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Réformes
Quelle économie de marché pour l'Algérie ?
Publié dans Liberté le 17 - 10 - 2013

Nos recherches confirment que le terme "économie de marché" désigne un système économique ou les décisions de production, d'échanges et d'allocations sont déterminées principalement à l'aide d'informations résultant de la confrontation de l'offre et de la demande établie par le libre jeu du marché.
La confrontation qui détermine le prix d'un bien ou d'un service, pour une qualité donnée et pour une disponibilité sur un horizon donné, se base sur le coût intrinsèque (prix de revient) et la valeur d'échange (prix relatif : prix du produit par rapport aux prix des autres). Donc, l'essence du marché réside dans le rôle des prix relatifs et dans le processus d'allocation des biens ou des services objet de l'échange. Quant à la dynamique de l'économie de marché, elle fait intervenir d'autres facteurs comme la concurrence et l'aptitude à la survie des acteurs de l'activité économique. En effet, la dynamique de marché représente un facteur très positif pour la diffusion de la croissance économique et son extension dans un espace plus large en tenant compte des aspects sociaux et environnementaux. L'économie de marché découle donc des échanges rendus nécessaires pour une plus grande spécialisation et une plus large division de travail alors que le capitalisme réside dans la propriété privée des moyens de production. Donc l'économie de marché ne traduit pas quelque chose de précis sur le plan scientifique mais dépend du contexte et des institutions qui accompagnent et soutiennent les marchés.
Réhabilitation du rôle de l'entreprise :
L'instauration d'une économie de marché en Algérie a toujours constitué l'objet principal des différentes politiques de réforme économique poursuivies à ce jour. Il s'agissait de réunir les conditions de transition d'une économie dirigée vers une économie de marché en définissant clairement l'espace d'ouverture laissé à l'entreprise en tant qu' acteur économique complémentaire de l'action de l'Etat, ce qui devrait passer par la redéfinition des domaines d'activités de l'Etat, des activités prioritaires à réaliser en partenariat public-privé et enfin des activités à favoriser du domaine de l'entreprise privée (national et étranger). L'économie de marché en Algérie a largement manqué de visibilité et n' a pas pu disposer de mécanismes de planification s'appuyant sur les nouveaux instruments de veille, sur les schémas d'aménagement du territoire et surtout sur un système d'information fiable et continue. En fait, l'enjeu à ce niveau est de favoriser la dimension marché pour accompagner les entreprises dans le cadre d'une vision stratégique à moyen et long terme sur la base d'un consensus de projet de société. L'objectif de la réforme économique structurelle consiste donc à réhabiliter le rôle de l'entreprise dans la structure de la croissance économique et en faire un facteur de développement humain, ce qui revient à renforcer le rôle de l'appareil administratif de l'Etat-stratège dans sa nouvelle mission de régulation, de soutien et de coordination
En fait, l'Etat ne se retire pas de la sphère économique et sociale, mais s'appuie fortement sur des autorités de régulation et sur des entreprises publiques ouvertes sur l'international et non sur les structures gouvernementales.
Pour cela l'Etat doit affiner ses règles de gouvernance des services publics, de redéploiement de l'activité économique (et sociale) et de régulation des secteurs économiques pour libérer l'investissement et ouvrir les marchés aux acteurs professionnels.
Nouvelles conditions d'organisation et de fonctionnement de l'économie (modèle économique et social en Algérie)
La reconduction du pacte national économique et social signé en 2006, nécessite dès 2014, de tenir compte des nouvelles conditions de fonctionnement et d'organisation de l'économie nationale. Ces nouvelles conditions constituent en fait le modèle politique, économique et social en Algérie. Il ne s'agit pas de spécificités algériennes mais d'un niveau d'organisation et de fonctionnement propre à l'économie nationale résultant d'un effort d'accumulation de 50 années d'indépendance dans tous les secteurs et domaines d'activités.( taux d' ouverture , niveau d' intégration, compétitivité, intervention de l'administration, conditions de financement du secteur privé, stabilité des lois ...). À ce jour, les plans de soutien et de consolidation de la croissance réalisés par les pouvoirs publics ont permis une relative amélioration de l'environnement de l'entreprise et de celui du cadre de vie du citoyen grâce à la mise en œuvre de mesures à caractère économique et social. Ces aspects d'amélioration du mode et du cadre de vie en Algérie sont certes une avancée importante perceptible au niveau des nombreux services et secteurs d'activités mais restent largement insuffisants pour constituer une base d'émergence de l'économie nationale. Il convient maintenant de consolider cette avancée par l'amélioration de la gouvernance à tous les niveaux (local, central, entreprises et institutions ...), de l'amélioration de l'environnement économique local, voire le climat des affaires, en relation avec les pratiques internationales,
la stimulation du tissu de production industrielle et agricole dans le cadre d'une politique de développement sectoriel et régional conforme au plan d'aménagement du territoir et enfin la mise à niveau des ressources humaines pour favoriser le transfert du savoir et l'émergence de l'économie de connaissance. Tout ceci doit être réalisé dans le cadre d'un équilibre du budget de l'Etat et des comptes extérieurs et monétaires du pays.
