La foire du bijou traditionnel, qui se tient dans la capitale des Aurès (dans la salle Assihar, du 27 au 31 octobre 2013), constitue une aubaine pour les professionnels (artisans bijoutiers) et pour les clients et autres collectionneurs. Toutefois, cette embellie suscite moult interrogations, notamment celles liées au devenir du bijou chaoui. Dans un monde où la modernité ravage tout sur son passage et ne laisse presque aucune place à la tradition et aux métiers traditionnels, la foire du bijou traditionnel, qui se tient actuellement à Batna, suscite des interrogations de toutes sortes, sur l'avenir et le devenir d'un métier, autrefois à son apogée, aujourd'hui en voie de disparition. Si tout le monde s'accorde à dire que le bijou traditionnel est d'une grande beauté et qu'il témoigne d'un art de vivre et d'une place dans la société, sa fabrication traverse aujourd'hui une situation délicate, et sa disparition est presque irréversible. Les présents à la foire du bijou traditionnel, notamment les responsables du secteur, les artisans bijoutiers et les propriétaires de commerces réservés aux produits artisanaux, ainsi que le public qui accorde toujours une attention particulière à cet art, donnent des avis et des appréciations qui convergent et divergent, mais qui témoignent également de la gravité de la situation. Les personnes rencontrées à cette foire s'accordent tout de même à dire que le souci aujourd'hui est de sauvegarder ce patrimoine, ce trésor artisanal lié à une pratique et une tradition millénaire. Dans un passé tout proche, il était impossible, voire inadmissible qu'une femme chaouie ne porte pas un bijou, le plus petit qui soit et pas pour les occasions et fêtes, mais d'une manière permanente, un broche (takhlelete), des bracelets, et même le fameux rdif au pied qui, souvent, annonce son arrivée, sachant que le mcharaf ou habzimth était le cadeau préférée qu'on pouvait offrir à une femme berbère des Aurès. Nous pouvons les voir aujourd'hui lors des fêtes, mais ô combien rares !, les femmes, mais aussi les jeunes filles qui osent tordre le cou à l'ordre établi, c'est-à-dire porter de l'or. Mais elles sont de plus en plus nombreuses à le faire, reconnaissent les artisans bijoutiers, qui nous informent que le retour de la melhfa a eu un effet doublement bénéfique pour le come-back du bijou chaoui : elles le portent, donc il est sauvé, mais aussi valorisé. Les vendeurs ou revendeurs, qui ne sont pas toujours eux-mêmes les artisans et fabricants, disent ne pas pourvoir aux besoins grandissants de leurs clients, surtout en période estivale, quand des clients résidant à l'étranger se rendent dans leur magasin dans l'espoir d'acheter un bijou chaoui. En effet, souvent les commerçants n'ont rien à leur proposer, et dans les meilleurs cas ils mettent en vente des bijoux mal travaillés, mal finis et qui ne répondent aucunement aux besoins de leurs clients, car dépourvus totalement de toute esthétique. Un artisan propriétaire d'un commerce a une autre version et une autre opinion. Il nous dit à ce sujet : "C'est l'or, le travail au noir, mais aussi l'arrivée de beaucoup d'intrus qui n'ont rien à voir avec la profession qui ont fait que le bijou chaoui connaît et vit cette délicate situation. S'il y a une petite lueur d'espoir qui s'est dessinée dernièrement quant à un retour au bijou en argent, les raisons sont connues : le prix des bijoux en or ne cessent de grimper, des artisans qui ont pris sur eux de maintenir vaille que vaille le bijou authentique, car il est leur gagne-pain, mais aussi et surtout il y a une prise de conscience aussi bien chez les clients que la tutelle et différents secteurs qui, d'une manière ou d'une autre, sont concernés par ce legs, à l'exemple du secteur de la culture que nous avons souvent sollicité pour la protection de cet héritage, quand nous avons constaté que des trafiquants font sortir du territoire nationale des bijoux uniques pour les brader à l'étranger où les ateliers clandestins qui travaillent à rideau baissé, en toute impunité. Ils portent préjudice aux artisans qui ont des commerces légaux, qui paient leurs impôts et contributions." On parle d'indices positifs et une petite embellie, car de plus en plus de citoyens se retournent vers le bijou en argent, des parures, mais aussi les bagues, les bracelets et autres sont demandés pour les nouvelles mariées. Un énorme travail, aussi bien de marketing que sur le bijou lui-même, est à faire. Les clients sont exigeants ; ils demandent – ce qui est légitime – un produit de qualité, ce qui reste rare à trouver dans les commerces. Le but du salon de l'artisanat est de créer un carrefour d'échange d'expériences et de savoir-faire entre artisans. La participation de 20 wilayas à ce rendez-vous, représentées par des créateurs et fabricants de bijoux, à l'exemple de Tizi Ouzou, Bouira, Constantine, peut stimuler la compétitivité et donner des idées aux artisans locaux, dont certains sont en train de faire d'énormes efforts pour répondre aux besoins d'une clientèle en mal d'un bijou, qu'on retrouve au musée du Quai Branly et pas chez les artisans dans la capitale des Aurès. 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