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Le gaspillage des ressources économiques doit cesser
Publié dans Liberté le 12 - 04 - 2014

Comme nous sommes en pleine campagne électorale, il est important d'analyser certaines données économiques et financières de l'économie du pays, qui ne sont pas très discutées dans la campagne ni abordées dans la plupart des programmes des candidats. Dans cette contribution, nous allons aborder le problème des subventions énergétiques qui atteignent un niveau démesuré et qui profitent surtout aux plus aisés, les réserves de change qui sont trop élevées et dont la gestion est trop prudente, et enfin la question de prise de risque en économie et son lien avec la rentabilité.
Le choc des subventions énergétiques : 34 milliards de dollars pour 2014
Il est bien connu et même accepté par le peuple que l'Etat subventionne depuis l'indépendance le carburant, le gaz et l'électricité. Néanmoins, la très forte augmentation du prix du pétrole au cours des quinze dernières années et l'augmentation de la consommation énergétique interne au cours du dernier quinquennat devraient remettre en cause cette politique qui subventionne tout le monde de la même manière. Comme l'Algérie est un pays producteur de pétrole, les montants de ces subventions n'étaient pas inclus dans le budget de l'Etat, la subvention étant indirecte, puisque Sonatrach vendait cette énergie au rabais. Par exemple, le rapport financier de Sonatrach de l'année 2011 prouve que le prix de vente de l'essence est le cinquième du vrai prix, c'est-à-dire que le vrai prix d'un litre d'essence est 110 DA. Pour la première fois, le ministère des Finances a divulgué fin 2013 le montant de ces subventions indirectes pour l'année 2012 : 775 milliards (mds) de DA pour le carburant, 600 mds pour le gaz et autant pour l'électricité, soit 1975 mds de DA. Puisque la consommation énergétique augmente de 15% par an, et en tenant compte de l'inflation, le montant de ces subventions pour l'année 2014 devrait avoisiner les 2700 mds de DA, c'est-à-dire 34,3 mds de $. Ce montant est ahurissant et insensé. Pour en mesurer l'importance, il est utile de le comparer à d'autres chiffres. Pour l'année 2014, il représente 35,2% du budget de l'Etat ; 92% des dépenses en équipement ; 102% des recettes hors hydrocarbures ; 13,5 fois la subvention du lait et du pain ; 1,7 fois de l'ensemble de tous les transferts sociaux ; 14,8% du PIB anticipé et 48,5% du montant à la fin décembre 2013 du Fonds de régulation des recettes (FRR) qui est l'épargne du pays. Comparé aux budgets de certaines années, et en tenant compte de l'inflation, il est de 1,7 fois le budget de l'année 1998, égal à celui de l'année 2003, et il représente 48% du budget de l'année 2008. Enfin, il faut noter qu'étant donné l'augmentation de la consommation au cours des prochaines années, le montant des subventions devrait atteindre 52 mds $ en 2017. Le pays ne peut pas continuer un tel gâchis. La solution consiste à augmenter graduellement le prix de l'énergie et à donner directement les subventions aux plus nécessiteux. En fait, la politique actuelle profite à la contrebande et aux plus aisés, comme nous allons le voir ci-dessous.
Les plus aisés profitent des subventions énergétiques
L'Office national des statistiques (ONS) a publié récemment une enquête sur la consommation des ménages de l'année 2011 et l'a comparée à celle de 2000. En tenant compte de l'inflation, on y apprend que la consommation globale par tête a augmenté de 5,2% par année, ce qui est appréciable. Si on y regarde de plus près, en particulier les trois postes de dépenses les plus élevés, à savoir le poste Alimentation et Boissons (41,1% des dépenses), le poste Logement et Charges (20,4% des dépenses) qui contient les dépenses de gaz et d'électricité, et le poste Transport et Communications (12% des dépenses) qui contient les dépenses en carburant, on réalise qu'il y a de grandes disparités entre les ménages. Les résultats sont présentés en termes de décile des dépenses (et non pas des revenus) ; ainsi le premier décile (D1) représente les ménages dont la consommation mensuelle par tête est de 3600 DA (de l'année 2011), le second décile (D2) 5000 DA, le troisième (D3) 6000 DA, le neuvième (D9) 15 000 DA et le dernier (D10) 26 500 DA. Pour ce qui est de l'alimentation, l'étude montre que les 10% les plus aisés (D10) dépensent quatre fois plus que les moins aisés (D1) et un peu moins que les 30% les moins aisés (D1-D3). Pour le logement, les plus aisés (D10) dépensent presque sept fois plus que les moins aisés (D1) et presque autant que les 35% les moins aisés. Enfin, pour le transport et les communications, les 10% les plus aisés (D10) dépensent vingt-neuf fois plus – oui 29 – que les moins aisés (D1) et un peu plus que tout le reste de la population (D1-D9). Il faudrait des données plus fines pour mesurer exactement les subventions que chaque citoyen obtient. Néanmoins, les résultats de l'enquête de l'ONS montrent clairement qu'il est scandaleux et non équitable de subventionner de la même manière une personne démunie et une personne très aisée qui consomme 29 fois plus dans le cas des Transports et Communications et 7 fois plus dans le cas du Logement et Charges. Ce sont les plus aisés qui profitent le plus des subventions énergétiques, en particulier le carburant. Notons qu'il est logique de penser que les plus aisés préféreraient que l'Etat dépense une bonne partie des subventions pour améliorer la qualité de leur vie avec de meilleures écoles, de meilleurs hôpitaux, de meilleures routes et plus de lieux de loisirs.
