Le sujet est sur toutes les lèvres dans les quartiers populeux : l'opération de recasement, qui se fait attendre, et qui a été reportée à maintes reprises, devrait, enfin, avoir lieu avant le mois de Ramadhan, juste le temps d'en finir avec les examens de fin d'année. Pour la capitale, gros morceau de cette opération, quelque 22 000 familles seraient concernées. Mais ce nombre est loin de répondre à la forte demande. C'est que le logement social, tel qu'il a toujours été perçu, pose un sérieux problème et même si l'Etat proposait 200 000 logements sociaux tout de suite, le problème ne serait pas résolu. Le choix des familles "recasables" a constitué un véritable casse-tête et risque de mettre le feu aux poudres une fois l'opération enclenchée, sachant que beaucoup se sentiront lésées. Maintes fois revues, les listes des familles à recaser ont de tout temps constitué un fonds de commerce pour les mafias locales spécialisées dans la gestion du dossier des bidonvilles et des logements sociaux. De vrais réseaux organisés qui savent quand et où il faut bâtir des bidonvilles, comment faire monter les gens, les faire sortir dans la rue pour faire pression sur les décideurs et surtout comment s'assurer d'avoir des quotas de logements à chaque opération de recasement. Même le fichier national du logement, toujours en cours de perfectionnement, n'arrive pas à détecter ces spécialistes des bidonvilles. Quand bien même les services de la wilaya ont réussi à en débusquer quelques-uns en recourant au fichier de Sonelgaz, il n'en demeure pas moins que beaucoup échappent toujours aux mailles des filets. Dans certains bidonvilles, on recense des personnes qui ont bâti des villas, qui ont acquis des terrains et qui disposent de moyens financiers assez importants pour se passer d'un F2 ou d'un F3 dans une cité-dortoir, mais qui attendent quand même cette opération de recasement avec impatience. C'est la mentalité algérienne : le logement social est un droit, et une fois acquis, on le loue, ou on le revend, au prix fort. Et face à cette situation, l'Etat n'est pas exempt de toute responsabilité, puisqu'à chaque fois, il décide de léguer les logements sociaux à leurs locataires, encourageant par là même un business fort juteux. Dans les administrations locales, ce business est source d'enrichissement rapide et enivrant pour bon nombre de fonctionnaires, lesquels font tout pour que la politique du logement social ne change pas. Dans les quartiers et bidonvilles concernés par le recasement, certains affairistes, toujours les mêmes, manipulent les listes et les personnes et s'arrangent à tirer profit de cette énième opération. L'Etat est incapable de contourner cette mafia des bidonvilles, tout comme il est incapable de proposer une stratégie claire en matière de prise en charge des réels besoins en logement. Si les autres formules (AADL, LSP, LPP, entre autres) sont, plus ou moins, bien gérées, l'Etat ne parvient toujours pas à trouver la meilleure formule pour prendre en charge les familles nécessiteuses et celles logées dans des conditions difficiles. L'exode rural, la vétusté des logements, mais aussi l'évolution démographique sont autant de facteurs qui font que la demande sur le logement social sera toujours plus importante que les capacités de réalisation de l'Etat. Les opérations de recasement et/ou de "débidonvillisation", entamées depuis l'époque de feu Chadli Bendjedid ont, toutes, été lancées sous le slogan "Plus jamais ça". À chaque fois, on affirme que ce serait la dernière fois et qu'on ne permettrait plus l'implantation de bidonvilles, mais à chaque fois, de nouveaux bidonvilles voient le jour, avec la complicité des autorités locales, qui y voient un gisement inespéré en affaires juteuses. D'ici quelques jours, donc, débutera l'opération de recasement, avec, précise-t-on, du côté de la wilaya d'Alger, des nouveautés comme la décision de doter les nouveaux sites de toutes les commodités et de veiller à ne plus revivre le triste scénario de guerres des gangs entre nouveaux arrivants et anciens locataires. Au-delà des mécontentements que cela risque de provoquer auprès de ceux qui seront exclus et auprès des familles nombreuses qui devraient se contenter de leurs nouvelles "cages à poule", il y a lieu de relever que cette opération de recasement est loin de résoudre le problème des mal-logés et qu'il est urgent que l'Etat trouve une solution durable et réaliste à ce problème, au risque de devoir, à chaque année, ou à chaque échéance politique, faire d'inimaginables gymnastiques. A. B. Nom Adresse email