Résumé : Si Ahmed, Kamel et moi-même étions désignés pour soulager les villageois de cet indésirable caïd. Ali nous accompagnera jusqu'à la lisière du village avant de revenir à ses moutons. Nous élaborons ensuite un plan afin d'arriver jusqu'à ce traître et lui faire payer ses crimes. Je jette un coup d'œil discret à Kamel qui me sourit : -Ne t'inquiète pas trop... Tout se passera bien. Les chiens ne me résistent pas. -Et toi papa ? -Moi je vous attends ici... Si vous ne revenez pas rapidement, je serai dans l'obligation de retourner à la grange pour ramener du renfort. -Ce sera une bêtise... Nous risquerons alors d'avoir bien plus d'ennuis. -Espérons que non... Une fois votre mission accomplie, nous pourrons repartir comme nous sommes venus, sur la pointe des pieds, et sans attirer l'attention sur nous... Personne ne nous a vus, et même dans le cas contraire, personne ne nous connaît. On conclura alors que nous étions venus juste pour régler un ancien compte avec ce caïd de malheur. Malgré mes appréhensions et mes hésitations de dernière minute, tout se déroulera comme prévu. Habitué comme il était à recevoir des recommandations, le caïd qui venait de se réveiller, et était de bonne humeur, n'hésita pas à nous recevoir. Il nous proposera de partager son petit-déjeuner, avant de demander après l'ami en question qui nous avait envoyés. Kamel se met à regarder à droite et à gauche, et le caïd lève la main pour renvoyer ses deux gardes du corps. Une fois seuls, nous nous empressons de passer à l'action. Kamel se lève et fait semblant de se diriger vers la fenêtre, avant de se jeter sur l'homme. Sans lui laisser le temps de reprendre son souffle, ses deux mains vigoureuses se refermèrent sur son cou, et au bout d'une minute le caïd s'affalera, sans bruit, sur son sofa. Nous n'avions alors plus qu'à sauter par l'une des fenêtres du salon pour nous perdre dans la nature. Personne ne nous avait vus quitter les lieux. Donc nous mettions à profit cet avantage pour rejoindre Si Ahmed et quitter le village au plus vite. Vers le milieu du jour, Ali le berger viendra nous annoncer que le caïd avait été étranglé dans son salon... On parlait de deux hommes venus lui rendre visite dans la matinée... La nouvelle avait réjoui les villageois, mais le village et ses environs étaient infestés de militaires. Les officiers étaient venus enquêter sur ce crime, qu'ils avaient qualifié de lâche et de crapuleux. Les maisons seront, à n'en pas douter, saccagées et passées au peigne fin... Les paysans ne seront d'ailleurs pas surpris par cette intrusion assez coutumière, mais cette fois-ci au moins, ils sont certains que le caïd n'agira plus. Nous nous regardions un moment sans prononcer une parole. Chacun de nous avait la même idée en tête : descendre au village et donner une leçon à ces officiers qui se permettaient de violer des domiciles et de porter atteinte à l'honneur des pauvres paysans sans défense. Da Belaïd plante sa canne dans le sol avant de lancer : -Vous êtes prêts... ? -Oui..., répondons-nous en chœur... -Alors préparez-vous... L'assaut surprendra nos ennemis, et nous aurions cet avantage sur eux... Faites preuve de prudence tout de même, ils sont armés. Amar se lève et nous fait signe de nous mettre en rang et de le suivre : -Vous connaissez notre stratégie mes frères... Nous devrions nous disperser à l'orée du village... Toi Ali, tu vas rejoindre ton troupeau et disparaître dans la nature. -Ma mère et mes sœurs sont seules. -Ne t'inquiète pas... Nous allons les retrouver. Nous nous rendons au village sans tarder. Un vent de panique y soufflait. Les militaires français allaient d'une maison à une autre et malmenaient les paysans. Certains d'entre eux, suspectés d'avoir participé d'une façon ou d'une autre à l'assassinat du caïd, ont été mis à l'index et plaqués contre le mur, sur la place publique. -Tu vois Boualem, nous sommes les dindons de la farce dans toutes les situations... Ces Français auraient tout de même pu suspecter un des leurs... Pourquoi pas... ?, me dira Kamel. Je hausse les épaules : -Tu sais bien que les loups ne se mangent pas entre eux... Même si c'était le cas, je doute fort que ces militaires puissent en premier lieu suspecter leurs compatriotes... Nous sommes toujours bons pour la sauce. Nous étions tassés derrière un talus et nous suivions attentivement le déroulement de ces scènes de pillage et d'intimidation. Amar lève le bras : -Soyez prêts... à mon prochain signal, commencez à tirer... Nous allons juste jeter un appât... (À suivre) Y. H. Nom Adresse email