Omar el-Béchir est toujours dans l'œil du cyclone. Après une semaine de manifestations qu'il a violemment réprimées, le président soudanais, la caricature de l'autocrate dans les pays arabes, maniant nationalisme, populisme, bâton et religion, a pensé avoir repris le contrôle de la situation et continue à procéder à tour de bras les arrestations parmi les opposants et les manifestants. Il a dans la tête 2015, année de la présidentielle. Mais sa coalition au pouvoir se fissure : ses alliés menacent de se retirer de son gouvernement. Le Parti démocratique unioniste (PDU), deuxième force gouvernementale après le parti du Congrès national d'Omar el-Béchir, a demandé à son numéro un d'annoncer le retrait de ses membres du gouvernement. Mohamed Othman el-Mirghani, chef du parti qui séjourne actuellement à Londres, a une semaine pour s'exécuter, conformément aux statuts du parti. El-Mirghani est aussi le "guide" de la confrérie islamique El-Khatemia, la caution islamiste du régime El-Béchir en réalité de type militaire, lui-même s'étant installé à Khartoum après un coup d'Etat. El-Béchir, général dans les années 90 avait installé des islamistes au pouvoir pour ensuite se débarrasser d'eux et revêtir un costume civil. Mais, comme ses pairs arabes, il a fait de l'islamisme un fond de commerce pour d'abord tenir en main ses concitoyens, ensuite faire la guerre au sud animiste, qu'il a perdu par ailleurs mais qu'il espère replacer dans son escarcelle. El-Béchir par sa dictature avait fini par scier la branche sur laquelle était assise l'économie du Soudan : les hydrocarbures sont dans la partie amputée du Soudan qui doit de contenter d'impôts de transit. Il est à ser demander comment El-Béchir n'a pas été emporté par cette amputation, une situation en porte-à-faux avec son nationalisme à quatre sous. En outre, le maître de Khartoum fait l'objet d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité et génocide au Darfour, une région non arabe. Il n'y a pas que ses islamistes à vouloir en découdre. Même son parti majoritaire, le Congrès national, connaît des frictions. L'ancien ministre Salah Eddine el-Ghazi, a pris ses distances en entraînant la trentaine de cadres islamiques réformateurs du Congrès. Il a dénoncé la violence de la répression qui a occasionné une centaine de morts, selon des ONG locales et étrangères. Si le Parti démocratique unioniste quitte le gouvernement et si les réformateurs islamiques du parti majoritaire démissionnent, El-Béchir affrontera la crise politique et la contestation dans la rue pourrait reprendre. Mais, cette fois-ci, avec des revendications politiques. De leur côté, les partis de l'opposition se concertent pour appeler à un gouvernement de transition. Cependant, pour peser, il leur faut retourner le rapport de force, en leur défaveur actuellement. D'intenses négociations ont été entamées depuis les manifestations de la semaine dernière pour dégager une plateforme commune appelant à un changement du régime. L'objectif étant d'instaurer une transition par un gouvernement provisoire consensuel allant jusqu'à inclure les forces révolutionnaires armées pour organiser des élections libres et démocratiques. Mais pour le moment, aucun agenda n'a été rendu public. Omar el-Béchir a lâché du lest : augmentation des salaires de la fonction publique à partir du mois de janvier et d'autres mesures pour soutenir les bas salaires et atténuer le choc de l'augmentation du coût de la vie. Reste à savoir si cela suffira à satisfaire les mouvements de contestation. Prudent, le général-président a prolongé la fermeture des écoles jusqu'au 20 octobre, craignant des chahuts d'enfants et d'adolescents aux mains d'enseignants islamistes. D. B Nom Adresse email