Abdelkader Secteur me fait toujours rire, même quand il est sérieux. Je crois qu'il me ferait rire même en pleurant. Voilà, sa tête me revient. Il paraît nature, franc du collier, capable de générosité même s'il ne roule pas sur l'or. Le contraire de Debbouz, qui paraît malin comme un singe et dur en affaire. Son handicape l'a sans doute façonné ainsi. Ce qui est remarquable chez Secteur, c'est qu'il donne l'impression d'être heureux. Mais vraiment heureux. Heureux parce qu'il est léger ou heureux parce qu'il est lucide, butinant la vie à chaque instant en sachant que tout est vanité ? J'ai eu la réponse en le voyant, il y a quelques jours, dans une émission qui lui a été consacrée par la tv marocaine 2M. Le journaliste, râblé, le sourire ironique derrière ses lunettes, ressemble à un instituteur dont la raison d'être est de coller ses élèves. Et le voilà qui interroge Abdelkader : "Beaucoup de Marocains pensent que le pain de la maison est bouffé par l'étranger." Que va faire Secteur devant l'impertinent ? Va-t-il lancer un rire tonitruant à la Khaled, histoire de remplir son vide ? Non. Il répond justement en citant Khaled : "Si vous voulez parler de Khaled, il est chez-lui au Maroc puisqu'il est marié avec une Marocaine." L'animateur glousse. Deuxième question : "Pourquoi beaucoup d'artistes Algériens sont invités au Maroc et peu d'artistes Marocains le sont en Algérie ?" Secteur va-t-il trébucher ? Il répondra avec le même sang-froid : "Je ne sais pas. Mais il y a quelque temps, à Oran, j'ai rencontré dans un hôtel le chanteur Marocain Ghani..." Ce à quoi l'animateur répondit un brin contrarié : "Oui, mais il a été mal reçu." Là j'ai compris que je me suis trompé sur toute la ligne : Secteur n'avait pas affaire à un instituteur, mais à un flic. Troisième question : "Si vous avez le choix entre pouvoir voler, être invisible ou lire dans les pensées des autres, que choisiriez-vous ?" Je craignais, là aussi, je ne sais pas pourquoi, une réponse passe-partout ou idiote. Je ne savais pas, faute de gros plans de la caméra, que Secteur était remonté. Et qu'il préparait l'attaque. Sa réponse fut un modèle de finesse. "Je choisirai de voler. Vous savez pourquoi ?" L'animateur souriait d'un sourire cruel qui ressemblait à une grimace. Il attendait la réponse de Secteur pour le crucifier. Et Secteur reprit : "Si je vole, je ne toucherais personne. Je planerais loin de tous en ne faisant aucun mal. Mais imaginez que je lise dans vos pensées, j'aurais peur de vous massacrer, vous voyez ce que je veux dire !" L'animateur resta bouche bée devant ce feu d'artifice. Il était d'autant plus choqué qu'il ne s'attendait pas à cette réplique. Abdelkader a prouvé, à cette occasion, qu'il avait plus de sens politique et de répartie que certains diplomates ou intellectuels. Chapeau l'artiste ! H. G. [email protected] Nom Adresse email