Belkacem Hadjadj sort Fadhma N'Soumer de la légende dans son long-métrage de fiction merveilleusement bien structuré. Trois éléments ont été déterminants dans la construction de ce film : l'action, l'émotion et la spiritualité. Elle méditait et contemplait l'univers ; il était fougueux et insoumis. Elle était une femme de tête ; il était un homme d'action. Ils n'appartenaient pas au même monde, mais la lutte contre l'occupant les a réunis. Chacun à sa manière et avec les armes qui lui sont propres, ils ont marqué l'histoire d'une région, d'un pays, d'une époque. Le long-métrage de Belkacem Hadjadj, tourné entièrement en kabyle, s'intéresse au parcours de Fadhma N'Soumer, mais aussi à celui de Chérif Boubaghla. Deux destins hors du commun façonnés par l'histoire. Coproduit par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (Aarc), le Centre national des études et recherches sur l'histoire du mouvement national et sur la Révolution du 1er Novembre 1954 et la société de production Machahou, avec le soutien des ministères de la Culture et des Moudjahidine, Fadhma N'Soumer a été projeté, hier matin, à la salle Ibn-Zeydoun (Riadh El-Feth), pour la presse. Le film plante le décor dans la deuxième moitié de la décennie 1840. Alors que la Kabylie reste un territoire à conquérir pour l'armée coloniale, la résistance commence à s'organiser. Le long-métrage s'ouvre sur le mariage de Fadhma. Elle rejette cette union et finit par partir vivre aux côtés de son frère, Tahar, à Soumer. Préférant la solitude et la méditation, Fadhma — issue d'une famille de notables lettrés liés à une puissante confrérie religieuse, Rahmaniya — sera considérée comme une sainte, à laquelle on attribue "baraka" et "karamate" (miracles). Consultée au départ par les femmes, son aura dépassera plus tard les frontières de son village. Elle fera la connaissance de Chérif Boubaghla qu'elle tentera de protéger jusqu'au bout, jusqu'à ce qu'il meurt dans un traquenard. Belkacem Hadjadj, qui a cosigné le scénario avec Marcel Beaulieu, raconte cette histoire en deux temps : le temps de Fadhma et celui de Boubaghla. Aux scènes de méditations et de paix, qui renseignent sur l'univers de Fadhma, s'adjoint le monde d'action et de conquêtes de Boubaghla. À la belle image, aux reconstitutions, aux nombreuses scènes de batailles parfaitement bien agencées et filmés s'ajoutent un scénario crédible, une émotion bien dosée et une intéressante manière de mettre en scène la légende. Jamais celle-ci ne prend le dessus sur les faits, sur l'histoire. En outre, la prestation des comédiens a été remarquable. Laëtitia Eïdo dans le rôle de Fadhma N'Soumer a été juste de ton : fière et rebelle, elle a réussi à extérioriser l'intériorité du personnage. Mention spéciale pour sa remarquable prestation, mais également pour son interprétation du rôle dans la langue kabyle. L'autre belle performance est celle du comédien marocain, Assad Bouab, qui a incarné le rôle de Chérif Boubaghla, en proposant un personnage flamboyant, parfois déraisonnable, mais toujours juste. Evidemment, les autres comédiens (Farid Cherchari qui a été particulièrement convaincant, Menad Embarek, Melha Mameri, etc.) n'ont à aucun moment manqué de présence ou de charisme. Signalons, également, la très belle prestation du chanteur Ali Amrane, qui a campé le personnage d'Azar, le barde, une sorte de voix de la sagesse et de l'oralité. Fadhma N'Soumer de Belkacem Hadjadj est, somme toute, un film qui tient en haleine, riche en rebondissements et en émotion. Au cours d'une conférence de presse à l'issue de la projection, Belkacem Hadjadj et les membres de l'équipe (les comédiens Laëtitia Eïdo, Melha Mameri, Farid Cherchari, Menad Embarek, Ali Amrane, le compositeur Safy Boutella qui a signé la musique du film, Mohamed Benhamadouche qui a signé les dialogues en tamazight, la monteuse Isabelle Devinck) ont répondu aux questions de l'assistance. Belkacem Hadjadj, qui a souligné "(c'était) extrêmement compliqué de traiter de manière fictionnelle de sujets historiques", a rappelé la difficulté de faire un film sur Fadhma N'Soumer en l'absence d'écrits sur elle : "Il n'y a pas d'écrits sur Fadhma. Il a fallu à partir de la légende fabriquer un personnage de Fadhma, sans tomber dans le ridicule et dans le faux, parce que Fadhma n'a pas fait pris les armes ; ce n'est pas une femme d'action." Enfin, signalons qu'une avant-première devait avoir lieu hier soir, et aujourd'hui, le film sera projeté à 19h à la salle Ibn-Zeydoun. S K Nom Adresse email