"Quelle place pour les voix marginales dans les médias algériens ?" C'est le thème d'une conférence-débat organisée hier à l'hôtel Sofitel à Alger par l'ONG Britannique Media Diversity Institute (MDI) en coordination avec le quotidien El Watan et l'ambassade du Royaume-Uni en Algérie. Comment assurer la diversité dans les médias ? Comment atteindre toutes les couches et différentes sensibilités qui traversent la société ? Dans quel système politique ? Et quelles sont les limites des médias dans une ère où la presse écrite est menacée par le Net ? À toutes ces questions, les conférenciers ainsi que les intervenants ont tenté d'apporter des réponses dans le cadre d'un débat modéré par notre confrère Karim Kébir, journaliste à Liberté. Dans son discours d'ouverture, l'ambassadeur du Royaume-Uni en Algérie, Martyn Roper, a rappelé les différents programmes de coopération entre l'Algérie et la Grande-Bretagne (sécurité, justice, médias et éducation) avant d'aborder l'importance de la notion de diversité qui permet d'avoir une approche beaucoup plus inclusive. "Avec la diversité, on peut encourager une couverture plus large et plus inclusive et plus objective d'un événement", a-t-il souligné. Pour sa part, Dasha illich, directrice de la communication de MDI, a axé son intervention sur "la primauté des similitudes avant les différences" tout en appelant à un travail commun entre journalistes, militants et décideurs afin de rendre les médias plus inclusifs. Wassila Si Larbi, coordinatrice du projet MDI en Algérie, a souligné, de son côté, le rôle de l'ONG qu'elle représente à savoir "asseoir la présence des jeunes et des voix marginales dans les médias, et ce, à travers un travail permanent avec la société civile, les ONG, les médias et les institutions". Le directeur de publication d'El Watan, Omar Belhouchet, qui a rappelé que la diversité est la notion fondatrice même de la presse indépendante en Algérie, a estimé qu'il n'était pas toujours facile d'aller à contre-courant du discours dominant en raison de la situation politique ou de la nature du régime. "Grâce à Mouloud Hamrouche, Premier ministre à l'époque, l'Algérie a vu la création de journaux indépendants qui ont permis une expression plus large, plus variée et plus diversifiée, depuis beaucoup de tabous sont tombés et les Algériens ont découvert depuis le 5 Octobre 1988 que les symboles de la Révolution avaient des noms, Larbi Ben M'hidi, Mohamed Boudiaf, Abane Ramdane, etc.", a-t-il affirmé, avant d'ajouter que "la diversité est un thème qui est au cœur de nos préoccupations, nous tenons compte des points de vue divers et contradictoires sur tous les volets, politiques, économiques et sociaux". Intervenant lors du débat, Abrous Outoudert, directeur de publication de Liberté, a mis l'accent sur "les voix qui demeurent toujours marginales à l'exemple du cri des jeunes du sud du pays, des homosexuels, des harkis et des fils de harki", avant de rappeler que la société civile qui est censée prendre en charge ce genre de débat a été écrasée. D'autres conférenciers ont préféré mettre en lumière les risques que pourrait constituer la diversité sur le pays. Et à Safi Naciri de s'interroger : la diversité menace-t-elle l'unité nationale ? Avant de répondre qu'au niveau du MDI, "on considère que la couverture des médias aussi diverse soit-elle renforce la cohésion sociale". Pour Belkacem Mostefaoui, professeur à l'Ecole de journalisme d'Alger, il s'agit de savoir comment construire des médias endogènes qui permettent au pays de résister à la mondialisation de la communication qui tel un rouleau-compresseur se dresse contre la diversité et les sociétés, avant de mettre en garde contre les vents du populisme en Algérie. "Est-ce que la presse peut refléter tous les avis ? Non ! Car la profusion de toutes les opinions ne permet pas à la presse de jouer son rôle de moteur dans la dynamique de la société civile", a estimé, de son côté, Abdelhamid Rehioui. Enfin, Djaffar Ouchelouche, du Haut-Commissariat à l'amazighité, a mis en relief le peu de place accordé à la langue amazighe dans les médias en déplorant l'absence d'intérêt du gouvernement à ce dossier. "Le HCA n'a pas de partenaire dans le gouvernement, ils nous rejettent tous, le HCA est sans président depuis décembre 2004", a-t-il déploré. S T Nom Adresse email