Pour la énième fois, le nom de l'écrivaine Assia Djebar figurait sur la liste des écrivains pressentis au prix Nobel de littérature. Et pour la énième fois, la romancière a été déçue. De même ses lecteurs. Mais comment peut-on lire et expliquer cette élimination continue? Bien qu'elle ait raté le Nobel de littérature, Assia Djebar demeure une éminente écrivaine. Une longue vie, plus de soixante ans d'écriture et de création. Pour un petit rappel : elle a publié son premier roman intitulé La Soif en 1957. En 2OO5, elle a été élue à l'académie française. Loin de tout coup de chance, loin des goûts individuels des membres du jury du prix Nobel, loin de toute interprétation idéologique du choix du jury, en relisant quelques romans d'Assia Djebar, des anciens et des nouveaux, je vous propose une lecture personnelle à cette disqualification littéraire. Essayant de dévoiler quelques indices qui, peut-être, étaient la cause de cette suppression. Assia Djebar est un patrimoine national ! Elle est aussi patrimoine universel ! D'abord, je pense que notre pays n'a pas fait ce qui est demandé pour une meilleure promotion des écrits d'Assia Djebar. En examinant ses romans, je constate que Assia Djebar est restée, par attachement à l'image du père, une écrivaine locale. Du local ! Certes le local est le chemin qui mène vers l'universel, à condition que ce local soit présenté selon une vision humaine, mythologique et non nostalgique ou ethnographique. Les écrits d'Assia Djebar sont d'une charge pédagogique et historique pesante. Les romans d'Assia Djebar manquent de questionnements philosophiques. Assia Djebar, ainsi je la perçois, est une écrivaine otage d'une thématique dépendant du registre politico-social des années cinquante, particulièrement le féminisme. Chez Assia Djebar, le politique est dominant dans ses texte, de plus en plus écrasant face au littéraire reculant, de plus en plus. Assia Djebar est hantée par un complexe baptisé "Mostefa Lacheraf", hérité du champ politico-culturel algérien des années cinquante. Nombreux sont les universitaires et les critiques qui se rappellent la violente critique émise par Mostefa Lacheraf à l'encontre de la littérature de Assia Djebar. Il l'a qualifiée d'écrivaine "bourgeoise", qui écrit loin de la souffrance du "peuple" algérien colonisé. Par sa notoriété intellectuelle, Mostefa Lacheraf l'a énormément blessée. Cette critique était la cause d'une révision littéraire chez Assia Djebar. Elle s'est versée dans la littérature politique et engagée. De tout ce qu'elle a écrit, le plus que j'ai adoré c'est : La Soif, roman taxé comme littérature "bourgeoise" (ici le mot bourgeoisie est péjoratif) par Mostepha Lacheraf, intellectuel et penseur que je respecte beaucoup. Assia Djebar parle de la femme musulmane, sujet récurrent dans tous ses romans, mais d'un œil, de plus en plus, étranger ou qui observe le paysage féminin de l'extérieur. Dans ses romans, la colère et l'amertume prennent le dessus par rapport à la méditation qui est l'essence de la littérature. La langue française, langue d'écriture chez Assia Djebar, elle aussi est devenue une petite langue qui perd de sa présence. La littérature francophone ne fascine plus, ou de moins en moins, le lectorat universel qui de plus en plus se trouve ensorcelé par le roman asiatique : japonais, coréen, turc, chinois ou afghan. La littérature a changé de peau et d'encre. Elle a même changé de direction d'écriture, ce n'est plus celle écrite, uniquement, de gauche à droite, mais aussi de droite à gauche et de haut vers le bas !! Elle est écrite dans toutes les directions ! J'espère qu'en 2014, Assia Djebar sera couronnée du prix Nobel de littérature, ainsi à travers elle, toute la culture algérienne vivra en noces. A. Z. [email protected] Nom Adresse email