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...PORTRAIT...
Mohamed Cherif Messaâdia
Publié dans Liberté le 02 - 02 - 2014

Le meilleur témoin d'un homme politique de premier plan décédé n'est ni son épouse et ses enfants trop subjectifs ni ses collaborateurs trop hagiographiques. Encore moins ses adversaires qui le diabolisent. Qui alors ? Ses subalternes au plus bas de l'échelle, ceux qu'on appelle les petites gens. Par exemple, son chauffeur qui le voit matin, midi et soir, son chauffeur qui le voit dans sa vérité, son chauffeur qui connaît tous ses secrets, ce petit tas de secrets qui définissent chaque homme, selon Malraux. Dans le cas de Mohamed Cherif Messaâdia, ceux qui ont été ses chauffeurs ne tarissent pas d'éloges sur sa modestie, sa compassion et son humanisme. "Il partageait souvent nos repas, oui Monsieur, il mangeait avec nous même quand il était en haut de l'échelle." Au vrai, le Messaâdia véritable valait mille fois plus que la réputation qu'on lui collait. On le disait illettré, c'était un érudit, on le disait alcoolique, il était d'une sobriété d'ermite.
On le disait colérique, il était d'un calme de moine bouddhiste, on le disait fermé, il avait un humour décapant. On pourrait penser que je dresse le portrait d'un ange longtemps tenu pour un diable. Erreur ! Messaâdia n'était qu'un homme avec ses limites et ses faiblesses.
Mais pas celles qu'on lui prête. Voilà tout ! Donc ni ange ni diable, un homme, rien qu'un homme que les circonstances et le caractère ont placé, à un certain moment de l'histoire de notre pays, aux premières loges du pouvoir. Et le pouvoir salit, surtout quand on ne le détient pas totalement. On nous prête ce qu'on n'est pas, et on endosse ce qu'on ne fait pas.
D'où vient alors cette mauvaise réputation que Messaâdia a longtemps traînée ? Du FLN qu'il dirigeait, du FLN qui concentrait toutes les haines, les colères et les frustrations du peuple alors que le pouvoir était concentré entre les mains du cercle militaro-présidentiel.
Le FLN n'avait d'autre rôle que celui de "drabki". À l'appui, le témoignage d'un politique de premier plan. En effet, dans une conférence de presse rapportée par Liberté en 2005, Abdelhamid Mehri, qui fut secrétaire général du FLN, reconnaîtra en parlant de Messadiaâ : "Quelques jours après ma désignation à la tête du parti, je sortais du Palais du gouvernement et je me dirigeais vers El-Biar. Il y avait ce jour-là une énorme manifestation, et les gens scandaient "Messaâdia, serraq el-malia" (Messaâdia, voleur des finances publiques). Il révélera qu'une enquête menée par le parti démontrera que "ces manifestations-là étaient provoquées". M. Mehri ajoutera crânement : "Ils l'ont sali volontairement et en toute connaissance de cause pour stopper la vague du changement." Figure charismatique, rassembleur, Messadiaâ, qui fut le compagnon d'armes de Bouteflika, ne laissera jamais tomber ce dernier lors de sa traversée du désert.
Il n'était pas homme à changer d'amis au gré des régimes. Confucius a dit : "Je n'ai pas encore vu d'homme qui soit inflexible sur ses principes." Et si Messaâdia était cet homme ?
H. G.
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