Ce programme ambitieux conditionne l'élaboration d'un nouveau régime de croissance et la transition vers l'économie du marché, comme souligné lors du débat national depuis plus de deux décennies, et repris par le CNES lors du Forum économique et social (du cinquantenaire), du 18 au 20 juin 2013. À ce sujet, il est important de savoir qu'à ce jour, la majorité des secteurs de production de biens et de services économiques en Algérie sont plus ou moins ouverts à l'investissement privé national et étranger. Ces secteurs d'activités sont donc exposés à la concurrence et à la compétitivité internationale depuis au moins une décennie.
Le monopole sur l'activité économique bancaire et financière exercé par les entreprises publiques économiques a donc disparu et a laissé place à l'intervention de nouveaux acteurs privés et étrangers. Les grandes entreprises publiques dans les secteurs importants (hydrocarbures, énergie, banque, assurances, communication, transport aérien, industrie, agriculture, services marchands, presse...) n'ont pas disparu mais elles sont maintenant assainies et gérées sur une base de critères privés et agissant dans un nouvel environnement concurrentiel.
Quant à l'administration, elle a délégué ses prérogatives de mission d'intérêt public à des autorités de régulation indépendantes pour ouvrir et encadrer l'accès des acteurs ( privés, étrangers et publics ) et des produits ( adaptés à chaque besoin ), au marché d'une façon égalitaire et professionnelle. L'objectif visé par cette délégation de pouvoirs publics est de se rapprocher et de dialoguer avec les acteurs professionnels du marché pour arriver à concilier les intérêts des différents intervenants (publics, privés et étrangers) et les autorités de régulation des marchés.
Principales insuffisances et pistes
de réflexion
1 / Le parcours réalisé par ces autorités de régulation des marchés, indépendantes au niveau des différents secteurs d'activités depuis une décennie, reste en deça des objectifs et attentes de dynamisation des marchés. L'expérience algérienne a démontré qu'il ne suffit pas de créer des institutions de régulation et d'adopter des lois, des règlements et des procédures pour avoir des marchés dynaniques, transparents et sécurisés. Un premier bilan semble confirmer «l'absence de primauté du droit» qui découle fortement de plusieurs facteurs dont, notamment, les limites du pouvoir de l'Administration, la non-application de la réglementation, l'absence de professionnalisme dans les métiers requis, la relation avec la justice, le manque de respect de la déontologie, le manque de transparence et la non-disponibilité de l'information pour les investisseurs..
Il ressort donc qu'un saut qualitatif dans le fonctionnement et l'organisation des ces autorités (institutions) s'impose aujourd'hui au niveau de l'ordre économique et au niveau de la sécurité juridique.
2 / Le potentiel de croissance hors hydrocarbures est resté très faiblement mobilisé. La part de l'industrie, de l'agriculture, de la pèche et des services marchands a reculé fortement dans le PIB.
Donc la production nationale de biens et services n'a pas beaucoup participé à la satisfaction de la demande provenant des secteurs du BTPH et des services marchands. L'importation a couvert l'essentiel des besoins des chantiers de réalisation des grands ouvrages dans tous les secteurs.
Afin de remédier à cette situation, la priorité doit être accordée à la stimulation du tissu de production industriel et agricole dans le cadre d'une politique de développement sectoriel et régionale conforme au plan d'aménagement du territoire.
3 / Le niveau de croissance en Algérie reste insuffisant pour réduire le chômage élevé, notamment chez les jeunes et les femmes, dans un contexte démographique marqué par la forte progression attendue de la participation au marché de travail.
Conclusion
Pour les pays développés, la réforme de l'économie de marché en 2013 passe par la nécessité de consolider la politique budgétaire et de poursuivre les réformes structurelles afin d'assurer la reprise économique, la croissance et la lutte contre le chômage.
Quant à l'Algérie, il est attendu des pouvoirs publics l'amélioration de la gouvernance et de l'environnement économique, la stimulation du tissu de production industriel, agricole et de services conforme au schéma d'aménagement du territoire et la mise à niveau des ressources humaines sans oublier d'équilibrer le budget de l'Etat et les comptes extérieurs et monétaires du pays.
Ces causes majeures d'inefficacité sont des contraintes qu'il ne suffit pas d'identifier et de lister, mais doivent faire l'objet d'une stratégie de prise en charge dans un ordre d'équilibre qui préserve la cohésion sociale et la stabilité politique. Sachant que les conditions d'émergence de l'économie de marché en Algérie sont disponibles mais malheureusement elles ne sont ni organisées et ni mobilisées pour constituer une réelle base pour une émergence à un horizon visible.
Il faut pour cela dynamiser les marchés à travers la consolidation de l'expérience des autorités de régulation indépendantes au niveau de chaque secteur d'activité afin d'en faire des institutions plus fortes, modernes et transparentes.
I. N.
(*) Economiste, diplômé de l'Ecole nationale polytechnique
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