Résumé : Le bombardement s'arrête enfin. La forêt était plongée dans l'apocalypse. Du feu et de la fumée régnaient en maîtres sur les lieux, alors que les morts et les blessés ne se comptaient plus. Je cherchais Baya... Si Ahmed me demandera de m'occuper tout d'abord des blessés. Mais derrière un écran de fumée, je reconnus les mèches blondes de ma bien-aimée... Les arbres, la fumée, le feu, les cendres, les cris des blessés, la mort, le déluge... Je ne voyais plus rien... Un voile noir s'abat sur mes yeux. Je ne sais pas combien de temps je suis resté inconscient. Mais à mon réveil, je constatai qu'il faisait nuit et qu'on m'avait allongé auprès des autres blessés. Papa Si Ahmed vint à mon chevet et me prend le pouls. -Tu es enfin revenu parmi nous Boualem... J'avais cru te perdre. -Que s'est-il passé ? -Tu ne te rappelles pas ? La mémoire me revint. -Baya... Baya est partie... -Oui... Mais toi tu es tombé et tu t'es heurté le crâne contre une roche... Instinctivement je porte la main à la tête et constate qu'on m'avait fait un épais bandage. -Je suis resté inconscient combien de temps ? -Presque une journée, mais tu reprends vie, et le pire est derrière toi. Je tente de me relever, mais papa m'en empêche : -à peine revenu, tu veux déjà danser ? -Je me sens mieux. -Oui... Tu ne ressens pas de douleur car je t'ai injecté un sédatif... Mais si tu te lèves, tu auras à coup sûr un vertige. -Mais... Il y a du travail... Et puis je dois enterrer Baya. Cette pensée me fait monter les larmes aux yeux. Si Ahmed me serre le bras : -C'est fait... Nous l'avons enterrée... -Où ça ? Il pousse un long soupir : -Dans une fosse commune, avec les autres martyrs. Je sentis ma gorge se serrer. Baya... Ma belle Baya... Je ne vais plus la revoir, et je ne pourrais même pas me recueillir sur sa sépulture. -Je n'arrive pas à croire qu'elle est partie. -Hélas ! Il faut t'y habituer Boualem... Personne ne connaît son destin... Nous sommes tous logés à la même enseigne. -J'aimerais lui donner une sépulture. -Plus tard, quand le pays sera indépendant... Nous pourrons même penser à récupérer les corps de tous nos martyrs pour les enterrer dignement. En attendant, nous n'avons plus qu'à prier pour le repos de leur âme. Je ferme les yeux et récite la Fatiha. Baya m'a quitté, mais je me dois d'honorer sa mémoire. Je ne dois pas me sentir faible devant les coups du destin et les affres de la guerre. Le jour où je suis monté au maquis, j'ai dû laisser derrière moi tous les biens de ce monde, pour ne me consacrer qu'à mon objectif : participer à la libération de mon pays. Cette pensée me redonnera courage. Si Ahmed m'annoncera en outre une bonne nouvelle : -Ta maman t'a envoyé quelque chose... -Ma maman ? -Oui... Elle est très brave ta maman, Boualem... Nous étions dans la forêt de l'Akfadou, et ma mère vivait à Béjaïa... Certes ce n'était pas très loin, mais je me demandais comment elle avait fait pour me faire parvenir le colis dont me parlait papa Si Ahmed. Comme s'il lisait dans mes pensées, il se lève et va chercher un grand carton qu'il avait caché. -Tiens... Ouvre donc... Je suis impatient de voir ce qu'il y a dedans. Il m'aida à m'asseoir et me tendit un petit couteau avec lequel je découpai le fil qui entourait la boîte. Très astucieuse, ma mère avait mis au dessus du carton quelques vieux vêtements, destinés sûrement à tromper la vigilance des militaires. Sous ces vieux pantalons, qui pourront servir à faire des bandages et des garrots, il y avait un véritable trésor : des crêpes, des confitures, des boîtes de conserve, des pâtes alimentaires, du formage, des gâteaux secs, des cacahuètes et des noix, un nécessaire de rasage, des médicaments, et même deux pulls en laine et des chaussettes fourrées. (À suivre) Y. H. Nom Adresse email