Le gang de Tébessa peut pavoiser et, avec lui, la Grande Famille qui nous tient lieu de système politique. Beliardouh, le correspondant d'El Watan à Tébessa, ne viendra plus fourrer son nez dans leurs affaires malodorantes. Humilié, battu sur la place publique, en présence de témoins, dont des policiers, pour avoir osé traiter des pratiques du système mafieux local, Abdelhaï Beliardouh n'a pas survécu à l'outrage. Déprimé par autant d'injustice, il s'est donné la mort en ingurgitant de l'acide pur, une mort lente pour que tout le monde regarde son immolation se faire et que chacun prenne la mesure du sacrifice du juste. Les mafieux tout-puissants comme les lâches et silencieuses victimes, les autorités complaisantes et associées à l'arbitraire comme la justice, qui n'a pas trouvé mieux pour déclarer son camp que d'enregistrer une plainte de l'agresseur contre la victime et son journal. Le jour même où le journaliste déposait devant le procureur, une bombe était découverte devant la porte de son avocat. Devant le harcèlement conjugué de la force brutale et immunisée contre la loi et d'une justice acquise aux puissants, Beliardouh a fini par apprendre, aux dépens de son intégrité physique et morale, qu'on ne s'attaque pas impunément au complexe politico-mafieux. Lassé de payer de sa dignité et de celle de sa famille son idée de la mission d'information, il a préféré mettre fin à sa vie. Ainsi meurent ceux qui sont arrivés au bout de leur peine et auxquels les adversités combinées des institutions et des intérêts occultes ont signifié les limites de leurs efforts. Sa conception de sa mission a mis Beliardouh devant le choix ultime : accepter de vivre impuissant et avili dans un monde où règne la loi du plus fort, d'autant plus fort que l'Etat lui est acquis, ou changer de monde. Il a opté pour l'autre monde. Vous y continuez à trafiquer à l'abri du regard indiscret du journaliste. Vous pouvez retirer votre plainte. Vous pouvez classer la déposition de celui que vous poursuiviez pour avoir été rabaissé en public. Vous pouvez vous réjouir de vous être fait “justice” pour l'exemple. Vous pourrez ensuite retourner tranquillement à vos rapines, à vos magouilles. Vivez pour d'autres corruptions, pour d'autres abus. En attendant que la décrépitude de votre système qui assassine les plus dignes accompagne vos coteries de prédateurs à leur fin. Collectivement. Dans la même solidarité qui protège vos abus. Car lui s'en est allé. Mais pour sa dignité. Pour notre dignité. M. H.