Amara Benyounès vient de faire connaissance avec l'ingrat métier de ministre. Après avoir claironné que le projet de Bellara "se fera avec ou sans le Qatar", le ministre du développement industriel a été rappelé à l'implacable logique de la realpolitik. Mais cela ne résout en rien les inconnus de cet accord. Sur le papier, le projet Bellara est trop beau pour être vrai. En gros, il sera finalisé en 2017, avec un investissement initial de 2 milliards de dollars. Il produira 2 millions de tonnes d'acier par an et va nous libérer, à long terme, d'une facture de 10 milliards de dollars qu'on dépense pour acheter de l'acier en tant qu'importateur. Mais ces chiffres lancés à la face des observateurs économiques ne résistent pas aux questions qu'ils suscitent. Car Bellara, offerte aux Qataris comme on offre une mariée sans parler de la dot, pose des questions de fond. L'accord dit "stratégique" l'est probablement sur le plan politique, car sur le plan économique, il ne répond à rien de stratégique. Bien au contraire. Les questions que le gouvernement algérien a évité de poser à son "allié" qatari sont nombreuses. Si on met en avant les capacités de production du futur monstre sidérurgique (allant à parler de 5 millions de tonnes/an d'acier), on ne dit pas un mot sur celui qui va transformer cet acier ! Sachant qu'à l'heure actuelle, personne n'est en mesure de le faire en Algérie. Donc, qu'est-ce qu'on va faire de tout cet acier s'il n'est pas transformé ? Autre détail : l'accord ne dit absolument rien sur la provenance du fer qui sera transformé en acier. Ni sur la destination de l'acier produit (va-t-on faire de la tôle, des tubes ?). Comme il ne précise pas quelle est la quantité de gaz que Bellara va avaler au quotidien au détriment de sacrifices sur le volume de gaz du marché national déjà trop exsangue. Enfin, l'accord ne pipe mot sur comment les Qataris vont payer le gaz pour alimenter les fourneaux. Au prix national ou international ? Et si c'est au prix international, va-t-on se transformer, par miracle, de grand exportateur en un grand importateur. Bellara est donc davantage un problème et non une solution. Et le plus terrifiant est qu'il n'y a aucune trace de négociations quelconques entre Alger et Doha sur ces "détails" stratégiques. n Nom Adresse email