La confirmation de la flambée des importations algériennes aura été la principale nouvelle économique de l'été. De même que la volonté, tardive, du gouvernement de tenter de freiner le train fou de nos achats à l'extérieur. Dès le début du mois de juillet, le Premier ministre adresse une correspondance au ministre des Finances en l'invitant à faire des "propositions concrètes et urgentes en vue de réduire les importations et les transferts vers l'étranger". Un peu plus tard, à la mi-juillet, Abdelmalek Sellal réunit les PDG des banques publiques pour leur demander de réfléchir aux moyens de réduire les importations de biens de consommation via les instruments de financement du commerce extérieur. Le 7 août , c'était au tour du ministre des Finances, Karim Djoudi, d'annoncer la mise en place d'un groupe de travail sur l'évolution des importations dont les conclusions devaient être rendues avant la fin du mois du mois d'aout. On attend, pour l'instant, de connaître le contenu exact des propositions faites par les experts du ministère des Finances qui font déjà l'objet de conjectures diverses dans la presse et les milieux économiques nationaux. En réalité, depuis le printemps dernier, les autorités algériennes ont pris conscience des risques que l'emballement incontrôlé de nos approvisionnements à l'étranger fait désormais courir à nos équilibres financiers extérieurs qui naguère encore faisaient la fierté des responsables nationaux et donnaient lieu à des éloges des institutions financières internationales. Dès le mois de mars dernier, la Banque d'Algérie avait été la première à actionner le signal d'alarme en soulignant le record historique de 48 milliards de dollars établi par les importations algériennes en 2012, en hausse de plus de 8%, et tirées par des importations de véhicules en pleine explosion. Mauvaises nouvelles en juillet La dernière mauvaise nouvelle en date remonte à quelques semaines. Les Douanes algériennes indiquent que l'excédent commercial de l'Algérie a quasiment été réduit de moitié au cours des 7 premiers mois de l'année en raison d'importations qui ont encore accéléré leur augmentation de près de 16%. Avec plus de 33 milliards de dollars de produits importés, rien qu'entre janvier et juillet, l'Algérie est en route vers une facture d'importation qui pourrait s'approcher du seuil des 60 milliards de dollars en 2013. Principales responsables de cette situation ? Toujours des importations de véhicules qui volent de record en record, mais également des achats de produits alimentaires en hausse sensible et des importations de biens d'équipement qui ont fortement rebondi en juillet. Si on ajoute à ces perspectives inquiétantes, des importations de services qui devraient s'établir à près de 11 milliards de dollars et des exportations de capitaux qui ne cessent de gonfler, principalement à cause des transferts réalisés par les associés de Sonatrach, le solde de la balance des paiements a de fortes chances d'être négatif en 2013. Résultat des courses : l'Algérie pourrait bien enregistré à la fin de l'année, pour la première fois depuis près de 15 ans, une baisse significative de ses réserves de change. Comment renverser la tendance ? Depuis le début de l'été la politique d'endiguement des importations est donc devenue le nouveau credo du gouvernement. Mais de quels moyens dispose-t-il pour tenter de renverser la tendance ? Les spécialistes que nous avons interrogés se montrent en général assez sceptiques à propos des marges de manœuvres disponibles à court terme et dans le contexte de la préparation des présidentielles du printemps prochain. Parmi les solutions de type "administratif" qui pourraient être envisagées figurent notamment un nouveau nettoyage du fichier des entreprises d'import-export. Dans ce domaine, une option plus dure pourrait être constituée par le relèvement du seuil du capital minimum des opérateurs du secteur dans le but de réduire leur nombre qui se mesure encore en dizaines de milliers. La définition de normes plus strictes pour les produits importés est également une piste évoquée mais suppose un outillage dont l'administration algérienne, faute d'expérience dans ce domaine, ne dispose pas encore de façon significative. En arrière toute... Jusqu'ici les solutions envisagées font encore partie de l'appareillage classique utilisé ou évoqué au cours des dernières années et ne remettraient pas en cause les orientations fondamentales de la politique du commerce extérieur ni les accords internationaux signés par l'Algérie. Il n'en est pas de même de deux autres options qui seraient beaucoup plus lourdes de conséquences. La piste du rétablissement des licences d'importation est en effet évoquée avec insistance au cours des dernières semaines. Il entraînerait une inversion complète de la démarche de libéralisation du commerce extérieur mise en œuvre depuis 1995 avec des conséquences qui restent encore difficilement mesurables(voir papier ci-dessous). De même, l'interdiction pure et simple de l'importation de certains produits, à l'image des médicaments produits en Algérie et prohibés à l'importation qui a obtenu des résultats non négligeables, est enfin une solution dont l'utilisation sur une large échelle parait difficilement envisageable dans une perspective marquée par la volonté de notre pays de conclure rapidement les négociations d'adhésion à l'OMC. Les banques sur la sellette La clé du problème se trouverait-elle alors entre les mains des banques algériennes ? En tous cas le Premier ministre ne s'est certainement pas trompé d'interlocuteur en réunissant sur ce thème les dirigeants des banques publiques en juillet dernier. Et pour cause, à la suite de l'obligation du recours au crédit documentaire, le financement du commerce extérieur est aujourd'hui presqu'entièrement dépendant des banques. Avec cette réserve cependant qu'on estime aujourd'hui que plus de la moitié de ce financement est réalisé par les banques privées. Demander aux banques dont ce n'est pas la vocation et qui ne disposent pas des instruments pour arbitrer entre les importations «utiles» et celles qui ne le sont pas pourrait se révéler périlleux. On pourrait en revanche s'orienter en dernier recours vers des restrictions quantitatives à travers une révision des ratios d'engagements extérieurs qui fixent administrativement le montant de l'encours des crédits documentaires que les banques sont autorisées à accorder. Des solutions administratives disponibles donc à court terme mais qui ne peuvent, pour la plupart de nos interlocuteurs, que constituer des palliatifs. Pour stopper l'envolée des importations et amorcer leur reflux, tout le monde est d'accord, il faudra d'abord changer de politique macroéconomique. C'est-à-dire, en priorité, maîtriser la croissance des revenus sans contrepartie productive, réviser sensiblement la politique des prix et canaliser l'épargne des Algériens vers des emplois productifs ; mais ceci est une autre histoire... Nom Adresse email