En dépit d'une évolution notable dans les systèmes de communication en Algérie, notamment dans les champs d'application de la presse écrite, la téléphonie et l'espace satellitaire, la langue amazighe, paradoxalement, n'a pas bénéficié de cet élan et sa constitutionnalisation en avril 2002 n'a eu aucune répercussion institutionnelle dans les médias. C'est la problématique à laquelle tentent de répondre, depuis hier, des chercheurs et universitaires invités à un colloque organisé à la Bibliothèque nationale du Hamma, à l'initiative du Haut commissariat à l'amazighité (HCA). Le secrétaire général du HCA, Youcef Merahi, a, d'emblée, réitéré sa revendication à l'adresse des pouvoirs publics pour l'édition d'un journal El Moudjahid bis en tamazight. Une suggestion vite désavouée par le professeur Brahim Brahimi (université d'Alger) qui souligne que « tamazight a besoin d'un journal d'information générale et non d'un El Moudjahid ou Ech Chaâb, complètement discrédités, avec des tirages de 5000 exemplaires ». Situant la problématique dans un cadre plus global, le professeur indique que l'Algérie doit faire face à un paradoxe entre presse locale ou régionale et mondialisation. Pour lui, « la solution pour affronter l'hégémonie des médias étrangers, notamment américains, réside dans le lancement de chaînes thématiques et une production cinématographique de qualité ». M. Brahimi relève une « avancée remarquable » dans la presse écrite avec plus de 60 quotidiens, déplorant, toutefois, le fait que près de 40 quotidiens, avec des tirages très faibles, sont entre les mains de « forces occultes ». Pour le champ audio, il a salué l'expérience des stations régionales qui ont atteint une trentaine de chaînes. Cependant, fait-il remarquer, certaines chaînes, fonctionnant avec à peine 3 journalistes, n'arrivent pas à assurer la production de reportages ou d'enquêtes. M. Brahimi appelle à une ouverture urgente des chaînes radio et TV pour le privé, plaidant à substituer à la notion de service public le concept d'information d'intérêt général. Mostefaoui Belkacem (université d'Alger) souligne, quant à lui, que les médias sont un vecteur essentiel de la diversité culturelle. « Si on ne respecte pas ces diversités culturelles, on va vers des tendances ethnicistes », prévient-il, appelant les pouvoirs publics à instituer le service public dans les médias, à l'instar de la France et de la Grande-Bretagne où le citoyen jouit du plein droit d'accès même aux informations administratives. Qu'en est-il de tamazight ? M. Mostefaoui regrette que « le pouvoir tolère l'usage de tamazight comme un emballage à des produits étrangers (publicité), mais il tourne le dos dès qu'il est question d'exprimer nos questionnements fondamentaux de citoyenneté et de liberté ». Pour sa part, Hakim Saheb, juriste, a rappelé l'ensemble des traités et références juridiques garantissant le droit à la diversité culturelle et que l'Algérie a ratifiés. Il a plaidé pour la révision ou l'abrogation de certains textes législatifs en Algérie qui s'inscrivent en faux avec la constitutionnalisation de la langue amazighe. Pour lui, les stations régionales de radio n'ont que le nom, puisqu'elles ne font que répercuter la chaîne nationale. En outre, Djaffar Ouchellouche, directeur de la communication au HCA, a indiqué que le projet de télévision en tamazight (TVam) n'attend que le feu vert du pouvoir et que l'ensemble de l'effectif est fin prêt. Demain, une table ronde regroupera les spécialistes pour l'élaboration de recommandations autour de la problématique du colloque.