"La réconciliation nationale est une idée généreuse, c'est évident, mais nous n'avons pas besoin de la porter dans la Constitution", déclare-t-il. Quelles répercussions auraient la constitutionnalisation de la réconciliation nationale si elle venait à être adoptée sur la société et sa cohésion ? L'enseignant-chercheur en sociologie, Nacer Djabi, que nous avons joint par téléphone, esquive notre question, pour se demander, à son tour, ce que les initiateurs d'une telle offre entendent d'abord par réconciliation nationale. D'après lui, la réconciliation nationale est liée, pour "certains", au mouvement national, et devrait, par conséquent, intégrer les familles des harkis. Pour d'autres, poursuit notre interlocuteur, elle renvoie aux années 1990 et au drame vécu par les Algériens. "Mais dans tous les cas, il y a des contentieux, il y a un problème de réconciliation nationale en Algérie. Beaucoup de problèmes n'ont pas été réglés", finit-il par admettre. Il n'empêche que M. Djabi a du mal à saisir les raisons motivant l'inscription de la réconciliation dans la Constitution. Pour lui, ce n'est ni plus ni moins qu'un "non-sens". "La réconciliation nationale est une idée généreuse, c'est évident, mais nous n'avons pas besoin de la porter dans la Constitution", déclare-t-il, tout en rappelant qu'il existe déjà une loi sur la réconciliation, à savoir la charte pour la paix et la réconciliation nationale, qui a fait l'objet d'un référendum en septembre 2005. De plus, ajoutera l'enseignant-chercheur, le grand problème de l'Algérie réside dans l'application des lois, y compris celle de la Loi fondamentale. "Quel que soit le contenu de la Constitution, le problème de son application va se poser", assure-t-il, avant de signaler que la démarche du pouvoir, dans l'après-présidentielle du 17 avril, n'est rien d'autre qu'une "diversion politique". La preuve, relève Nacer Djabi, le projet de révision constitutionnelle n'apporte "aucun changement radical" ni d'"éléments importants", par exemple sur "l'indépendance de la justice", "le Parlement et la répartition des pouvoirs". "Le projet n'apporte pratiquement rien, si ce n'est de revenir sur des dispositions que nous avons connues, parce qu'elles existaient déjà dans la Constitution de 1996", soutient-il, en citant nommément la limitation des mandats présidentiels. D'après M. Djabi, "si nous voulons vraiment nous réconcilier avec nous-mêmes et avec notre histoire, il faudra alors consacrer une plus grande place à l'amazighité" dans la Constitution. Plus loin, ce dernier reviendra sur la démarche prônée par le pouvoir, en persistant à croire qu'il s'agit d'une "diversion politique" car, indiquera-t-il, "une vraie Constitution est faite par tous les Algériens qui en sont concernés, et non pas par une commission". Par ailleurs, le sociologue note que "le pouvoir négocie avec lui-même", en le justifiant par la réaction de la plupart des partis politiques, organisations et personnalités de l'opposition "qui en sont conscients" et qui ont rejeté les consultations et le texte revisité de la Constitution. Harcelé par nos questions, Nacer Djabi reparlera sur la proposition prévoyant de constitutionnaliser la réconciliation nationale, estimant, cette fois, que si la Loi fondamentale devait parler de la réconciliation nationale, elle apporterait du nouveau en consacrant des dispositions à "la repentance et au pardon". "Il aurait fallu que l'on parle des expériences réalisées dans les autres pays, plus particulièrement en Afrique du Sud, en matière de réconciliation nationale, que l'on situe les responsabilités et que les coupables demandent pardon aux victimes", souligne le sociologue, convaincu qu'on ne peut consacrer l'impunité et en faire une constante nationale. Tout en rappelant tous les actes abjects, assassinats, viols et éventrements des femmes commis pendant la décennie noire, et même cette façon de "piéger les cadavres" exercée par les hordes sanguinaires au nom de la religion, notre interlocuteur se demande "comment on peut se réconcilier avec des gens qui n'ont pas demandé pardon et qui ne reconnaissent même pas le mal qu'ils ont fait". En tout cas, selon lui, le traitement d'un passé d'horreur et surtout la réunion des conditions d'un véritable retour à la paix, en vue du "vivre ensemble", concernent toute la nation, seule à même de trouver la solution adéquate et durable. H. A. Nom Adresse email