"Djazaïr horra démocratia" le disputait au "chaâb yourid isqat ennidham". La première action publique de la Coordination nationale des partis et personnalités politiques pour le boycott de l'élection présidentielle du 17 avril 2014 (Ennahda, FJD, Jil Jadid, MSP, RCD et Ahmed Benbitour) a été une réussite. Son meeting populaire organisé hier à la salle Harcha, à Alger, a drainé une grande foule. Des milliers de citoyens sont venus écouter les leaders de l'opposition qui, avec leur sortie d'hier, ont réussi leur pari. Les gradins et le terrain étaient pleins à craquer. Il y en avait de tous les âges et des deux sexes. Et de tous les courants politiques, aussi. Des femmes voilées et non voilées, des hommes en qamis et d'autres, habillés à l'européenne. Dans une ambiance empreinte de convivialité, tout un chacun a laissé de côté ses convictions idéologiques pour les besoins d'une cause commune : le boycott de la présidentielle du 17 avril et la sauvegarde de l'Algérie. Des pancartes sur lesquelles est frappé le mot d'ordre du boycott sont accrochés, çà et là, dans toute la salle. Dans les gradins, des jeunes criaient haut leur opposition au système et leur aspiration à la démocratie. "Djazaïr horra démocratia" (Algérie libre et démocratique) le disputait au "Chaâb yourid isqat ennidham" (le peuple veut la chute du système). "Ichawiyen", scandait-on dans les gradins, avant d'enchaîner par un retentissant "Imazighen", pour répondre à la raillerie d'Abdelmalek Sellal sur les Chaouis. À l'annonce par l'animateur de l'arrivée de Saïd Sadi dans la salle, et alors que celui-ci était assailli par les photographes, des applaudissements, à tout rompre, fusaient dans la salle, accompagnés d'un retentissant "Assa azekka, Sadi yella yella" (aujourd'hui et demain, Sadi sera toujours là). L'annonce de la venue du patriarche des droits de l'Homme, Me Ali Yahia Abdenour, mais aussi celle de Fateh Rebaï, l'ancien président d'Ennahda, a provoqué, elle aussi, les vivats de la salle . Accompagné de certains de ses fidèles, l'inénarrable Ali Belhadj a créé, à son entrée dans la salle, un petit flottement avant que la sérénité ne reprenne ses droits. C'était vers 15h que les six leaders de la Coordination (Mohcine Belabbas, Ahmed Benbitour, Abdellah Djaballah, Soufiane Djilali, Mohamed Dhouibi et Abderrezak Makri) ont fait leur entrée triomphale dans la salle. Le timing de leur prise de parole a été réglé la veille par tirage au sort. Le premier à intervenir est le président de Jil Jadid qui a ponctué son discours par quelques digressions humoristiques. "Aujourd'hui, l'opposition se fortifie et c'est elle qui porte les espoirs du peuple (...) Le système est pourri et a échoué. Il doit partir pour laisser place à un nouveau système basé sur le droit, la démocratie, le consensus, etc.", a-t-il lancé, avant de s'en prendre au président Bouteflika qui, selon lui, "ne pense qu'à sa petite personne". "Ils veulent nous imposer un président absent, un fantôme qui ne parle ni ne fait de discours et qui n'est intéressé que par sa petite personne. Après deux ans de silence, il a parlé pendant 14 secondes pour dire qu'il est candidat", a-t-il ironisé. Soufiane Djilali est tombé à bras raccourcis sur Benyounès et Sellal qui "insultent le peuple", mais aussi sur Ahmed Ouyahia et Abdelaziz Belkhadem. Deuxième à s'adresser au public, le président du RCD, Mohcine Belabbas, alternant arabe et kabyle, a tenu à souligner l'importance d'une manifestation regroupant plusieurs courants politiques. "La rencontre d'aujourd'hui est celle d'une Algérie plurielle. C'est un message d'espoir et de tolérance ; une preuve que des Algériens avec leurs différences peuvent se rencontrer, échanger et débattre dans la sérénité (...)", a-t-il soutenu. Dans son intervention, M. Belabbas a fait un procès en règle du système qui a, à son actif, "un demi-siècle de viol de la loi, de confiscation de la richesse nationale et de détournement des voix de nos concitoyens (...)". Le président du RCD n'a pas manqué d'exhorter l'assistance à tourner le dos au scrutin du 17 avril qu'il a qualifié de "leurre", voire de "trahison". "La prochaine élection est un piège et une insulte de plus", a-t-il appuyé. Le président du RCD plaide pour "un boycott massif" qui est un "préalable" et non pas "une finalité". "Plus le système se retrouve seul, plus le scrutin sera illégitime et plus le futur mandat sera fragilisé pour céder devant les propositions des patriotes engagés pour une période de transition", a-t-il expliqué. Mohamed Dhouibi, secrétaire général d'Ennahda, a présenté l'action du front du boycott comme "un acte de naissance de l'Algérie nouvelle". Abdallah Djaballah, président du FJD, a estimé, lui, que l'Algérie vit une "crise de système" et a plaidé pour un changement radical et global qui ne pourra être réalisé que par la jeunesse. "Aujourd'hui, nous avons un exemple de ce que pourrait être l'Algérie sans les interférences des institutions de l'Etat dans la chose politique", a estimé le président du MSP, Abderrezak Makri, qui a cité l'exemple de la Tunisie où, en l'absence d'une intrusion de l'Armée et des Services de sécurité dans le débat politique, les forces politiques ont pu réaliser le vivre-ensemble. "La seule et unique menace pour le pays est ce système pourri et incompétent (...) L'Algérie est entre les mains d'un groupe de corrompus, une maffia qui menace sa stabilité et son unité", a-t-il appuyé. Dernier à intervenir, l'ancien chef de gouvernement, Ahmed Benbitour, qui considère ce 21 mars comme "le début du printemps qui portera ses fruits", avant d'entonner le fameux chant patriotique Min djiballina en guise de solidarité avec les Chaouis. A. C Nom Adresse email