Ce spécialiste de l'amont pétrolier et gazier souligne dans cet entretien que le grand effort de formation des ressources humaines de la compagnie pétrolière nationale mené durant des décennies a été stoppé ces dernières années. Liberté : Que représente pour vous le cinquantenaire de la naissance de Sonatrach ? Nazim Zouioueche : Sonatrach fête son cinquantième anniversaire ; elle atteint l'âge adulte. Les multiples missions assignées ont été remplies avec plus ou moins de succès. Elle doit continuer à œuvrer pour améliorer ses performances, qui aujourd'hui laissent un peu à désirer, pour rester la société phare dans notre pays et aussi à l'étranger. Quelles ont été les réalisations majeures ainsi que les contreperformances de Sonatrach au cours de ces cinquante ans ? En cinquante ans, SH a cumulé plusieurs réalisations dignes d'intérêt. En premier lieu, sa conduite et ses performances après la nationalisation des hydrocarbures de 1971 ; elle a su triompher de tous les obstacles pour faire de cette décision politique une réussite. Très vite après, SH a été une des premières sociétés au monde à comprendre l'intérêt de développer ses ressources gazières (y compris la récupération des gaz torchés), devenant ainsi un acteur incontournable dans toute la chaîne gaz, de la production au transport, à la liquéfaction et à la commercialisation. Après une période difficile durant la décennie 1980, due à la chute des prix des hydrocarbures sur le marché mondial (ainsi qu'à des contrats gaz incorrectement formulés), SH a su vite réagir en relançant ses efforts d'exploration qui lui ont permis de devenir le premier découvreur du monde durant les années 1995 , 1996(la loi 86 modifiée en 1991 ayant été le socle de cette réussite). SH a aussi été un des pionniers de l'exportation du gaz par conduites sous-marines vers nos voisins de l'Europe du Sud. On peut et on doit ajouter à l'actif de SH une politique de formation tous azimuts, qui lui a permis de disposer d'une ressource humaine de qualité nécessaire à la réalisation de ses ambitions. Ces efforts de formation ont été malheureusement stoppés depuis quelques années laissant SH s'affaiblir. D'un autre côté, malgré des efforts relativement soutenues, SH n'a pas atteint ses ambitions en matière de pétrochimie ; cette activité aurait pu être un élément fondamental de l'industrialisation du pays et un grand pourvoyeur de postes d'emploi. Enfin SH, grand acteur dans le monde du gaz et du gaz de pétroles liquéfiés(GPL) n'a pas pu malgré des efforts certains commercialiser ces produits en atteignant le client final, ce qui lui aurait procuré une confortable augmentation de recettes sans augmenter les quantités fournies. Quels sont les défis que doit relever Sonatrach à court , moyen et long terme ? SH a d'autres défis à relever au cours des prochaines années. En premier lieu, un développement adéquat de la pétrochimie qui permettra à SH d'être un acteur prépondérant de la ré-industrialisation du pays tout en soulageant le marché de l'emploi par la création d'un grand nombre de postes de travail. SH doit être au centre de la transition énergétique nécessaire en participant avantageusement à la définition et à la mise en œuvre d'un modèle de consommation national qui tienne compte de nos disponibilités et de nos capacités. La demande croissante d'électricité nécessite une réponse immédiate afin de ne pas être pris de court après 2020 ; le développement de l'électricité solaire, outre la création d'emplois, pourrait apporter une part substantielle de la couverture de nos besoins qui ne feront que croître surtout si la relance de l'industrie se réalise. Pour ne rien négliger et puisqu'il semble que nos ressources en gaz de schiste sont importantes (à définir avec plus de précisions), il faut rester en veille sur la production de cette ressource et prévoir sa production pour les prochaines décennies si les coûts le permettent. Il faut une activité exploration soutenue pour mieux explorer nos bassins sédimentaires en particulier le nord et le sud-ouest du pays. Cela nécessitera un effort important pour améliorer la récupération de nos gisements de pétrole par la mise en place de processus de récupération assistée partout où cela sera possible, tout en prévoyant la mise en production des gisements de "tight oil" qui existent dans le pays(les prix élevés du pétrole le permettent). SH doit cerner toutes les possibilités de réduire ses coûts pour se donner une meilleure aisance financière ( il faut connaître ces coûts en temps réel pour les corriger si nécessaire). SH doit continuer à soutenir les sociétés de services du secteur qui lui donneront une plus grande indépendance tout en étant une "locomotive" pour la relance de l'industrie. Enfin, et c'est certainement le plus important SH doit reprendre ses activités de formation dans tous les domaines qui la concernent (même si il y a une déperdition) car la ressource humaine reste la seule et vraie richesse. K. R. Nom Adresse email