Obama a compris que son attaque contre un troisième pays musulman isolerait les Etats-Unis sur la scène internationale et que, lui, serait discrédité davantage auprès de sa propre opinion. Américains et Russes poursuivent leurs pourparlers à Genève sur l'arsenal chimique syrien. Les négociations sont entrées dans une phase décisive, sous la pression des Nations unies qui doivent rendre public demain le rapport de leurs experts quant à l'emploi des armes chimiques le 21 août dans une banlieue de Damas et dont le SG a donné un avant-goût en accusant le régime de Damas de nombreux crimes contre l'humanité mais sans désigner celui-ci comme susceptible d'avoir été le commanditaire de l'attaque au gaz. Le mandat des enquêteurs onusiens ne prévoit cependant pas qu'ils désignent les responsables de l'utilisation de ces armes, au grand dam de la France officielle persuadée que Bachar al-Assad en est l'auteur! Ban Ki-moon, selon des spécialistes, n'a pas jeté une ombre sur les négociations sur la Syrie, ouvertes jeudi en Suisse. Plutôt dans son coup de colère, il faudrait y voir la volonté de peser sur les Russes et le régime de Bachar al-Assad pour qu'ils contribuent à accélérer le calendrier de la solution globale en Syrie. En accusant clairement le président Bachar al-Assad d'avoir "commis de nombreux crimes contre l'humanité", se disant persuadé que "les responsables rendraient des comptes quand tout cela sera fini", Ban Ki-moon, invite celui-ci à se mettre en retrait, comme l'a préconisé Lakhdar Brahimi au printemps dernier dans son package de solution à la guerre civile qui fait rage en Syrie depuis 2011. L'ambassadeur algérien, médiateur pour le compte à la fois de l'ONU et de la Ligue arabe, est chargé de préparer une "conférence internationale" dite "Genève II", pour trouver un consensus sur la solution politique préconisée par Genève I. Jusqu'à présent, sa mission est restée dans l'impasse, faute de consensus international et d'accord des belligérants. A l'issue d'une rencontre tripartite Kerry-Lavrov-Brahimi, le ministre russe a réaffirmé l'engagement de la Russie en faveur d'une conférence de paix avec la participation de "tous les groupes de la société syrienne". Mais l'opposition syrienne s'est inscrite en faux sur la décision de Damas de ratifier la Convention internationale de 1993 sur l'interdiction des armes chimiques et les discussions de Genève pour placer sous contrôle international ses armes chimiques. La coalition nationale de l'opposition syrienne, qui a encore échoué en Turquie à se doter d'un gouvernement provisoire, estime, comme la France, que tout ce remue-ménage n'est qu'une nouvelle tentative de Bachar al-Assad pour "tromper" la communauté internationale et l'empêcher de le punir pour ses crimes. Cette posture a permis à la coalition de se voir promettre par la France, l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et la Jordanie de nouvelles dotations en matériel de guerre non létal. Plusieurs pays du Golfe fourniraient en revanche des armes aux rebelles. Les Etats unis semblent ne plus être dans cette logique, investissant leurs efforts avec la Russie pour trouver rapidement un accord sur les modalités d'un démantèlement de l'arsenal chimique syrien. "Nous sommes clairement arrivés à un moment décisif", a souligné hier à Genève un haut responsable américain. Les deux parties ont fait des progrès vers un accord sur "l'évaluation du stock", a-t-il précisé. Américains et Russes espèrent aussi que ces pourparlers débouchent sur un accord plus ambitieux, visant à mettre un terme à une guerre civile qui a déjà fait quelque 110 000 morts depuis deux ans et demi. Kerry et Lavrov qui ont confié le dossier à leurs experts militaires en désarmement, se sont donné rendez-vous à New York autour du 28 septembre, en marge de l'Assemblée générale annuelle de l'ONU, pour fixer une date pour une conférence de paix sur la Syrie. Dans l'immédiat, la Maison-Blanche ne retirera pas sa menace d'une action militaire unilatérale contre le régime de Bachar al-Assad, car elle estime essentiel de maintenir une pression qui a abouti aux développements de la semaine écoulée, selon Barack Obama. C'est plus pour sauver la face qu'autre chose puisque son secrétaire d'Etat a dit miser sur la reprise de la mission de Lakhdar Brahimi, reprise décidée, faut-il le rappeler, par Kerry et Lavrov. Quoi qu'il en soit, Washington et Paris savent qu'une résolution sur la force en Syrie ne passerait pas à l'ONU, en raison de l'opposition de la Russie, de la Chine et bien d'autres membres du Conseil, hormis la France et les Etats-Unis qui se concertent activement pour un texte qui inclurait d'autres moyens de pression, comme des sanctions, qui seraient plus acceptables par Moscou, au cas où "Damas ne respecterait pas ses engagements dans le dossier des armes chimiques". Or, tout semble plutôt se précipiter dans le sens d'une implication positive de Damas. Les Etats-Unis, qui avaient surveillé de très près les stocks d'armes chimiques syriens, ont indiqué que les récents mouvements de ces derniers allaient dans le sens "d'un regroupement que d'une dispersion". Sur ce sujet, la polémique sur qui a employé ces armes va rebondir demain après la publication du rapport de l'ONU. Les Etats-Unis estiment à plus de 1 000 tonnes cet arsenal composé entre autres de gaz sarin ou moutarde certes, vendu par la Grande-Bretagne, d'où en partie le silence de David Cameron, content d'avoir vu son suivisme sur la politique US arrêté in extremis par son Parlement. Par contre, il existe des preuves que l'opposition syrienne dispose d'armes chimiques. En décembre 2012, l'Iran a officiellement informé les USA de l'arrivée en Syrie de ce type d'armes, notamment du gaz sarin mais Washington a refusé de collaborer avec l'Iran sur cette affaire. Au moins, le retour dans la cour des grands de la Russie aura tempéré les ardeurs guerrières d'Obama qui a compris que son attaque contre un troisième pays musulmans isolerait les Etats-Unis sur la scène internationale et que, lui, sera discrédité davantage auprès de sa propre opinion. Une nouvelle aventure militaire américaine ne soulève nulle part l'enthousiasme, qu'il s'agisse de l'Otan, du G20, des Européens, de la Russie, de la Chine ou des 60% d'Américains opposés à une frappe militaire américaine unilatérale. D. B Nom Adresse email