Les explications au demeurant "techniques" du directeur général des impôts démontrent surtout que l'Etat-providence a un coût. L'apport du contribuable est, ainsi, déterminant. Dans sa présentation de la politique et de l'administration fiscales, l'invité du forum de Liberté est revenu sur l'évolution du système fiscal en Algérie depuis le début des années 90 : "Avant la réforme, le système qui avait cours était peu rentable et largement en retrait par rapport à l'évolution économique du pays. Ce système était du reste trop lourd à gérer avec une multiplicité de taux dont certains prohibitifs pouvaient atteindre les 400%. C'est pourquoi, il fallait, dès lors, simplifier, améliorer le rendement, mieux répartir la charge fiscale, et ce, sans aggraver pour autant la pression fiscale." On se souvient que la mise en œuvre de cette réforme s'est traduite par trois principaux changements, notamment par l'institution de la TVA, l'IRG et l'IBS. Toutefois, la période difficile que traversait l'Algérie était propice, selon l'orateur, à mener des réformes "substantielles". C'est pourquoi, il a fallu attendre les années 2000 pour que cette réforme du système fiscal se "consolide" par différentes mesures, telles que la réforme de la taxe foncière, l'institution de l'impôt sur le patrimoine, la réduction considérable des droits de mutation, la révision du régime fiscal des entreprises étrangères, l'institution d'un régime fiscal préférentiel pour les groupes de sociétés, le réaménagement de la fiscalité applicable au secteur du tabac et, enfin, la promulgation du code de procédures fiscales. Pour M. Raouya, cette démarche de changement touchant le système fiscal se devait d'être accompagnée impérativement par une nouvelle gestion administrative "simplifiée" et des mesures d'adaptation et de modernisation de l'administration fiscale. Ce processus impliquait, également, une harmonisation avec les pratiques internationales. C'est ainsi que l'impôt forfaitaire unique (IFU) a vu le jour au même titre que le régime fiscal simplifié. La pression fiscale a, par ailleurs, été diminuée grâce à la suppression du versement forfaitaire (VF) au taux de 6% qui était alors applicable sur la masse salariale, ainsi qu'à l'aménagement du taux de l'IBS. Plus de garanties au contribuable Pour le DG des impôts, cette simplification des règles et des procédures fiscales est venue renforcer les "garanties" des contribuables. "Au-delà de ces mesures de modernisation du système fiscal, il fallait moderniser également l'administration qui en a la charge." M. Raouya a révélé, ainsi, que la Direction générale des impôts compte 23 327 agents, soit environ 3% de l'ensemble des effectifs de la Fonction publique. Le personnel féminin se chiffre, quant à lui, à 6 997 employées, soit 29% des effectifs. Parmi les points importants sur lesquels a insisté l'invité du forum de Liberté figure en bonne place l'organisation mise en place. D'après lui, les procédures mises en place sont inspirées des "meilleures pratiques internationales" et s'appuient sur des moyens de services plus adaptés en termes d'infrastructures, d'équipements et de formation. Ainsi, au plan structurel, il a été mis en place une nouvelle organisation de la gestion de l'impôt par "clientèle" conforme aux évolutions internationales. Ceci induit, selon M. Raouya, le passage d'une administration de l'impôt de type horizontal à une administration de type vertical par "catégorie de contribuables". Ces nouvelles structures présentent, désormais, de nouvelles caractéristiques, comme la notion d'interlocuteur unique, de guichet unique pour chaque catégorie de population fiscale, un accueil personnalisé, des formalités et des procédures simplifiées et assouplies, des personnels formés aux nouveaux métiers et de nouvelles infrastructures. Cette organisation s'est traduite par la création de trois nouvelles structures, à savoir la Direction des grandes entreprises (DGE) dédiée aux grands contribuables qui représentent, selon M. Raouya, plus de 70% du revenu fiscal, le Centre des impôts (CDI) consacré aux PME et aux professions libérales, représentant environ 25% du revenu fiscal et, enfin, le Centre de proximité des impôts dévolu aux petits contribuables représentant 5% du revenu fiscal. Désormais, l'administration centrale des impôts ne se consacre, au plus, qu'au suivi et au pilotage des réformes entreprises. Cette déconcentration des affaires de gestion de l'impôt vers les services opérationnels a permis, selon l'orateur, de s'atteler à de nombreux chantiers en cours de réalisation. En effet, le programme de réalisation des