Les réserves de change sont trop élevées
Le pouvoir se vante souvent du montant des réserves de change, soit 194 mds de $ à fin 2013, puisqu'il représente plus de trois années d'importation, alors que les standards internationaux suggèrent six mois. Il est donc utile d'analyser l'origine et la composition de ces réserves. L'Algérie exporte principalement du pétrole et du gaz et a peu de rentrées de devises de la diaspora et du tourisme. On peut dire donc que les devises des réserves de change proviennent de l'exportation des hydrocarbures.
Par ailleurs, les réserves de change peuvent se décomposer en deux parties. Il y a d'abord la contrepartie en devises du FRR (soit 70 mds de $), c'est-à-dire l'épargne du pays. Notons que la plupart des pays disposant d'épargnes élevées ont préféré les placer dans un fonds souverain afin de gérer cette épargne de manière plus rentable que de la confier à leur banque centrale pour sa gestion. J'y reviens ci-dessous. La seconde partie des réserves de change (soit 124 mds de $) est la contrepartie de la monnaie qui circule dans le pays, incluant les billets d'argent, les pièces de monnaie, et les dépôts des particuliers et des entreprises publiques et privés. Au contraire du FRR, cet argent n'est pas l'épargne de l'Etat mais la propriété des individus et des entreprises. Quand un citoyen veut acheter une voiture ou des bananes, la Banque d'Algérie utilise les circuits économiques pour mettre à sa disposition la contrepartie en devises de son argent nécessaire pour cet achat.
On peut donc conclure que les réserves de change sont élevées pour deux raisons. D'une part le pays ne dépense pas assez, en particulier il n'investit pas assez étant donné ses revenus. Beaucoup d'argent dort dans les banques au lieu de financer l'importation des machines et des matières pour produire des biens. Autrement dit, on ne peut pas se réjouir du montant élevé des réserves de change et se plaindre de la faiblesse de l'industrie dans la part du PIB (moins de 5%) puisque les deux chiffres sont les faces de la même pièce. La seconde raison est que le pays a beaucoup exporté des hydrocarbures, et en a donc beaucoup extrait.
Une hyper-extraction criminelle des hydrocarbures
L'Algérie a connu une hyper-extraction du pétrole et du gaz au cours de la première décennie de ce siècle. Cette hyper-extraction a affaibli les deux mamelles de l'Algérie, soient les gisements de Hassi Messaoud (pétrole) et Hassi R'mel (gaz). Nous observons d'ailleurs depuis quelques années de fortes diminutions de la production de ces gisements. Récemment, l'ancien PDG de Sonatrach, M. Zouiouèche, a déclaré que l'amélioration de 1% de l'extraction du gisement de Hassi Messaoud serait équivalente à une découverte majeure, soit l'augmentation des réserves de 500 millions de barils, c'est-à-dire 55 milliards de dollars pour un baril à 110 $. A contrario, un affaiblissement de 1% de ce gisement serait un désastre économique. Allez savoir de combien la gestion de l'extraction des hydrocarbures des années 2000 a affaibli le gisement de Hassi Messaoud ainsi que les autres gisements. Un affaiblissement de 0,1% représente 5,5 milliards de dollars, soit près de 20 fois le montant de la corruption de l'affaire dite Sonatrach 2. Et pour faire quoi avec tout cet argent ? Pour le prêter aux pays développés sous forme d'achat de bons de leurs Trésors et de leurs obligations puisque ces prêts étaient à la fin de l'année 2012 comme suit : Etats-Unis : 39,5 mds $ ; Allemagne : 29 mds $; France : 23,7 mds $; Pays-Bas : 18,3 mds $; Royaume Uni 15,7 mds $; Organismes Internationaux (FMI, Banque des Règlements Internationaux, etc.) : 40 mds $. Il est important de noter que la presse a rapporté que la direction actuelle de Sonatrach s'oppose à ce qu'Anadarko surexploite le gisement d'El-Merk qui est entré en production en 2013.
