La vie du stade du 5-Juillet résume à elle seule le statut du football dans le pays : un espace social qui accueille les cris de désespoir de la jeunesse et cache sa misère récréative ; un espace économique où prospère un affairisme qui draine une rente à usage politicien et un sponsoring public et privé tapageur ; un espace politique où l'on essaie d'inventer un patriotisme des "couleurs" et où l'on s'essaie à compenser les effets du sort indigent infligé à cette jeunesse par ses responsables. Depuis la mort de deux spectateurs lors de l'effondrement d'un morceau de tribune, les autorités ne cessent de "réagir" par des initiatives d'enquête, notamment. Les responsabilités sont à établir, mais on sait que le football est un ingrédient constitutif de la politique de manipulation des jeunes, un ingrédient manié avec peu de précaution. Et le football spécialement. Parce que les autres disciplines sont reléguées à un véritable état de délaissement. Sur le plan budgétaire comme sur le plan de l'encadrement, et encore plus sur le plan du développement. L'abandon touche même les disciplines qui, du seul fait de l'opiniâtreté de quelques jeunes pratiquants et de quelques dirigeants, assurent une existence sportive régionale et internationale au pays. Quand les pouvoirs publics s'y intéressent, c'est pour se faire filmer avec les médaillés. La boxe, c'est beaucoup de médailles, mais... combien de divisions ? En revanche, le football, c'est cinquante mille tifosis pour un derby. Qu'importe si le "classico" national n'est pas en mesure d'offrir deux joueurs de niveau international et qu'il faille faire le tour d'Europe en quête du moindre footballeur disposant de trace de filiation algérienne ! L'argent pour entretenir une équipe nationale et son staff, leurs salaires, leurs primes et leurs stages existe ; mais pas pour créer un tissu d'installations sportives pour enfants et des centres de formation sportive, ou relancer le sport scolaire et le sport au travail. C'est donc des jeunes, parmi lesquels beaucoup ont passé leur semaine adossés au mur, le tapis de prière sur l'épaule et le gobelet de mauvais café à la main, que l'on accueille le samedi dans un stade approximativement entretenu où l'on les laisse crier leur ras-le-bol. Une existence oisive entre prêche et "houl". Et c'est dans et autour d'une enceinte, sans ordre de placement des spectateurs, sans service de sécurité "stadier", et dont on n'ouvre que quelques issues, que l'on lègue à la seule police l'ingrate mission de contenir les débordements d'une foule, d'une part, irritée par la malvie, et d'autre part, grisée par "la cause" du club de la "houma". Le pouvoir trouve son compte dans cet ersatz de vie sportive : le championnat des clubs sert de déversoir aux exaspérations de jeunes sevrés de vie culturelle et de loisirs, et les succès "financés" de l'équipe nationale servent à compenser les échecs sociaux. Plus prompt à organiser un "un pont aérien" pour accompagner le déplacement de l'équipe qu'à programmer la construction d'un stade, l'Etat algérien se retrouve à disputer sa participation à la Coupe du monde, tout en ne disposant pas d'un terrain de football de niveau international dans sa capitale ! Il est peut-être tant de dépolitiser le sport et de lui redonner les moyens de sa vocation éducative. M. H. [email protected] Nom Adresse email