Résumé : Le berger dévoilera beaucoup de choses. Il parlera du village, de ses habitants, des maquisards de passage et du caïd. Ce dernier était un ami des Français et semait la terreur au village. Il spoliait des terres et accaparait les récoltes. Jusqu'à ce jour, personne n'a pu l'affronter, car il était toujours accompagné de ses gardes. Da Belaïd soupire : -Si Ahmed, élaborons ensemble une stratégie pour mettre fin au calvaire de ces braves villageois... Nous sommes ici pour faire régner l'ordre, et nous n'aimerions pas fermer les yeux sur de tels agissements... Il faut agir et vite... Les traitres doivent périr. -Lors de mon passage avec le petit Ali dans le village, j'ai constaté que tous les paysans avaient une peur bleue rien qu'à l'évocation de ce caïd... Je ne sais pas si on peut compter sur eux pour arriver jusqu'à lui. -Qu'à cela ne tienne. Quand est-ce que le petit Ali reviendra ? -Dès demain à l'aube. -Alors préparons-nous à entrer dans le village... Il est bien sûr inutile d'être trop nombreux... Contentons-nous de deux ou trois djoundis... Nous allons tout d'abord inspecter les lieux et repérer la maison du caïd... -Bien... Mais je crois qu'il est aussi de mon devoir de vous indiquer que les villageois seront les premiers suspectés si quelque chose lui arrivait. -Ils sont toujours les premiers suspectés en tout mon cher Si Ahmed. Autant donc les débarrasser de cette pègre et au plus vite. Plus tard, nous tenterons de prendre contact avec les autres maquisards dans la région pour mettre fin à toutes les tentatives d'intimidation dans ce village... Tu connais bien la leçon, n'est-ce pas ? Si Ahmed se met à rire : -Bien sûr... Il faut semer la terreur auprès de nos ennemis... -Oui... Tu vois bien que depuis la dernière embuscade, on n'a pas encore entendu un coup de feu. -Fort bien... Mais l'ennemi recule toujours pour mieux attaquer. -Raison de plus pour s'y préparer davantage... Nous connaissons tous la leçon. Dès les premières heures du jour, Si Ahmed, Kamel et moi-même fûmes chargés de nous rendre au village. Ali, qui avait tenu parole et était venu au refuge à l'heure indiquée, nous accompagne sur une assez longue distance, avant de revenir à ses moutons. Nous ne voulions pas attirer l'attention immédiate sur lui. Si Ahmed le somma de garder un œil sur tout mouvement susceptible de trahir notre passage. Au premier abord, le village nous parut trop calme. Quelques paysans s'apprêtaient à se rendre aux champs, des chiens aboyaient, des femmes nettoyaient les basses-cours, ramassaient des œufs... Si Ahmed nous montre une belle maison sur la colline. La maison du caïd. Nous repérons tout de suite deux gardes qui sirotaient un café. Le caïd devait encore dormir, mais tout autour de sa résidence des gens s'activaient. Des hommes mettaient de l'ordre sur la véranda où les chaises renversées et les tables renseignaient sur une nuit bien arrosée. Un paravent barrait la vue aux curieux, mais nous constatons vite que des femmes secouaient des tapis ou remettaient de l'ordre dans les chambres du rez-de-chaussée. Derrière la maison, de grands champs de blé s'étendaient à perte de vue, tandis que des arbres fruitiers étaient plantés tout au long de l'itinéraire qui menait vers le haut de la colline. Le caïd vivait dans l'opulence, grâce à la sueur des petits paysans... Si Ahmed se retourne vers nous : -Nous devons agir vite... Le soleil sera bientôt haut dans le ciel... -Papa, mumurais-je, le caïd doit dormir encore près de sa femme et de ses enfants. -Hum... Toujours aussi prévenant et sentimental Boualem... Ce caïd ne pense pas la même chose lorsqu'il descend au village pour déshonorer les femmes et accaparer des récoltes. Il marche sur toutes les têtes pour arriver à ses fins... -Heu... Mais ses enfants n'y sont pour rien... Sa femmes non plus... Il passe une main sur mon bras : -Je comprends fort bien tes sentiments mon fils... Nous ne sommes pas des ogres... Nous allons tenter de nous limiter au caïd... Si toutefois, nous pouvons mettre la main sur lui sans trop de mal... D'ailleurs, il faut déjà penser au moyen de pénétrer dans la maison. -Je peux te proposer quelque chose papa ? -Vas-y... -Je crois que je pourrais me faire passer pour un jeune émissaire... Je ne suis pas connu des sentinelles... Je pourrais tout simplement leur dire que je suis porteur d'une missive confidentielle pour le caïd. Il rit : -Et tu crois qu'il vont te prendre au mot et te laisser entrer dans la maison sans te passer au peigne fin ? -Je prendrais mes précautions. -Ensuite... Supposons que tu réussisses à pénétrer dans la maison, que feras-tu ? -Je me présenterais au caïd, et... -Et tu vas lui tirer deux balles dans la tête et ressortir comme si de rien n'était. -Je ne sais pas encore ce que je vais faire, mais si j'arrive devant le caïd, crois-moi que je ne le raterai pas. Si Ahmed sourit encore : - Ecoute-moi bien : toi et Kamel êtes deux jeunes garçons à la recherche d'un travail bien rémunéré dans ce village. Comme vous ne connaissez rien à la terre, quelqu'un vous a indiqué la maison du caïd, en vous assurant que vous allez trouver du travail et même le gîte et le couvert au cas où vous vous montreriez fidèles à lui. Alors vous n'hésitez pas. Vous demandez à voir le caïd lui-même de la part d'un ami bien placé qui vous a recommandés à lui. -Mais il ne doit pas recevoir des étrangers sans se faire entourer de sa garde. -Je sais... Mais notre but est justement de le mettre en confiance. Il voudra sûrement connaître le nom de l'ami en question, et vous hésiterez à parler en public. Alors, sa curiosité piquée à vif, il va renvoyer sa garde, et vous allez profiter de ce moment d'intimité pour passer à l'action. Kamel peut étrangler un chien en une seconde... C'est l'une de ses spécialités... Alors le tour sera vite joué... Tu n'auras qu'à surveiller les lieux. Ce caïd n'est plus de la prime jeunesse et ne pourra pas résister à l'emprise de Kamel... Vous avez compris ? (À suivre) Y. H. Nom Adresse email