On ignore si elle procède simplement de "l'obligation morale" pour "exprimer ses sentiments et ses craintes" ou si elle exprime une opinion d'une aile de l'armée dont il est issu : en s'invitant dans le débat autour de l'élection présidentielle, dans un climat politique lourd, l'ancien président Liamine Zeroual vient sans aucun doute d'apporter un soutien de poids aux partisans du changement. De par sa popularité, qu'il a gardée intacte en dépit d'un effacement de la scène politique depuis sa démission, sa rectitude morale, sa constance, son sens de l'Etat et sa légitimité, étant l'unique président à avoir été plébiscité par un vote massif en 1995, Liamine Zeroual apporte une caution morale à tous ceux qui appellent au dépassement du système en place, à l'organisation d'une transition pour asseoir la deuxième République. "Indépendamment de ce qui va résulter du scrutin du 17 avril prochain, il faudra surtout retenir que le prochain mandat présidentiel est le mandat de l'ultime chance à saisir pour engager l'Algérie sur la voix de la transition véritable. Tous les indicateurs objectifs militent pour entamer, sous le sceau de l'urgence, dans la sérénité et de manière pacifique, les grands travaux de cette œuvre nationale salutaire à la réalisation de laquelle tous les Algériens doivent être associés", écrit-il. Au-delà du caractère solennel de la missive, bien élaborée, et du choix de la date, Journée de la victoire, Zeroual, comme le défunt Mehri avant lui, restitue, de par sa position privilégiée, les enjeux du prochain scrutin. "Le prochain mandat présidentiel doit s'inscrire dans le cadre d'un grand dessein national et offrir l'opportunité historique d'œuvrer à réunir les conditions favorables à un consensus national autour d'une vision de l'avenir de l'Algérie, une vision partagée par les principaux acteurs de la vie nationale et que doit nécessairement couronner, en dernière instance, l'assentiment souverain de l'ensemble du peuple". On sait que Zeroual ne porte pas Bouteflika en estime, l'homme n'ayant probablement jamais digéré la fameuse expression "présidents stagiaires". Il est le seul parmi les anciens chefs de l'Etat à s'absenter des cérémonies officielles. Et dans cette missive, par précaution sémantique, à peine ne l'accuse-t-il pas de Bonaparte. "Il faut se garder de sous-estimer la situation actuelle et de penser que la manne financière peut, à elle seule, venir à bout d'une crise de confiance structurelle", "la magistrature suprême, une lourde et délicate charge, autant morale que physique", "une charge qui, pour être honorablement assumée, exige d'être entourée d'un certain nombre de conditions dont essentiellement celles qu'édicte formellement la Constitution, d'une part, et celles qu'impose l'éthique des règles protocolaires liées à l'exercice de la fonction, d'autre part", "la révision de la Constitution en 2008 a profondément altéré le saut qualitatif qu'exigeait l'alternance au pouvoir et a privé le processus de redressement national de conquérir de nouveaux acquis sur le chemin de la démocratie", ou encore "il faut se garder de croire que la grandeur du dessein national peut relever de la seule volonté d'un homme, serait-il providentiel, ou de l'unique force d'un parti politique, serait-il majoritaire", sont autant de charges contre l'actuel Président-candidat. Mieux, Zeroual semble comprendre, pour ne pas dire soutenir l'effervescence de la jeunesse. "Une effervescence citoyenne qui n'a d'autre ambition légitime que celle d'apporter sa propre contribution à l'édification d'un nouvel ordre politique dans la fidélité à l'esprit de Novembre et en harmonie avec les normes universellement consacrées (...)". Selon lui, "il est temps d'offrir à l'Algérie la république qu'elle est en droit d'exiger de son peuple et de son élite éclairée". Reste, maintenant, à savoir quelle serait l'impact de cette sortie sur l'opinion et sur l'évolution des rapports de force au sein du sérail. Si certains, au regard des premières réactions, tentent d'en minimiser la portée lorsqu'ils n'établissent pas des liens avec les manifestations après l'incartade de Sellal sur les Chaouis, d'autres, en revanche, relèvent que l'homme qui n'est pas spécialement attiré par le pouvoir, ayant démissionné de son poste, prend toute la mesure de la gravité de la situation. Devant les hommes et devant l'histoire. Mais il n'est pas dit qu'il ne montre pas, ainsi, des lignes rouges que les tenants du statu quo ne doivent pas franchir. K. K Nom Adresse email