Dans "le jardin de Mohand-Saïd Ziad", il y avait hier des pleurs de femmes et des larmes discrètes d'hommes. Il y avait de la douleur, mais surtout de la fierté. La dépouille encore allongée s'apprêtait à quitter à jamais, mais sans doute pour un monde meilleur, la modeste demeure qu'il habitait depuis sa retraite, il y a 20 ans. Dda Mohand, pour les siens et ses amis, allait divorcer de son jardin, dont l'état en disait long sur la maladie de son propriétaire, pour épouser, à jamais, le cimetière du village où il trouvera le repos éternel. Il n'était pas encore 10h lorsqu'une foule nombreuse avait déjà écumé l'étroite ruelle qui mène vers la demeure mortuaire, au centre du village Djemaâ Saharidj. Ils étaient venus, ils étaient tous là, les siens et ses amis, ses anciens confrères et les membres de l'Association des journalistes de Tizi Ouzou pour le dernier adieu. "C'était un intellectuel engagé qui avait gardé en lui toute la pureté d'un paysan", dira de lui le docteur Salhi, son ami d'enfance, qui se rappelle encore que Mohand-Saïd Ziad était "l'homme qui, lorsqu'il ne te connaît pas, ne te parle pas, mais t'écoute". "On vient encore de perdre un des derniers de la tribu des Kateb, Issiakhem et de ces hommes pétris de valeurs les plus sûres et les plus rares", ajoutait Youcef Aït Mouloud, un homme de théâtre qui se souvient encore de ces longues soirées qu'il partageait à Ben Aknoun avec l'auteur de Nedjma et le rédacteur de La sagesse de terroir. "C'était un homme qui faisait peur par sa résistance. Il ne voulait être l'objet de personne", disait, encore de lui, Sadek Aït Hamouda. À 12h, Mohand-Saïd Ziad quitta sa demeure, et ce fut aux journalistes que la levée du corps a été confiée par la famille du défunt qui a mesuré toute l'importance que leur fils avait aux yeux des hommes de la presse. Après l'inhumation, Omar Belhouchet, directeur du quotidien El Watan, a été sollicité par l'association des journalistes de Tizi Ouzou pour un témoignage sur le défunt. Ce fut émouvant. "Mohand-Saïd Ziad était un homme qui portait des valeurs de liberté. Ses amis n'étaient pas Boumediene et Kasdi Merbah, ou les responsables de la sécurité militaire qui l'ont jeté pendant une semaine, on ne savait où, pour une histoire de chronique. Ce n'étaient pas aussi les membres du Conseil de la Révolution qui géraient le pays d'une manière autoritaire, mais c'étaient Kateb Yacine, Issiakhem et les jeunes journalistes qu'il couvait auxquels il parlait avec une tendresse infinie", disait Belhouchet, ajoutant qu'"aujourd'hui, nous avons beaucoup de chroniqueurs et ils bénéficient d'une grande liberté politique ; ils doivent revisiter ce qu'il faisait durant les années 80, lui qui essayait de dire les choses avec des métaphores et des paraboles, mais qui était malgré cela pourchassé par la sécurité militaire à l'époque". "Votre village doit être fier d'avoir enfanté un homme de cette trempe. La semence qu'il a laissée dans le milieu journalistique est la plus belle chose qu'un homme de sa trempe pouvait laisser derrière lui", conclut Belhouchet en s'adressant aux villageois. S. L Nom Adresse email