Le Centre de documentation des droits de l'Homme (CDDH) de Béjaïa, affilié à la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (Laddh), programme dans ses activités annuelles une formation d'observateurs des procès dans les tribunaux algériens. Cette initiation au suivi des audiences est entamée conjointement à Béjaïa et Tizi Ouzou. Elle le sera dans les prochains jours à Alger et Béchar. Elle se déroulera en huit sessions étalées sur l'année 2014. Les séminaires constitueront le premier outil du projet de la Laddh intitulé "Observatoire des procès, pour un procès équitable", soutenu par la Commission européenne. Cette pratique pédagogique citoyenne, construite sur la découverte de l'environnement judiciaire et du déroulement des procès, débouchera sur la création officielle d'un observatoire national des procès dont la mission sera d'établir des rapports d'observation à des fins de plaidoyer pour le changement des lois ou leur adaptation aux standards internationaux conformes aux droits humains et aux libertés fondamentales. Pour rappel, la première session de formation suivie par une vingtaine de citoyens (universitaires, journalistes, artistes, étudiants) s'est déroulée le 26 avril dernier au CDDH de Béjaïa. Kherreddine Elyes, enseignant de droit à l'université Mira-Abderrahmane de Béjaïa, a présenté les lignes générales de la justice algérienne basée sur l'héritage colonial jacobin et son évolution depuis la première Constitution de 1963, votée dans une salle de cinéma pour être suspendue par le président Benbella après 23 jours d'existence, jusqu'à la révision constitutionnelle de 2008 qui a consacré un pouvoir ultraprésidentialiste où les institutions se résument à un seul homme. Le jeune enseignant universitaire mettra en relief la nette dépendance des pouvoirs législatif et judiciaire du pouvoir exécutif dans toutes les moutures de la loi fondamentale algérienne, malgré la rupture apparente consacrée par la Constitution de 1989. Il conclura sa rétrospective sur le monde étanche de la justice algérienne par cette appréciation : "Nous sommes encore dans la justice du téléphone." L'ancien magistrat et avocat, Boualem Boudina, relaya le professeur de droit par une présentation succincte de la Charte des droits de l'Homme en s'attardant sur la notion de présomption d'innocence et ce qu'il en est en Algérie. Il qualifiera l'Algérien de "ressortissant et non de citoyen". Il mit l'assistance en situation en présentant un tribunal algérien et les parties qui y exercent. Il dira en substance : "Si vous voulez voir la misère sociale de votre pays, allez assister à un procès ou rendez-vous dans une salle des urgences d'un hôpital." "Observer un procès et rédiger un rapport est un apprentissage qui nécessite de hautes qualités dont la patience n'est pas des moindres. Le processus d'observation débute en dehors de l'espace judiciaire par la qualification du délit par les policiers et les gendarmes et l'accès au dossier auprès des avocats. Le procès prend d'autres dimensions dans le tribunal où le citoyen est souvent humilié, alors qu'il doit bénéficier de la présomption d'innocence. Pour qu'un procès soit équitable, le juge devra sentir la présence des observateurs civils, celle de la presse libre et celle des avocats indépendants", dira l'ancien magistrat. Saïd Salhi, vice-président de la Laddh, conclura ce premier séminaire par ces mots : "La justice algérienne est étanche. Le tribunal est un espace public que nous devons investir. L'observation des procès est consacrée par la loi dans de nombreux pays. Il nous appartient d'être un regard externe manifeste dans la salle d'audience, pour faire avancer le droit et faire reculer l'injustice." Rachid Oulebsir Nom Adresse email