Les vaccins pédiatriques sont-ils tous fiables ? Nos enfants sont-ils vraiment protégés par la vaccination, ou victimes d'une simple illusion vaccinale, en l'absence d'une structure de contrôle neutre, qui pourrait contredire les affirmations de l'Institut Pasteur Algérie ? La décongélation en juin dernier de 2 600 000 doses de vaccin contre la poliomyélite à l'annexe de l'Institut Pasteur de Kouba, suite à une panne de disjoncteur électrique alimentant une série de congélateurs à -20°C, rend opportunes ces questions. Pannes d'électricité, rupture de la chaîne du froid, manque de moyens conformes au transport de vaccin, caractérisent la gestion de cette structure qui fait face périodiquement à de rupture de stocks. En savoir plus sur ces dysfonctionnements en série qui causent de grosses pertes à l'Etat et compromettent l'avenir de nombreux enfants n'est pas aisé. Peu de personnes ose, en effet, s'exprimer sur le sujet, publiquement. Un ex-responsable au niveau de l'Institut Pasteur nous confie : "Il faut savoir que ce genre d'incident (coupure de courant) est prévisible. Il faut prendre des dispositions spécifiques pour répondre à toute situation de ce type qui pourrait survenir. Avant, il y avait un système de permanence et de veille de H24, de personnel technique capable de remédier à toutes les situations. Mais la nouvelle direction a décidé de les supprimer." En Algérie, c'est le vaccin polio oral (VPO) qui est utilisé. Il est présenté sous forme de flacons multi-doses (10 ou 20) et importé sous forme congelé. Il doit être maintenu congelé jusqu'à sa livraison au centre de santé et les services de pédiatrie où il est administré aux enfants. "La congélation est indispensable pour conserver le titre du vaccin, c'est-à-dire une bonne concentration de particules virales vaccinales par millilitre nécessaires pour une bonne immunisation. Une première décongélation provoque une destruction d'une partie des virus vaccinaux présents dans la solution vaccinale et donc une baisse du titre, mais le vaccin demeure quand même avec un titre efficace s'il est conservé 3 mois dans un réfrigérateur classique à +4°C. C'est ce qui se passe quand les centres de vaccination reçoivent périodiquement leur dotation en vaccins. Si le vaccin décongelé est recongelé encore une fois, il subit une deuxième décongélation au moment de l'utilisation, le titre s'effondre et il devient tout à fait inefficace. Les enfants qui recevront ce vaccin qui aura subi une deuxième décongélation ne seront pas protégés", explique notre source. Notre interlocuteur ajoute : "Les 2 600 000 doses de vaccin qui ont subi une décongélation à l'IPA ont été recongelées. Elles vont donc être livrées aux centres de santé à travers le territoire national et subiront une deuxième décongélation. Ce vaccin sera donc inefficace. Vacciner des enfants avec ce vaccin sera donc une tromperie et même un crime, car les parents croiront que leurs enfants sont vaccinés alors qu'ils ne le seront pas." Kamel Kezzal directeur de l'Institut Pasteur n'en nie pas l'incident de coupure de courant, mais dément la non-efficacité de ces vaccins : "Effectivement, ces deux millions de doses de vaccin ont été décongelées suite à cette coupure d'électricité, néanmoins, elles ne sont pas périmées. Leur période d'utilisation a été seulement réduite (...). Au lieu de commercialiser ces vaccins sur une durée de deux années, on va les utiliser dans les six prochains mois." Notre source réplique : "En affirmant publiquement que le vaccin même décongelé est valable six mois, le DG de l'IPA, M Kezzal, feint d'oublier que le vaccin subira une double décongélation qui détruira son principe actif. Alors soit M Kezzal est incompétent et ne sait pas de quoi il parle, soit il ment". Le seul contrôle dont bénéficient les vaccins pédiatriques est assuré par l'Institut Pasteur Algérie, en l'occurrence la structure qui les importe et les distribue. En l'absence d'une institution de contrôle neutre qui peut attester que nos enfants sont réellement protégés par la vaccination ? Qui peut contredire l'IPA ? "Ces vaccins ont été payés près de 5 milliards de centimes. Ce qui représente une perte considérable. Cela va entraîner une pénurie qui va s'ajouter aux autres manques de vaccins pédiatriques que connaît le pays ces derniers mois", affirme un pédiatre qui a, lui aussi, requis l'anonymat. Il pense que ces défaillances sont dues au manque de qualification et de savoir-faire des responsables de site nouvellement recrutés. "Ils sont complètement incompétents et ignorants des spécificités des activités de l'IPA et manquent de la vigilance requise pour des postes aussi sensibles. La direction actuelle de l'IPA a, depuis plusieurs mois, écarté la plupart des anciens cadres expérimentés pour les remplacer par des personnels dépourvus des connaissances nécessaires pour la gestion des flux de vaccins, sérums et autres produits biologiques." Ce pédiatre avertit : "La faute de mauvaise gestion commise deviendra un crime si les lots décongelés, donc détruits selon les critères universels de qualité, sont recongelés et distribués comme si de rien n'était pour vacciner les enfants dans les structures sanitaires. Le personnel médical, croyant vacciner les enfants, leur feront prendre de l'eau distillée inactive. Toute une cohorte d'enfants que les parents croiront avoir vacciné contre la polio risque d'attraper le virus sauvage. Ce serait alors un drame épouvantable". Il y a quelques années, 1 150 000 autres doses du vaccin ont été détruites à cause d'une panne d'électricité survenue un week-end. Soit l'équivalent de 9 millions de dinars. Le directeur de l'IPA de l'époque a imputé la panne électrique à un câble souterrain ayant pris feu. Les vaccins n'ont pas été heureusement mis sur le marché à titre préventif. L'Institut Pasteur Algérie a été, en outre, secoué par une grosse affaire liée à l'importation de vaccins périmés, impliquant 10 de ses cadres et son DG de l'époque. L'enquête judiciaire avait révélé que cet institut a procédé, entre 2002 et 2006, à la passation de marchés douteux avec des laboratoires pharmaceutiques étrangers pour l'acquisition, sept années durant, de 750 000 doses de vaccins contre la grippe, la tuberculose, la rougeole et des vaccins pour nourrissons, qui se sont avérés périmés. Dans ces multiples scandales, le ministère de la Santé a une grande responsabilité. Au lieu de procéder à une restructuration du mode de gestion de l'IPA, il se contente, à chaque fois, de limoger son directeur général. Avec cette façon de faire, les errements dans la gestion des vaccins ne sont pas près de prendre fin. N. H. Nom Adresse email