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Fadila El-Farouk, romancière
« Au Liban, j'ai redécouvert la littérature algérienne »
Publié dans Liberté le 26 - 04 - 2014

Fadila El-Farouk, auteure de « Voler un moment d'amour »(1997), « Humeur d'une adolescente »(1999), « Ta Al khajal » (2005) « la découverte du désir » (2010), et « les régions de la peur » (2012), est une romancière algérienne qui a choisi de s'installer au Liban depuis plusieurs années. Rencontrée à Beirouth par la collaboratrice de la Rédaction WEB de "Liberté" Nadine Arafat, elle raconte son parcours, en relevant les difficultés que rencontre la femme algérienne au pays des Cèdres.
Pourquoi avez-vous choisi de vous installer au Liban ?
En 1990, je voulais fuir l'Algérie, et j'hésitai entre la Tunisie et la France. Mais je n'ai pas pu avoir de visa. J'ai eu des échos de certains de ses amis qui s'étaient réfugiés dans des pays arabes . C'est alors sur l(un d'eux, que j'avais connu par correspondance, a bien voulu m'aider à avoir le visa et à m'installer au Liban.
Sur le plan culturel, quelle est la différence entre l'Algérie et le Liban ?
Quand je suis arrivée au Liban, je me suis sentie comme une « Bédouine à Rome ». J'ai découvert une grande différence culturelle, sur le plan de la religion, de la langue et même du mode de vie! Sur le plan religieux, j'ai été impressionnée par la diversité religieuse et la liberté de la croyance au Liban par rapport à Algérie ; la croyance n'est pas une obligation sociale au Liban mais un choix personnel. Sur le plan de la langue, les libanais maitrisent différentes langues, alors que les algériens considèrent la langue comme l'héritage du colonialisme. Quant au plan personnel, je me suis découverte comme une vraie femme. La femme libanaise est plus instruite que la femme algérienne, surtout dans sa relation avec l'homme, j'ai découvert tout ce qui concerne la femme, son corps. Je vivais en Algérie dans une prison. Cette prison qui limite l'émancipation des femmes.
Selon vous, quels sont les problèmes qui caractérisent le quotidien des femmes algériennes ?
Le problème se trouve essentiellement dans l'éducation, dans les tabous. Les femmes ne sortent que pour faire des courses, ou pour consulter le médecin. Les jeunes femmes ne peuvent pas rencontrer les hommes d'une façon souple et simple sans être jugées par la société. D'ailleurs ce que disent certains algériens à propos de la ressemblance des algériens aux français est faux. Nous sommes un pays fermé qui contrôle toujours la femme et qui ne l'aide pas pour qu'elle soit consciente de ses droits.
En plus en Algérie, il y a ce qu'on appelle la crise de leaders. Ces derniers n'acceptent pas la femme surtout si elle est cultivée et émancipée. Et moi, je pense que c'est la femme qui donne la touche de beauté d'un pays.
Que pensez-vous de la littérature algérienne ?
Quand j'étais petite, je lisais les romans d'Assia Djebar, de Mouloud Feraoun, de Kateb Yacine et d'autres romanciers. Mais au Liban, j'ai redécouvert la littérature algérienne, car en Algérie, on ne lui donne pas d'importance ni à l'école ni à l'université. On croit aussi que tout ce qui est du Machrek est lisible. Sans oublier l'interdiction qui enferme les écrivains algériens à cause du non-respect de la liberté d'expression. D'ailleurs Moufdi Zakaria est mort dans l'exil ! C'est inimaginable
Pourquoi vous avez choisi d'écrire en arabe ?
Je suis Amazigh et j'aime bien la langue Arabe et j'appartiens à l'époque de l'arabisation de l'Algérie. C'est Abdel-Nasser et Houari Boumediene qui ont tenté d'unir les arabes, mais je ne pense pas qu'une langue pourrait unir les peuples ; on ne peut pas supprimer la langue, la culture, les traditions, l'histoire et l'identité des Amazigh par exemple .
Suite à ce projet, ils ont restreint les cours de la langue française en deux heures par semaine, ça ne suffit pas pour maitriser cette langue, l'arabisation nous a limité et elle m'a interdit de diffuser mes idées et écrire en d'autres langues.
Le terrorisme qui a frappé l'Algérie dans la décennie noire, frappe aujourd'hui le Liban...
En fait, il y a une grande différence entre les deux pays. Au Liban, il y a beaucoup de confessions mais en Algérie il n'y a que l'Islam et les islamistes se sont tués durant la décennie noire.
Au Liban, la plupart des partis politiques et confessionnelles dépendent de pays étranger, car, au Liban, c'est facile de porter un drapeau d'un autre pays, mais en Algérie, c'est impossible.
Le mouvement terroriste a détruit l'Algérie, et je me souviens très bien comment les islamistes se sont incrustés dans les écoles, les universités, les mosquées.
Je me souviens, un jour où on nous a refusé de chanter l'hymne national algérien car, selon eux, contre les principes de l'islam, l'esprit islamiste a pénétré notre conscient, on a oublié même que nos grands-parents ont été tués pour protéger l'Algérie et la révolution.
Pourquoi vos romans ne sont pas très connus en Algérie ?
Les arabisants essayent de me mettre à l'écart, si j'écris une ligne où je décris la relation sexuelle ils me blâment et m'accusent d'encourager cela. Et les francophones ne me lisent pas, malgré qu'ils puissent mieux comprendre ce que j'écris.
Pourquoi la culture algérienne n'est pas bien présentée au Liban ?
C'est à cause de nous. Les algériens ne sont pas ouverts aux autres. On attend toujours l'initiative de la part de l'autre, nous manquons de savoir vivre, et l'ambassade ne diffuse pas la culture algérienne au Liban. En somme, le ministère des affaires étrangères ignore la nécessité de transmettre l'image de l'Algérie au monde.
Comptez-vous revenir un jour en Algérie ?
Mon village me manque beaucoup en Algérie, les rues, les régions Kabyles, j'adore aussi mon accent, mais il n'y a aucune appréciation pour les cultivés et les gens créatifs.
N. A
Nadine Arafat, est libanaise, doctorante en droit, auteur
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