infrastructures "adaptées", dont de nombreuses sont déjà opérationnelles, est lancé à travers l'ensemble du territoire national. Quand la fiscalité ordinaire prend le dessus... S'agissant, par ailleurs, de la répartition de la population des contribuables estimée à 11 143 783 pour les personnes physiques et à 85 860 pour les personnes morales, M. Raouya a présenté une pyramide renversée qui indique que les grandes entreprises représentent à peine 1% des contribuables, mais fournissent de 60 à 70% de recettes fiscales. Il faut dire qu'en matière de recouvrement, l'évolution des recettes fiscales a connu une progression importante. Si bien que la fiscalité ordinaire budgétisée à un baril à 37 dollars a dépassé en 2011 et 2012 la fiscalité pétrolière procurant, ainsi, l'essentiel des produits aux collectivités locales et les dépenses du budget de l'Etat. Pour M. Raouya, ce n'est pas tant l'évolution des recettes des hydrocarbures qui est à l'origine de cette situation, mais ce sont surtout les effets induits par la modernisation et l'organisation de l'admi-nistration des impôts. S'agissant du repli annoncé de la fiscalité pétrolière, on apprendra que celui-ci est devenu effectif en 2012 avec un léger fléchissement. En revanche, les chiffres du premier semestre 2013 indiquent, d'ores et déjà, que la fiscalité pétrolière remonte en flèche et que dans le cas d'espèce, il ne s'agissait que d'un "épiphénomène" qu'il faudra expliquer. Pour l'atteinte de ces résultats, M. Raouya met en avant la mise en place de nouveaux instruments de gestion, l'étroite collaboration avec les différents organismes étatiques, dont le Centre national du registre du commerce (CNRC), ainsi qu'une refonte du système d'information. C'est pourquoi l'invité de Liberté a mis en exergue la création d'une unité centrale d'immatriculation et de traitement de l'information fiscale, une structure chargée du renseignement. Concernant la dématérialisation des procédures, M. Raouya a lancé un appel aux grandes entreprises pour leur adhésion en matière de télé-déclaration : "Nous préconisons une approche basée sur le civisme fiscal. À terme, le contribuable qui connaîtra mieux ses droits et ses devoirs n'aura plus à se déplacer." Interrogé, par ailleurs, sur le système de collecte de l'IRG, un impôt qui concerne un million et demi de salariés, M. Raouya a livré son sentiment : "D'une manière générale, je suis personnellement contre les retenues à la source. De mon point de vue, je préfèrerais un système déclaratif. Mais toute intervention comporte un coût qu'il faut évaluer. De toute manière, ce sont des méthodes d'audit modernes qui montrent la pertinence et l'opportunité de telles actions. En clair, si je suis pour un régime de droit commun avec des règles opposables à tous, il ne faudrait pas non plus s'encombrer de démarches trop lourdes et des difficultés qui nous éloignent de l'essentiel." D'après lui, il s'agit surtout de déterminer à chaque fois les enjeux, le coût des opérations, ainsi que les risques d'évasion fiscale : "Nous aspirons à une administration de services où le contribuable serait au centre de notre intérêt. Pour cela, nous voulons mettre en place un référentiel de qualité service." Pour ce qui est du contrôle fiscal, M. Raouya a affirmé que son administration privilégiait le contrôle "ponctuel" sur une taxe ou un impôt précis et sur une période donnée très courte : "Non seulement notre intervention est plus rapide, mais elle apporte également de bien meilleurs résultats que les vérifications d'ensemble qui immobilisent nos agents, ainsi que ceux du contribuable." À la question de savoir si les mesures de modernisation et d'utilisation de l'outil informatique avaient diminué la charge de travail, le directeur général des impôts a répondu par l'affirmative en notant la nécessité de renforcer en moyens humains, le contrôle fiscal qui ne représente, selon lui, que 10% du personnel, alors que la norme est de 20 à 30% : "Pour combler ce déficit, nous formons jusqu'à 400 Inspecteurs par an." Il a également annoncé la création de brigades d'investigation qui devraient être bientôt mises en place. Le projet de texte règlementaire est, selon lui, en cours de préparation. Bio-express Né le 7 novembre 1960 à Mostaganem, Abderrahmane Raouya est titulaire d'une licence en droit obtenue à la Faculté des sciences juridiques de Ben Aknoun avant de décrocher le diplôme de l'Ecole des impôts de Clermont-Ferrand en France. M. Raouya a intégré l'administration en 1985 où il a gravi tous les échelons jusqu'à devenir directeur général des impôts en juin 2006. M.-C. L. Nom Adresse email