Sachant que le prochain plan quinquennal (2015-2019) coïncidera avec la période du mandat du président de la République qui sera élu lors de l'élection présidentielle du 17 avril 2014, les différents segments sociaux se posent la question de savoir si les candidats proposent des programmes économiques alternatifs. Et si oui, quels en seraient les contenus essentiels clivants au regard de leurs intérêts respectifs ? Cela est valable du reste pour les grands partenaires économiques étrangers de l'Algérie. En attendant, il apparaît déjà que les choix et les arbitrages du prochain plan quinquennal sont encore ouverts si on se réfère notamment au ministre en charge du Développement industriel qui nous dit que son secteur "n'a pas encore été instruit par le gouvernement en vue d'établir le programme industriel pour les cinq prochaine années". La remarque préalable est qu'une partie des électeurs, notamment les plus jeunes d'entre eux, estime que les contenus économiques des programmes des candidats n'ont aucun intérêt car le seul enjeu des élections en Algérie a toujours été celui du pouvoir. Sauf que, pour reprendre une formule de Napoléon "On peut tout faire avec les baïonnettes sauf s'asseoir dessus". En d'autres termes, les bilans des politiques économiques qui seront mises en œuvre sont, dans tous les cas, opposables au pouvoir politique en place. Avec la sanction qui en découle. Par l'alternance et le vote, c'est le plus souhaitable, ou par la rue ce qui, malheureusement, n'est pas encore à exclure. La campagne n'ayant pas encore officiellement commencé, on a des difficultés à rendre lisibles au lecteur les différents positionnements économiques des candidats. Cependant, des repères clivants commencent à apparaître dans les documents diffusés et les déclarations faites aux média. Essayons de construire une typologie de ceux qui nous apparaissent les plus significatifs et d'en faire une lecture sur l'essentiel. Un point de méthode d'abord. On peut prendre le risque, malgré tout, de rattacher les programmes proposés par les candidats à la candidature aux trois grands courants économiques dominants : le néo-libéralisme, le néo-institutionalisme et le néo-keynésianisme. Avec une particularité commune cependant : un contenu variable de populisme dont la majorité des programmes est teintée (spécificité rentière de l'économie algérienne et chasse aux voix oblige). Le premier type de programmes à caractère néo-libéral, portés en général par des candidats issus de l'émigration récente ou plus ancienne, a disparu du champ des futuribles par défaut de porteurs puisque aucun d'entre eux n'a pu passer le premier tour des éliminatoires. Sans doute du fait d'un faible ancrage populaire mais aussi du recul généralisé de l'idéologie néo-libérale suite à la crise financière de 2008. A l'opposé, le programme économique de la "gauche extrême" porté par Louisa Hanoune est toujours en lice en raison de son ancrage social historique et politique. Rappelons-en quelques invariants que nous lui connaissons : patriotisme économique, arrêt du processus d'intégration à l'OMC, taxation significative des grands patrimoines et lutte contre l'évasion fiscale. Le deuxième type de programmes à consonance néo-institutionnaliste met en priorité la construction d'institutions politiques et économiques pérennes. On retrouve cette orientation lourde dans le "projet de renouveau national" du candidat Ali Benflis qui met l'accent sur l'Etat de droit et l'indépendance de la justice, la collectivité locale et l'entreprise. Sauf qu'il manque l'institution économique la plus en retard en Algérie : le marché, avec comme corollaire la transparence des transactions, la symétrie de l'information et la lutte contre l'informel. Traiter de cette question amènerait à se positionner plus clairement par rapport aux lobbies de l'import/import et autres chasseurs de rentes. Quant au programme économique du candidat Abdelaziz Bouteflika, il fixe comme objectif celui de "bâtir une économie émergente". A cet effet, le programme maintient la politique de la demande de type néo-keynésien en proposant de poursuivre une répartition "équitable" de la rente en s'éloignant du "libéralisme sauvage" tout en soutenant l'investissement par le financement public et la lutte contre la bureaucratie. Le tout est de savoir si cela sera suffisant pour faire entrer enfin l'économie algérienne dans le cycle vertueux de la croissance durable et de la diversification économique. Il me semble que là aussi, il y a des oublis. Par exemple, les politiques de rationalisation budgétaire qu'il faudra, qu'on le veuille ou non, initier parce que nous arriverons, dans peu de temps mais probablement sous le prochain quinquennat, aux limites de ressources par un financement budgétaire provenant aux deux tiers des ressources fiscales des hydrocarbures. L'explosion des importations, dont une partie est inutile et une autre contrefaite, devra cesser, et cela touchera forcément des intérêts en place chez nous et à l'étranger. A ma connaissance, le programme n'a pas directement traité cette question. D'un autre côté, des arbitrages délicats devront être faits, et les politiques de transferts sociaux révisées car certaines d'entre elles entraînent des gaspillages coûteux (énergie, produits de base, etc.). Alors comment concilier le soutien nécessaire aux bas revenus et la lutte contre le captage de rentes et le gaspillage ? C'est une autre question sur laquelle des clarifications devraient être apportées. Au niveau d'information qui et le mien, c'est que j'ai retenu d'essentiel. Pour faire justice aux autres candidats, Abdelaziz Belaïd, qui met l'accent sur le "dialogue et le rôle de la jeunesse", Moussa Touati qui souhaite "un système de gouvernance démocratique et social" et Faouzi Rebaine qui préconise "le renforcement de la société civile en vue de créer une force qui contribuera au bon fonctionnement des institutions de l'Etat", nous pouvons les inclure provisoirement dans la démarche institutionnaliste. En attendant d'examiner leurs propositions économiques détaillées. Pour conclure, je souhaite pour ma part que la campagne présidentielle soit un moment de débat transparent et lucide sur les perspectives économiques du pays. A défaut de consensus, car l'exercice ne sied pas, assurons-nous que la problématique est bien posée. Ça sera toujours ça de gagné. M. M. Nom Adresse email