Les changements au sein de la communauté du Renseignement se poursuivent avec le départ de deux officiers supérieurs de renom que sont les généraux-majors Bachir Tartag et Rachid Lallali, rendant, chaque jour, plus lisible la nouvelle architecture de la Défense nationale voulue par le président Bouteflika et son chef des services secrets, le général de corps d'armée, Mohamed Mediene. Certains peuvent appeler cela "l'onde de choc de Tiguentourine", répliques inévitables de l'affaire d'In Amenas où le Haut commandement de l'armée a dû refonder sa réflexion stratégique sur les menaces multiformes contre l'Algérie et ses frontières. D'autres appelleront cela "l'encerclement positif" du fait qu'aucune frontière terrestre de l'Algérie, excepté un peu avec la Mauritanie, n'est actuellement sécurisée, et l'Algérie se doit de jouer son rôle de puissance militaire régionale. Car, plus fort que les hommes, c'est la stratégie déployée qui compte. La Tunisie est infestée de groupes radicaux qui se sont surarmés et dont le contingent le plus dur est de retour de Syrie. La Libye est devenue dans sa partie sud-ouest et autour de Benghazi le centre de gravité du terrorisme avec des camps d'entraînement des djihadistes de tous bords. Le Mali, convalescent après une guerre éclair des Français, va indéniablement renouer avec le retour en force du trio Al-Qaïda-Mujao-groupe Belmokhtar et l'éternelle hostilité militaire de notre voisin marocain qui est dans une course aux armements effrénée et qui ne pense qu'à profiter de l'instabilité pour renforcer son mouvement de colonisation du Sahara occidental. C'est tout l'écosystème sécuritaire qui est en proie à des tensions. Nouveaux hommes pour de nouveaux défis Ainsi, deux des plus importants départements du DRS voient leurs patrons remplacés. Pour le général-major Bachir Tartag, chef de la DSI (Direction de la sécurité intérieure), connue comme étant la DCE, la Direction de contre-espionnage, la période de fonction aura été courte. Seulement 21 mois depuis qu'il a remplacé au pied levé le général Ahmed Kherfi, ce qui présage davantage d'une affectation à une autre responsabilité. Le travail abattu par le général-major Tartag et son prestige intact au sein du DRS, notamment dans la prise en charge de la lutte contre des réseaux d'espionnage, de subversion et de terrorisme, font de lui un haut cadre de grand mérite. D'ailleurs, certains l'envoient déjà au niveau de l'état-major de l'armée où il occuperait un poste de conseiller aux affaires sécuritaires auprès du nouvel homme fort de l'ANP, le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, en attendant que l'édifice de défense soit complété par un nouveau chef d'état-major. Son remplaçant est par contre une surprise qui étonne les spécialistes. En effet, la DSI sera dirigée par le général Ali Bendaoud, un des plus jeunes généraux du DRS, connu pour être d'une intelligence vive, homme de dossiers et spécialisé dans les affaires... extérieures. Longtemps, le général Ali Bendaoud était promis à succéder au légendaire général-major Rachid Lallali, plus connu sous le nom de Attafi à la DDSE (Direction de la documentation et de la sécurité extérieure), qui, selon nos informations, aurait demandé à partir depuis un moment pour des raisons de santé. Le général Bendaoud avait occupé des postes sensibles, notamment au bureau de sécurité à l'ambassade d'Algérie à Paris, et avait, dès son retour en Algérie en 2008, été chargé de superviser les relations extérieures de la DDSE. C'est-à-dire la coopération avec les services de renseignements étrangers qui voulaient renforcer la coordination sécuritaire avec le DRS. Il a excellé à ce poste difficile, qui nécessite du doigté et de la diplomatie dans un milieu où les agences étrangères telles que la CIA, le MI-6, la DGSE ou autres peuvent se révéler autant des partenaires indispensables que des services concurrents. De ce fait, sa venue à la tête d'un service intérieur, qui peut paraître