Lors d'une conférence animée, hier, au Palais de la culture, à Alger, sur le parcours de feu Mohamed Chérif Messaâdia, Abdelhamid Mehri, l'ancien secrétaire général du FLN, a estimé que son prédécesseur à la tête du vieux parti avait fait les frais, dans le sillage des évènements d'octobre 1988, de “la logique du parti unique”. Cette logique, a-t-il expliqué, exige, chaque fois que le système est bousculé, que “les critiques et les dénonciations se concentrent sur les individus afin que soit préservé ce même système”. Mohamed Chérif Messaâdia, de par ses fonctions d'alors et son rôle de responsable du secrétariat permanent du FLN, était donc tout indiqué pour “supporter tous les aspects négatifs du parti unique et même plus que cela”. C'est ainsi, selon M. Mehri, qu'“on a collé la paternité du fameux article 120 à Messaâdia alors qu'il découlait en vérité directement de la nature du système”. L'ancien secrétaire général du FLN se souvient avoir été directement témoin de l'une de ces fameuses manifestations d'octobre 1988. “Quelques jours après ma désignation à la tête du parti, je sortais du Palais du gouvernement et je me dirigeais vers El-Biar. Il y avait ce jour-là une énorme manifestation et les gens scandaient “Messaâdia, serraq el malia” (Messaâdia, voleur des finances publiques)”, raconte-t-il. Le même “slogan” sera crié de nouveau, quelques jours plus tard, lors d'une autre manifestation organisée cette fois devant le siège du parti, se souvient encore Mehri. Une enquête menée par la suite par des militants et responsables du FLN, révèle-t-il, allait aboutir à la conclusion que “ces manifestations-là étaient provoquées”. Pourquoi Messaâdia en était-il la cible ? Outre les fonctions qu'il assumait jusque-là et qui faisaient de lui une façade très en vue du système, “certains pensaient que le changement devait passer par le ternissement de certaines figures et celle de Messaâdia devait l'être tout particulièrement”, ajoute M. Mehri qui achève d'expliciter sa pensée en lâchant sans détour : “ils l'ont sali volontairement et en toute connaissance de cause pour stopper la vague du changement”. Pour mieux étayer cette volonté d'empêcher le changement, Abdelhamid Mehri rappellera cette fameuse motion où lui-même et d'autres avaient été dénoncés pour avoir “cautionné la constitution de 1989 et notamment son article 40 qui consacre le multipartisme”. L'ancien secrétaire général du FLN note, avec regrets, que ce refus du changement s'est traduit, depuis, par “la persistance de la pensée unique qui demeure à ce jour en vigueur à plusieurs niveaux du pouvoir”. Cela dit, Abdelhamid Mehri, qui a brossé le portrait de feu Messaâdia tel qu'il l'a connu, le décrit comme un homme qui “croyait en l'efficacité du parti unique” mais qui estimait que le FLN ne détenait pas “assez de pouvoir”. C'est ainsi qu'à l'avènement du courant islamiste, Messaâdia a eu cette petite phrase, mi-sérieux mi-blagueur : “comment ces gens-là peuvent-ils rêver de prendre le pouvoir alors que le FLN attend de le prendre depuis 1962 ?” Mohamed Chérif Messaâdia avait “quelques réticences” quant aux réformes politiques et économiques décidées à le suite des évènements d'octobre. Tout en étant “conscient de la réalité du système, il pensait qu'il n'y avait pas d'alternative au FLN”, explique Mehri. Farouk Lekhmici