A quoi joue le chef de la fratrie islamiste tunisienne Rached Ghannouchi. Nul ne peut prétendre bien le connaître. Ghannouchi, -il le confirme encore une fois-est un homme imprévisible. En pleine crise "touristique", il sort pour apporter, indirectement, son appui à la ministre du Tourisme, Mme Amel Karboul, qui est déterminée à assurer le succès de la saison touristique, à travers le pèlerinage juif de la Ghriba (Djerba). Au moment où cette dame est la cible, tout comme le ministre délégué à la Sécurité Ridha Sfar, de certains députés, essentiellement du parti islamiste Ennahdha, pour son ouverture sur toutes les civilisations et sur, particulièrement, l'extérieur qui concerne l'entrée en Tunisie des juifs et des Israéliens, Rached Ghannouchi désavoue les siens en cautionnant cette politique. Il a même rappelé que le pèlerinage de la Ghriba a été bien organisé et sans accrocs par les deux gouvernements islamistes de Hamadi Jebali et Ali Laârayedh. Cette déclaration a désarçonné plus d'un et montre que le leader islamiste sait désormais comment s'imposer sur la scène politique tunisienne. Il a, en outre, appelé à mettre fin à la polémique et aux surenchères qui nuisent à la saison touristique et à l'économie en général. Cette déclaration est d'une importance capitale, car elle a été faite au cours d'une réunion du conseil de la choura du parti islamiste par Ghannouchi qui a aussi affirmé que son parti est contre la normalisation avec l'Etat hébreu, mais pour la liberté du culte. Cependant, d'aucuns pensent que cela fait partie du double langage auquel Ghannouchi a habitué les Tunisiens. N'avait-il pas qualifié les terroristes de Jebel Chaâmbi de "nos enfants qui s'entraînent", avant de les fustiger ? N'avait-il pas appelé à l'application de la charia avant de se rétracter et d'opter pour un Etat civil ? N'avait-il pas diligenté la sortie de son parti du gouvernement ? N'avait-il pas refusé de se joindre au Dialogue national pour finir par y siéger ? Autant d'attitudes qui, aux yeux de Ghannouchi, renforceraient le crédit de son parti (en régression par rapport à l'année 2011) aux yeux de l'opinion publique et le hisseraient en "sauveur" de la Tunisie. En reconnaissant, même partiellement, les erreurs commises par les deux gouvernements chapeautés par Ennahdha, Ghannouchi se révèle comme un "bon stratège" qui prépare son parti aux prochaines échéances électorales. En fait, comment expliquer ces multiples volte-face, sinon par une volonté de se rapprocher des partis centristes, comme le laissent supposer ses relations avec Béji Caïd Essebsi. Voilà pour la politique intérieure. Sur le plan international, lune de miel entre le parti islamiste et Washington, si on se fie au soutien apporté par les états-Unis au ministre délégué, M. Ridha Sfar, l'autre cible des islamistes. Celui-ci a eu le privilège de faire partie de la délégation tunisienne qui a accompagné le chef du gouvernement au pays de l'oncle Sam au détriment de son patron, le ministre de l'Intérieur, soupçonné d'être très proche d'Ennahdha. En accordant leur soutien à un rival du ministre de l'Intérieur, les Américains auront pris leur revanche pour punir le parti islamiste qui n'avait pas levé le doigt lors de l'attaque de leur ambassade à Tunis en septembre 2012. Aussi, Ghannouchi, en grand stratège, est-il en train de concocter un plan pour regagner la confiance de Washington en faisant semblant de devenir, comme le pensent certains, un "robot" condamné à exécuter, sans les discuter, les ordres de ses "supérieurs américains". M. K Nom Adresse email