illogique, est tout de même fondée sur une nouvelle réflexion stratégique. C'est probablement dû à cette connaissance intime des rouages des services étrangers amis/ennemis. Que de fois la presse algérienne n'a-t-elle pas disserté sur les ramifications extérieures de groupes de subversion en Algérie et de liens plus ou moins avérés entre ces services d'espionnage étrangers et des relais algériens, qu'ils soient des recrues de la pénétration et de l'influence étrangères. Des ONG et autres mouvements associatifs manipulés de l'étranger qui activent depuis un moment pour déclencher un "Printemps arabe" en Algérie comme le prouvent des départs de feu comme à Ouargla ou Bordj Badji-Mokhtar. Le général Ali Bendaoud, qui maîtrise également les dossiers sahéliens et celui du Sahara occidental, reflète ce profil polyvalent du cadre du renseignement ouvert sur l'extérieur, mais connaissant parfaitement les implications intérieures des menaces subversives. Bouteflika en chef de guerre ! Maintenant, il s'agit de savoir à quoi obéissent ces changements d'hommes au sein des structures vitales à la sécurité nationale ? Rajeunissement ? Reprofilage des postes ? Adaptations aux nouvelles menaces ? Sanctions ? D'abord, il serait maladroit de penser que le président Bouteflika agit de manière intempestive en bougeant l'ensemble de l'échiquier sécuritaire algérien. Cela serait prendre le président de la République pour un fou dangereux ou un instable chronique. La dimension et l'envergure de ces changements ne résistent pas à la simple analyse politicienne qui consiste à évoquer la perspective de l'élection présidentielle de 2014. Si le message de Bouteflika était "le boss, c'est moi", ce message est bien passé la dernière fois lorsqu'il a été question de changements au sein de la SPJ/DRS, de la DCIO et de la DCSA. Mais surtout, vous ne trouverez pas un officier au DRS qui ne sache pas, depuis longtemps, que sa mission principale est de protéger les institutions algériennes, la Présidence en tête. Changer des hauts cadres du DRS de cette trempe ne s'improvise pas. Il faut peser le pour et le contre et préparer le terrain, ce qui est impossible à faire dans les délais constatés actuellement. Donc, la thèse de l'improvisation tombe d'elle-même. Ensuite, le fait que ces changements interviennent dans un contexte sécuritaire à flux tendu implique de nouveaux hommes pour de nouveaux challenges. À la faveur du Président, le fait qu'il est un des seuls à avoir doté l'ANP/DRS de moyens financiers et matériels qui l'ont hissé au niveau d'une puissance militaire régionale, voire méditerranéenne, avec juste, en 2012, un budget de 9 milliards de dollars qui a grimpé au fur et à mesure des déploiements terrestres et aériens de nos forces sur l'ensemble des frontières menacées, voire menaçantes. La facture étant salée pour l'Algérie, qui, comme d'habitude, va devoir se débattre seule pour affronter le terrorisme international, quand on voit que la France a accéléré son retrait du Mali pour des questions budgétaires et que l'Africom est en proie à des coupes budgétaires du Congrès US quant à ses opérations en Afrique. Enfin, pour ceux qui réduisent l'Algérie a un fonctionnement d'une République bananière où à des querelles de personnes, cette réorganisation de l'architecture de défense prouve qu'au sein de l'armée et ses corolaires que sont le DRS, la GN ou la DGSN, on applique, probablement avant les autres institutions, les concepts de bonne gouvernance, de rajeunissement des cadres, de modernisation des effectifs, de professionnalisation du cadre et, surtout, de mutualisation des efforts. Aucune structure de sécurité n'est dissociée de l'autre, avec davantage de coordination, qui implique une prise en charge des menaces exogènes ayant tendance à devenir endogènes. L'armée et ses services sont en train de faire leur mue, afin que le ministère de la Défense ne se transforme pas rapidement en ministère de la guerre. M B Nom Adresse email