En quatre jours, elle a renversé une situation qui perdurait depuis dix ans. C'est la prouesse réalisée par l'avocate pénaliste Khadidja Aoudia au bénéfice de deux anciens Patriotes de Relizane pris dans le filet de la justice française depuis 2003. Constituée le 23 septembre par les frères Abdelkader et Hocine Mohamed sur proposition du dirigeant associatif Abdallah Zekri qui se démène depuis des années pour eux, Me Aoudia a obtenu, jeudi, la levée de leur contrôle judiciaire qui faisait d'eux des otages depuis une décennie. Les deux anciens GLD du groupe de Hadj Fergane, résidant à Nîmes depuis la fin des années, peuvent désormais circuler librement en attendant d'être jugés. Ils sont renvoyés devant les assises pour "actes de torture et de barbarie" ainsi que pour "crimes contre l'humanité". Ils sont passibles de la réclusion criminelle à perpétuité. Les déboires judiciaires des deux frères ont pour source un adversaire qu'ils connaissent bien : Mohamed Smaïn, le responsable local de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme, aujourd'hui en pleine déconfiture, soutenu en France par la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH), et l'avocat Patrick Baudoin qui défend aussi les familles des moines dans la tragédie de Tibhirine. Hadj Smaïn sera condamné en Algérie pour "dénonciation calomnieuse" et sera même arrêté en juillet 2012 pour avoir manqué de répondre à deux convocations de la justice. Dans une région qui a connu de terribles massacres, notamment fin 1997 et début 1998 à Had Chkala et Ramka (le Premier ministre Ahmed Ouyahia avait fini par reconnaître après des années 1 200 morts en une seule nuit), Mohamed Smaïn avait pris des photos de ce qu'il présentait comme des charniers renfermant des victimes des GLD. Sur la foi de ses accusations, une information judiciaire fut ouverte en décembre 2003 contre les frères Mohamed qui furent mis en examen (inculpés) en mars 2004 et placés sous contrôle judiciaire le mois suivant. "Il n'y avait pas d'indices graves et concordants qui justifiaient leur mise en examen", confie Me Aoudia à Liberté, dénonçant dans ce dossier une "violation" de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'Homme. L'avocate évoque une situation "hallucinante" dans un dossier où "la matérialité de l'infraction n'est pas établie" et une accusation basée sur les déclarations des parties civiles et des témoins à charge qui, précise-t-elle, se sont d'ailleurs rétractés par voie possible. Quant aux témoins à décharge, ils n'ont tout simplement pas été entendus faute de visa leur permettant de se rendre en France. Depuis l'ouverture de l'information judiciaire, cinq juges d'instruction se sont succédé. En juillet dernier, le procureur de la République a requis le renvoi des deux frères devant une cour d'assises. "Il a attendu dix-huit mois pour faire ses réquisitions", s'étonne l'avocate. "Le dossier est vide et les réquisitions sont purement scandaleuses", tonne Me Aoudia, estimant que l'affaire aurait pu être bouclée en deux ans en allant jusqu'à la Commission européenne des droits de l'Homme. "Juger les deux hommes en France c'est comme vouloir juger des Syriens" impliqués dans la confrontation qui ravage aujourd'hui leur pays. "Ce n'est pas l'affaire de la justice française." A. O Nom Adresse email