Pour le moment, la seule réponse arabe à la détermination du gouvernement égyptien face à l'entêtement des Frères musulmans est celle de la rue. Et encore, ces manifestations ne se sont circonscrites qu'à Amman, Khartoum, Rabat, Jérusalem-Est et en Cisjordanie et n'ont pas drainé des foules. Ils n'étaient qu'une poignée de personnes à l'appel de partis islamistes pour dénoncer "le coup d'Etat" contre le président islamiste égyptien et le "coup de force" contre ses partisans. Les protestations se sont faites dans le calme et aucune victime n'est à déplorer dans les pays concernés. Chez les régimes, c'est un silence qui exprime... un consentement. La plupart des dirigeants arabes ont appuyé tacitement l'implication des militaires égyptiens dans la situation politique en Egypte. À trois exceptions, tous ont vu dans le "nettoyage" d'Al-Sissi un coup d'arrêt à la propagation de l'islamisme dans le monde arabe et bien évidemment chez eux. Seuls le Qatar, parrain de la récupération par les Frères musulmans des Printemps arabes, la Tunisie, où le parti au pouvoir Ennahda appartient également à la mouvance des Frères et la Turquie où l'AKP est la version turque accomplie de la confrérie d'Al-Banna, ont condamné de manière virulente la répression des partisans de Morsi. En revanche, le roi Abdallah d'Arabie Saoudite n'a pas cessé de proclamer son appui aux militaires égyptiens "face au terrorisme", appelant les Egyptiens, les Arabes et les musulmans "à s'opposer à tous ceux qui tentent de déstabiliser l'Egypte". Les Emirats arabes unis ont la même posture et mettent la main à la poche pour soutenir financièrement l'Egypte menacée de banqueroute. Avec l'Arabie Saoudite, ce n'est pas moins un chèque de 12 milliards de dollars dans les caisses vides de l'Egypte. De quoi compenser largement les menaces européennes et américaines de couper leur assistance financière et rendre infructueux leur chantage économique. La position des monarchies du Golfe s'explique, au-delà de la crainte d'exportation de la révolution des Frères musulmans chez eux, par ce qu'elles appellent "le danger chiite". Dans ces pays, les chiites constituent des minorités remuantes qui exigent, comme à Bahreïn, une place dans la représentation nationale et leur part dans le gâteau pétrolier et gazier. Le soutien de Riyad au nouveau régime égyptien, sur fond d'effacement de la politique agressive qatarie contre tous les pays qui ne se sont pas laissés manger à la sauce islamiste, exprime également, selon le même professeur Abou Diab, interviewé par la presse française, "la volonté de refonder un nouveau système régional purement arabe sur des bases classiques". Pour lui, l'option démocratique dans le monde arabe est "plus ou moins stoppée". Et de conclure : "Ce qui s'est passé en Egypte peut donner des idées à d'autres en Libye et en Tunisie et cette mainmise de l'armée en Egypte pourrait faire tache d'huile." Le puzzle arabe a d'ores et déjà changé. L'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis, principaux parrains du nouveau pouvoir en Egypte, ont repris du poil de la bête au détriment du Qatar et des Frères musulmans. Les Saoudiens soldent également un vieux contentieux. D. B Nom Adresse email