-même comme La Mitidja respire la sécurité. Le hic est que, se plaignent-ils, la guerre contre le terrorisme ne cesse de s'allonger, et rien n'est clair pour leur devenir. “Cette situation dure depuis huit ans. On nous a recrutés comme des volontaires. Nous nous sommes dits c'est une histoire qui va durer six mois, un an maximum. Nous avons dépassé la guerre d'Indépendance et notre sort n'est toujours pas tranché. Nous gagnons des clopinettes (11 000 DA) versées au tir-boulettes, et l'on ne sait toujours pas si c'est une aide sociale, une allocation ou bien une indemnité. Nous faisons un travail plus pénible sur le terrain que celui des militaires et pourtant, nous ne touchons pas la dernière de leurs primes. Nous n'avons ni assurance ni droit à la retraite. Si un Patriote tombe malade ou meurt hors service commandé, il est cuit. Sa famille se retrouvera sans la moindre ressource”. Leurs appointements accusant souvent un retard de plusieurs mois — trois mois en moyenne — avant d'être versés, le ramadhan aura été difficile pour nombre d'entre eux qui ont une progéniture pléthorique. “Ce matin seulement, j'ai dû débourser 3 000 DA de frais de médicaments que je ne peux rembourser faute de sécurité sociale”, témoigne un chef de groupe. “Même le repenti a un statut !” Ce qui les chagrine le plus, c'est de voir des repentis les narguer au grand jour : “Ce sont des criminels que nous connaissons parfaitement et qui se pavanent en toute liberté, tandis que nous avons 160 patriotes qui croupissent en prison, la plupart pour des délits ridicules. Quand Ouyahia était ministre de la Justice, nous l'avions sollicité pour étudier leur cas ; il n'a rien fait. Ce même Ouyahia que nous avions soutenu et qui avait émis le décret sur la tragédie nationale qui a hissé le terroriste à un rang plus élevé que le Patriote puisqu'il a garanti les droits de ses enfants et pas ceux des enfants du Patriote.”
C'est dire tout le désarroi de ce corps de sécurité, créé dans la tourmente des années de feu, en 1995, à partir de quelques noyaux durs, dans La Mitidja et en Kabylie (Igoujdal), avant de gagner tout le pays. Aujourd'hui, ce corps connaît un sérieux revers du fait du recul de la politique dite “éradicatrice” telle que menée avant Bouteflika. “Depuis l'arrivée de Bouteflika au pouvoir et l'adoption de la loi sur la concorde civile, c'est le flou total pour nous. Nous sommes complètement désemparés. Le pouvoir nous a lâchés. Nous nous sentons trahis, floués et jetés comme des malpropres après qu'on se soit servis de nous. Bouteflika n'a eu de cesse de promettre Seïf al-Hadjadj aux irréductibles du GIA. Hélas, ce que nous sommes en train de constater sur le terrain, c'est que ce Seïf El-Hadjadj, Bouteflika l'a retourné contre nous !”
Nous leur avons posés la question à propos des bruits colportés çà et là, et faisant état d'un désarmement massif de Patriotes. “Il n'en est rien chez nous. Il y a eu certes des cas isolés, mais pour le moment, Dieu merci, l'ANP nous soutient et c'est grâce à l'armée que nous tenons le coup. Nous n'avons pas de problème avec le MDN. Notre problème est avec le pouvoir politique”, nous ont-ils affirmé.
Les Patriotes de La Mitidja se disent outrés de se voir interpellés et accusés de baisse de vigilance chaque fois qu'un massacre est perpétré, comme ce fut le cas après celui de Sidi Okkacha, à Chlef. “C'est le pouvoir qui s'est démobilisé. C'est lui qui n'a pas de visibilité.
Quand vous voyez des Patriotes manquer de tout, allant au front avec des talkies-walkies de chantier et, le comble, sans uniforme, chaussant des bottes pourries, alors que tous les corps de sécurité ont leur paquetage, même les gardes communaux, il y a de quoi se poser des questions…” Ils s'interrogent aussi sur le fait que leur corps ait été complètement ignoré lors du colloque sur la sécurité tenu récemment.
“Pourtant, notre expérience vaut la peine, croyons-nous, d'être méditée comme une expérience unique au monde dans la lutte antiterroriste !”, font-ils remarquer.
Les Patriotes soulignent, enfin, que la guerre contre le terrorisme est loin d'être gagnée. Qu'Abou Tourab cavale toujours. “C'est lui qui a frappé à Chlef. Mais nous savons qu'il reviendra dans La Mitidja, et nous aurons sa peau, comme nous avons eu la tête de Zouabri. Ces gens-là ont leur relais dans leur fief d'origine, à Boufarik, et nous les connaissons tous. Nous connaissons le terrain mieux que personne et, si le pouvoir veut gagner la guerre contre le terrorisme, il doit reconsidérer ses calculs.
Des voix s'élèvent pour exiger la libération de Abassi et Benhadj, alors que la voix des résistants, qui ont tant donné pour ce pays peine à se faire entendre. C'est scandaleux ! Ce pouvoir est indigne de nos sacrifices !”
M. B.


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