Avant les importantes manifestations prévues hier en fin d'après-midi et en soirée à Tunis par le parti au pouvoir d'abord et l'opposition par la suite, les négociations entre Ennahda et la puissante organisation syndicale, UGTT, n'ont abouti à aucun accord entre les deux parties. La rencontre de plus de quatre heures lundi soir, entre le chef du parti islamiste Ennahda, Rached Ghannouchi, et celui du puissant syndicat UGTT, Houcine Abassi, n'a enregistré aucune avancée laissant présager une sortie de la crise provoquée par l'assassinat le 25 juillet du député Mohamed Brahmi. Rached Ghannouchi a certes évoqué un échange "positif et constructif", son interlocuteur a lui jugé que "l'attitude (d'Ennahda) n'a pas changé". Les deux parties ont prévu de se revoir dans le courant de la semaine. Pour rappel, l'UGTT s'est retrouvée dans le rôle de médiateur entre Ennahda et l'opposition après que le président de la Constituante ait gelé hier les travaux de l'assemblée en demandant à la centrale syndicale d'assumer son "rôle historique" en parrainant des pourparlers. Or, l'opposition et les islamistes ont des positions totalement opposées. Les détracteurs du pouvoir demandent la démission du gouvernement et la dissolution de la Constituante, qui près de deux ans après son élection n'est pas parvenue à boucler une Constitution. Ennahda a rejeté ces revendications et propose d'élargir sa coalition à deux petits partis laïques ainsi que des élections en décembre. L'UGTT propose, elle, un gouvernement de technocrates et le maintien de l'ANC. Ainsi, aucune solution ne semble en vue après près de trois semaines de bras de fer. Selon l'opposition, Ennahda fait preuve de laxisme lorsqu'il s'agit de lutter contre les imams appelant à la polygamie et organisant des mariages coutumiers, parfois entre des mineurs, ce qui est interdit en Tunisie depuis 1956. En outre, le projet de Constitution ne garantit pas clairement l'égalité des sexes et Ennahda fait l'objet de toutes les suspicions depuis qu'il a tenté en 2012 d'y inscrire le principe de "complémentarité" des hommes et des femmes. Le parti islamiste, qui dément vouloir s'en prendre aux acquis des Tunisiennes, a prévu son propre rassemblement sous le slogan "Les femmes de Tunisie, piliers de la transition démocratique et de l'unité nationale". Ce thème rappelle la position des islamistes dans la crise actuelle, ces derniers insistant sur un maintien des "institutions transitoires" issues d'élections en octobre 2011 et toujours en place faute de consensus sur la Constitution. Les deux camps espèrent remobiliser leurs troupes, après avoir chacun réussi début août à réunir des dizaines de milliers de partisans. La Tunisie a ensuite connu quatre jours de calme à l'occasion des festivités de la fin du Ramadhan. Le gouvernement est accusé d'avoir failli sur le plan sécuritaire, l'essor de la mouvance salafiste déstabilisant régulièrement le pays depuis la révolution de janvier 2011. Un premier cabinet dirigé par Ennahda avait déjà dû démissionner après l'assassinat d'un autre opposant, Chokri Belaïd, le 6 février. Par ailleurs, quatre jours après l'assassinat de Brahmi, un groupe suspecté de liens avec Al-Qaïda et pourchassé par l'armée depuis décembre a sauvagement tué huit militaires au mont Chaâmbi à la frontière algérienne. Cette embuscade a déclenché une vaste opération "aérienne et terrestre". Les bombardements du massif montagneux se poursuivaient lundi sans que les autorités dressent de bilan après près de deux semaines de manoeuvres. Selon une source militaire sur place, six "terroristes" auraient été néanmoins tués lundi. Merzak T. /Agences Nom Adresse email