Plus qu'un symbole : le chef de l'Etat français a ouvert hier son sommet sur "la paix et la sécurité en Afrique" en chef de guerre. La veille, il avait solennellement lancé sa deuxième campagne en Afrique, après l'opération "Serval" au Mali du début de l'année. Il a accueilli ses pairs africains à l'élysée le lendemain de l'entrée de ses forces d'intervention à Bangui, capitale de Centrafrique. Deux équipées, a-t-il brièvement expliqué, pour rétablir l'ordre et éviter le chaos à ces deux pays. Sa seconde intervention aura le mérite de montrer à ses hôtes africains, plus de trente chefs d'état et une dizaine de chefs de gouvernement, que la France est loin de se départir de sa Françafrique et que, somme toute, François Hollande n'est pas si différent de de Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand, Chirac ou Sarkozy. La différence entre eux n'est que d'ordre sémantique. Les premiers avaient pour eux la sincérité d'assumer les échanges néocolonialistes avec leurs anciennes colonies, et depuis le socialiste Mitterrand, ce type de relations n'a pas changé mais la manière est devenue hypocrite, jouant notamment sur les violations des droits de l'homme, des accusations de génocides... François Hollande, lui, fait mieux en inscrivant ses interventions sous l'égide de l'ONU et de l'UA, surtout avec le blanc-seing de Washington et de Bruxelles, qui ont fini par accepter que la France soit pour les intérêts occidentaux le sous-traitant idoine sur le continent noir en devenir. évidemment, pour faire avaler sa bouillabaisse à ses pairs africains, Hollande, outre la question de la sécurité telle qu'il la conçoit, a élargi sa rencontre à deux autres thèmes porteurs : partenariat économique et développement et, pour se sacrifier à la mode, le changement climatique. Trois thèmes récurrents dans les grandes messes internationales, à l'ONU, au G8, à l'UA, à l'OCI... et jusqu'ici sans impact sur les populations africaines. En fait, l'objectif premier de l'hôte français est la mise sur pied d'une force africaine qui puisse intervenir rapidement en cas de conflit sur le continent et dont la France serait le parrain. L'association d'Africains, c'est pour, d'une part, partager le fardeau financier via l'ONU et l'UA, utiliser leurs soldats comme chair à canon, comme cela a été montré au Mali où le Tchad a laissé plus de cinquante militaires contre cinq français. Reste que la proposition d'Hollande de "pompiers" africains pour intervenir sur des foyers de conflits, sous sa direction, fait doublant avec l'Union africaine dont des forces de ce type sont opérationnelles présentement en Centrafrique. Alors, faut-il y voir une velléité de réduire l'organisation africaine à un grand machin inefficace ? Pour autant, plus d'une quarantaine de chefs d'état africains ont répondu présent à la convocation de l'élysée. Sauf ceux qui sont poursuivis par la Cour pénale internationale, ou sous le coup de sanctions, comme Omar el-Béchir du Soudan, Robert Mugabe du Zimbabwe ou encore le dirigeant de transition en RCA (Centrafrique), Michel Djotodia. Le président de transition égyptien Adly Mansour n'a pas été non plus convié, l'égypte étant exclue de l'UA après le coup d'état militaire contre l'islamiste Mohamed Morsi. En revanche, le président kényan Uhuru Kenyatta poursuivi par la CPI est lui autorisé à assister au sommet, car il coopère avec la juridiction internationale, selon Paris. Si la plupart des chefs d'état africains ont répondu à la convocation d'Hollande, ce n'est pas le cas du Rwandais Paul Kagamé, de son homologue sud-africain et du roi Mohammed VI. Zuma, même s'il ne l'a pas invoqué, ne pense pas moins que l'Afrique est aujourd'hui en mesure de s'occuper de ses propres problèmes, fussent-ils complexes comme la question de sa sécurité. Le président sud-africain avait déjà état de ses désapprobations avec les équipées françaises en Libye puis au Mali. Malheureusement, ses pairs en avaient décidé autrement, applaudissant les interventions militaires françaises. Le roi du Maroc lui a rendu sa monnaie au président français qui a, en quelque sorte, "saboté", avec sa rencontre élyséenne, le sommet marocain tenu le mois dernier à Rabat sur la sécurité dans le Sahel. La rencontre était passée inaperçue. Notre pays, auparavant critique pour ce genre d'initiatives venant hors de l'UA ou de l'ONU, se fait aujourd'hui moins tatillon sur les relations franco-africaines ainsi que sur son monde de la francophonie. L'Algérie chez qui la langue de Molière est assez courante et qui est considérée par beaucoup de butin de la guerre de libération, comme l'avait si bien proclamé Kateb Yacine, est présente au sommet élyséen. Le Premier ministre Sellal représentera le président Bouteflika en convalescence. Alger espère que Paris va enfin réviser sa politique africaine pour lui ôter notamment ses relents néocolonialistes et instaurer enfin avec le continent des rapports gagnant-gagnant. Ces dirigeants africains accourus à Paris consentiront-ils à dénuder l'UA dont le processus de modernisation n'est pas encore achevé ? Pour autant, Hollande a vu grand : sont également présents à sa messe des organisations internationales, européennes et africaines. Entre autres l'Onu, le Conseil européen, la Commission européenne, la Commission de l'Union africaine, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Une chekhchoukha, un mélange des genres. Un palabre pour rester africain. Ce sommet qui se veut très spécial, selon son organisateur, n'aboutira à aucune solution concrète pour la paix et le développement du continent. Il y a eu des sommets de ce genre à la pelle, et ils n'ont jamais permis à l'Afrique de se redresser, encore moins à la démocratie et aux droits de l'homme de s'imposer. L'opposition camerounaise dont les dirigeants ont toujours été des membres du carré françafrique a peut-être raison de qualifier ce sommet de foire aux chefs d'état africains convoqués à Paris pour écouter la redéfinition de leur coopération envers leur maître. Ce n'est pas si faux quand on l'appréhende derrière les lunettes de la Françafrique. D. B Nom Adresse email