Pas de risques, pas de rendements
A la fin 2012, 94 % des réserves de change (incluant donc le FRR) étaient placés uniquement en obligations et bons du trésor de pays et organismes bénéficiant de la note AAA, les autres 6% étant déposés auprès de banques centrales étrangères. D'autre pays qui ont créé des fonds souverains pour faire fructifier leur épargne ont une répartition diversifiée de leur placement, en particulier en bons du Trésor, actions et obligations des entreprises privés, immobilier, etc... Pour expliquer la gestion des réserves de changes, le Gouverneur de la Banque d'Algérie a affirmé à l'APN que "cette gestion obéissait à trois principes à savoir la sécurité, la rentabilité et la fluidité". Les bons du Trésor des grandes économies sont effectivement fluides, c'est-à-dire que l'on peut les revendre très facilement. C'est aussi le cas d'autres actifs comme les actions et les obligations des grandes entreprises. Pour ce qui de la sécurité des placements, il est illusoire de penser que les bons du trésor des grandes économies sont complètement sans risque de défaut. Si la Chine décide de vendre ses obligations américaines, il n'y plus de système financier mondial et bye-bye les réserves de change. La Chine n'a aucun intérêt à vendre ses obligations américaines mais personne ne peut l'exclure, en particulier si elle rentre en guerre contre les Etats-Unis. Mais le degré de sécurité d'un placement, c'est-à-dire son risque, est étroitement lié au troisième critère, à savoir la rentabilité. Si un actif est plus rentable qu'un autre, c'est qu'il est nécessairement plus risqué. C'est un constat empirique, cohérent avec le bon sens et la théorie financière. Il faut arbitrer entre les deux paramètres (risk return trade off). Cet arbitrage est clairement fait par les autorités en faveur d'une prise minimale de risque. Sans surprise, le rendement des réserves de change pour l'année 2012 a été de 1,93%, soit à peine au-dessus de l'inflation américaine, 1,75%. La rentabilité réelle des réserves de change est donc presque nulle (0,18%). Dans le cas du fonds souverain norvégien, sa rentabilité globale en 2012 (en monnaie norvégienne) a été de 13,4%, avec un rendement de 18% pour les actions (qui représentaient 61,% du fonds) et 7% pour les obligations étatiques et corporatives (qui représentaient 38,1% du fonds). Notons aussi que le fonds norvégien créé en 1998 a une rentabilité annuelle moyenne de 7,1%, avec certaines très mauvaises années, comme lors de la crise financière mondiale, avec une rentabilité -23,3% en 2008, compensées par de très bonnes années comme 2009 avec un rendement de 25,6%. Si on considère les 150 dernières années, la moyenne des rendements annuels des actions américaines et des économies les plus développées sont supérieurs de 6% par rapport à celle des obligations étatiques. Les études empiriques montrent que cette différence est plus élevée pour les pays émergents. Autrement dit, la prise de risque reste rentable sur une longue période, même si on peut passer par des moments très difficiles.
Il faut laisser et encourager les entrepreneurs à prendre des risques
L'aversion au risque de l'Etat dans la gestion des réserves de change ne se retrouve pas d'autres de ses actions. L'Etat prend souvent des risques. Le programme Ansej comporte beaucoup de risque de non-remboursement (il y a plus de 30% de retard de paiement) ; lancer des programmes de prospection des hydrocarbures ou d'investissement comporte toujours des risques. Signer des contrats de vente de gaz de long terme contient des risques. Nationaliser les hydrocarbures a été une vraie prise de risques puisque le PIB de 1971 a baissé de 11,3%, soit de très loin la plus forte baisse annuelle de l'Algérie indépendante (si on exclut l'année 1962 où cette baisse a été de 19,7%). Mais il faut croire que les dirigeants de 1971 avaient confiance dans l'avenir (le PIB de l'année 1972 a progressé de 27,7 %) et surtout dans les cadres de Sonatrach.
En tous les cas, même si les dirigeants du pays ne veulent pas prendre de risque dans la gestion des réserves de change, ils doivent permettre aux grands entrepreneurs du pays d'utiliser la contrepartie en devises de leur trésorerie pour faire des acquisitions et des investissements à l'extérieur du pays. Prendre des risques est un des principes fondamentaux de l'entrepreneuriat. Les grands entrepreneurs savent prendre des risques et il faut les encourager à le faire. Il est par ailleurs très facile d'établir des règles pour que cette opération ne tourne pas en une fuite de capitaux.
Pour conclure, il est important de rappeler que les efforts de gestion efficace des subventions, des réserves de change, et plus généralement de la politique économique nécessitent l'adhésion de la population. Cette adhésion est impossible à obtenir sans un comportement exemplaire des dirigeants, en particulier leur probité. La corruption a atteint un niveau trop élevé. Combattre et éradiquer la corruption sont des préalables à toute action économique de grande envergure.
N. M.
(*) Professeur d'économie, université de Toulouse
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